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Suicides à la DGFIP: Des ministres ne devraient pas dire ça !
Ces 8 et 9 juillet, l’actualité, parfois facétieuse, a provoqué une des collisions dont elle a parfois le secret. Alors qu’était convoquée une réunion technique de la Formation Spécialisée de réseau sur la prévention des actes suicidaires après les 13 suicides et 9 tentatives enregistrées depuis le début l’année, la Ministre chargée des comptes publics était en conférence de presse pour annoncer la poursuite de la politique de relocalisation : la création de trois nouveaux centres de contact et le nouveau redéploiement de 330 emplois.
Interrogée par la presse, après l’expression tout en retenue de son empathie, la Ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, a osé déclarer : "aucun de ces suicides n’est lié à des conditions de travail ou des enjeux de travail. Néanmoins, nous devons rester lucides sur les moyens de prévention "
La veille, le Ministre de l’économie, Eric Lombard, interrogé lors de son audition par la commission des finances de l’Assemble nationale avait donné le ton :" C’est une situation que nous suivons et que je n’estime pas liée à des questions d’organisation, de charge de travail ou de management (…) On connait tous les cas individuels et il n’y a pas d’enquête à avoir ». « Nous allons accroitre un plan de prévention et de formation en premier secours sur la santé mentale "
Des ministres ne peuvent pas dire ça !
Il y a effectivement des « estimations » surprenantes à Bercy mais elles ne sont pas où on les imagine et où certains se plaisent à les dénoncer. S’aventurer sur le terrain des suicides quand on s’appelle LOMBARD devrait inciter à davantage de prudence et d’empathie.
Pour la lucidité sur les moyens de prévention, patatras !
Le plan de prévention apparait pour le moins limité.
Après avoir annoncé en CSAR ( le Comité social d’administration de réseau) le 7 juillet la systématisation des enquêtes et la généralisation des formations de premier secours en santé mentale.
Lors de la réunion avec les organisations syndicales représentatives le 9 juillet, la Direction générale est venue préciser sa pensée : c’est la proposition d’enquête qui sera systématique pas les enquêtes elles-mêmes et la généralisation des formations ne devrait finalement concerner les seuls assistants de prévention et les encadrants et attendra la fin de l’expérimentation en cours.
La DGFiP connait une vague de suicides et tentatives sans précédent excédant en 6 mois les drames enregistrés en 2024.
Si les facteurs sont à la fois multiples et éminemment personnels, il n’est plus possible de se retrancher derrière des fragilités individuelles réelles ou supposées.
Comment ne pas rapprocher ce triste record de celui des suppressions d’emplois que nous détenons depuis trop longtemps et du traitement de la DGFiP qui n’a pas d’équivalent dans la sphère publique ?
Il fut un temps, pas si lointain, où les Ministres venaient en soutien de leur administration et des agents placés sous leur autorité. A la douleur des familles, des proches et aux inquiétudes des collègues, on répond aujourd’hui par le déni et le mépris. A tout prendre, si c’est pour dire cela, qu’ils se taisent ! Qu’ils pèsent plutôt de tout leur poids pour empêcher l’amplification programmée de la politique destructrice conduite au détriment du service public, des conditions de travail et de la santé mentale des agents qui ont choisi de le servir.
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Des réunions pas à la hauteur du sujet
Déjà, la fin d’année 2024 a été marquée par une recrudescence des actes suicidaires et, depuis janvier 2025 le décompte macabre se monte à 14 suicides et 9 tentatives de suicide pour la DGFiP et excède déjà les chiffres de 2024.
Dès la Formation Spécialisée de Réseau (FSR) du mois de janvier F.O.-DGFiP a alerté la Direction Générale sur ces évènements, mais en vain !
La problématique demeure cantonnée aux questions diverses, la cheffe des RH estimant que la DGFiP est « dans la moyenne nationale ». Les cas augmentant de semaine en semaine, la Directrice Générale envoie un courrier aux secrétaires généraux des syndicats nationaux le jour de la FSR du 8 avril 2025 dans lequel elle admet que « les chiffres qui apparaissent élevés » nous préoccupe tous !
Elle y précise que « l’Observatoire national du suicide laisse à penser que ces évènements tragiques
ne sont pas plus fréquents au sein de notre collectif de travail qu’ils ne le sont dans l’ensemble de la
population ».
Elle précise enfin que le service RH a élaboré une fiche réflexe détaillant la procédure à diligenter sans délai en cas de suicide ou tentative de suicide, cette fiche a été diffusée au réseau et transmise aux représentants siégeant à la FSR.
Mais cette lettre de la DG n’a évidemment pas suffi à stopper les évènements dramatiques, nous en
sommes donc aujourd’hui 9 juillet à 14 suicides et 9 tentatives.
Lors du CSAR ( comité social d'administration de réseau) du lundi 7 juillet, La Directrice Générale, vivement interpellée sur le sujet par les organisations syndicales, a annoncé qu’il y aurait une enquête systématique suite à un acte suicidaire qu’il se soit déroulé ou non sur le lieu de travail de l’agent. De plus, dès septembre la DG va proposer « la formation aux premiers secours en santé mentale ».
Face à la gravité de la situation et à l’exposition médiatique du mardi 8 juillet, la Directrice Générale,
le Directeur Général Adjoint ont été contraints de présider la réunion technique de ce 9 juillet dont la convocation avait été préalablement décidé.
Ça a été pour la délégation F.O.-DGFiP l’occasion de réclamer l’arrêt immédiat des suppressions
d’emplois et des restructurations supprimant les services ou les transformant, alors que les missions
perdurent et augmentent la charge de travail de chacun.
Notre syndicat a insisté sur la faiblesse de l’accompagnement dénonçant la déshumanisation des
services RH dans les départements et le rabougrissement de la médecine du travail : il faut au minimum un médecin, voire 2 selon l’effectif du département.
Nous avons aussi demandé qu’un suivi soit assuré pour les agents en longue maladie ou maladie longue durée afin de ne pas les laisser isolés et complètement déconnectés de leur service.
En réponse, la Directrice Générale a quelque peu modifié ses propos du lundi 7 juillet : elle s’engage à proposer de manière systématique une enquête, mais la décision incombe à la FS locale de la diligenter ou non. La notion de « systématique » n’a donc pas de caractère contraignant, dans le cadre d’un acte en dehors du lieu de travail. Elle annonce une généralisation de la formation aux premiers secours en santé mentale, mais le document de travail restreint le public cible aux assistants de prévention et encadrants. La notion de généralisation n’est donc que géographique !
À la lecture de propositions faites lors de cette séance, notre syndicat s’est exprimé en formulant des
questions à la direction :
-À quel moment la Direction Générale s’interroge-t-elle sur les conséquences sur la santé mentale des collègues de 2 décennies de restructurations incessantes ?
Celles-ci ne sont pourtant pas anodines puisqu’elles conduisent à des mobilités fonctionnelles et/ou géographiques forcées mais aussi à une industrialisation de nos missions.
-A quel moment la DG s’interroge-t- elle des conséquences concrètes des plus de 30 000 emplois
supprimés sur la charge de travail de ceux qui restent ? la charge de travail augmente puisque les
moyens humains et matériels diminuent.
-A quel moment la DG se préoccupe des encadrants qui dans ce contexte particulier sont aussi
sous pression permanente à en devenir parfois toxiques avec leurs équipes et être eux-mêmes en
souffrance ?
-A quel moment la DG s’interroge des conséquences de l’évolution des nouvelles règles de gestion
de cette dernière décennie ? Nouvelles règles de plus en plus opaques (la généralisation des postes
au choix pour les inspecteurs étant la dernière en date), poussant à l’individualisme et à une concurrence exacerbée entre collègues !
-À quel moment la direction s’interroge-t-elle sur sa politique immobilière conduisant à optimiser nos
espaces et parfois à augmenter dangereusement la densité de certains bureaux ? La promiscuité a
pourtant ses limites !
Tout ça n’est pas neutre sur le moral des troupes, tous les thermomètres mis en place ces dernières
années (TBVS, baromètre social...) le démontrent année après année et pourtant rien ne change !
Ce n’est pas la dernière déclaration du Ministre Éric Lombard sur le sujet affirmant qu’aucune de
ces situations n’est liée à des problèmes d’organisation, de charge de travail ou de management, qui
va venir nous rassurer sur votre réelle volonté de trouver des solutions !
En résumé, cette réunion s’est avérée infructueuse car les 2 propositions du CSAR confirmées et plutôt déformées ce mercredi ne régleront en rien la problématique du mal être des agents.
Une nouvelle réunion a été demandée pour début septembre, F.O.-DGFiP a demandé une FSR dédiée à ce sujet précédant un CSAR et non pas une simple réunion de travail qui ne fait jamais l’objet
d’un relevé de décisions.
Pour assurer une prévention sur ces risques, il faut que la direction revoit notamment sa politique
de gestion des RH et réinterroge tous nos modes de fonctionnement. A défaut, nous continuerons à enregistrer impuissants les actes désespérés de collègues épuisés, démotivés et se sentant abandon-
nés.
Nous avons réitéré nos propos de début de séance, à savoir arrêter les réformes et les suppressions
d’emplois qui en découlent et remettre l’humain au cœur de notre administration afin d’assurer un
collectif plus protecteur en terme de qualité de vie au travail.
Nous n’avons plus le temps de réunion pour rien !