Revoir le financement de la sécurité sociale pour ses 80 ans....
Les ordonnances d’octobre 1945 qui ont créé la sécurité sociale auront bientôt 80 ans et il est temps de revoir son financement.
Dans son rapport d’octobre 2022 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes observait en effet qu’elle avait connu depuis sa création « des transformations de grande ampleur qui se sont accompagnées d’une complexification et d’une instabilité croissante de ses circuits de financement. Ses comptes ont perdu, de ce fait, en clarté et en cohérence ».
Le débat actuel sur le « vrai déficit » des régimes de retraite en est une nouvelle illustration. La Cour soulignait « l’intérêt d’une révision en profondeur de la structure des recettes de ses différentes branches ». Après une analyse de la situation actuelle, ce billet présente des pistes de réforme.
La sécurité sociale reposait en 1945 sur un modèle bismarckien, où les prestations dépendent des cotisations et où celles-ci doivent équilibrer les prestations. Elle a évolué vers un modèle beveridgien où, dans une logique de solidarité, les prestations dépendent des besoins (maladie) et peuvent être modulées selon les revenus (allocations familiales). Dans un tel modèle, les prestations devraient être financées par l’impôt et par l’État.
Aujourd’hui, les dispositifs d’assurance et de solidarité sont souvent indistinctement mêlés. Le solde des comptes de la sécurité sociale et de chacune de ses branches dépend du partage des impôts affectés entre l’État et ces branches. Or ce partage est devenu financièrement déterminant (les cotisations ne constituent désormais plus que 48 % des recettes de la sécurité sociale), incompréhensible et très instable. Le solde des comptes de la sécurité sociale et de ses différentes branches, comme par symétrie celui de l’État, n’a plus guère de signification et seul le solde du compte des administrations publiques dans leur ensemble en a une.
Les remboursements d’assurance maladie, les prestations familiales et celles de la branche autonomie relèvent de la solidarité et devraient être financés par des impôts : la CSG, la TVA et les taxes sur les produits nocifs à la santé (ou des transferts de l’État eux-mêmes financés par des impôts). Le montant des impôts affectés à ces branches devrait être fixé de sorte que leurs recettes totales soient égales aux objectifs de dépenses qui leur sont assignés par la loi de programmation des finances publiques. Leur déficit comptable correspondrait à l’écart entre leurs dépenses effectives et ces objectifs de dépenses.
Les pensions de retraite, les indemnités journalières pour maladie et les indemnités d’accidents du travail relèvent d’une logique assurantielle et devraient être financées par des cotisations sociales. Prestations et cotisations devraient être strictement équilibrées. Les éléments de solidarité des pensions (majorations en fonction du nombre d’enfants…) devraient toutefois être isolés dans une section spéciale de la comptabilité des caisses de retraite (au-delà de ce qui est déjà fait avec le fonds de solidarité vieillesse) et être financés par l’impôt (CSG et TVA) comme les branches relevant d’une logique de solidarité.
Ces orientations ne pourraient être mises en œuvre que très progressivement car elles auraient des effets redistributifs et macroéconomiques importants et pas toujours bien identifiés qu’il faut lisser dans le temps, mais elles donnent un objectif à long terme dont il ne faudrait pas trop s’éloigner.
Au-delà de la sécurité sociale au sens strict, qui fait l’objet de cette note, se pose la question du financement de l’assurance chômage, aujourd’hui partagé entre cotisations et impôt dans un modèle qui mêle de plus en plus assurance et solidarité.
Le constat:
- Une évolution de régimes d’assurance financés par des cotisations sociales vers des régimes universels financés par des impôts affectés par l’Etat
- Des transferts de ressources importants, instables et illisibles qui limitent beaucoup la signification des comptes sociaux
Les propositions d’orientation:
- Une distinction nécessaire entre assurance et solidarité
- Financer les dépenses relevant de la solidarité par l’impôt
- Réserver les cotisations sociales au financement des régimes d’assurance
- Distinguer la composante solidaire des pensions dans la comptabilité des caisses de retraite
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Pour consulter la note complète: PDF à lire et imprimer
- Protection sociale parrainé par MNH
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Dépenses de protection sociale: les chiffres de la Drees en 2023
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie les comptes de la protection sociale de la France pour l’année 2023.
. En 2023, les dépenses de protection sociale représentent 31,5 % du produit intérieur brut (PIB) en France.
Après avoir culminé à 35,4 % du PIB en 2020, elles baissent pour la troisième année consécutive en part de PIB pour retrouver un niveau proche de celui de 2019, avant la crise sanitaire.
Dans l’ensemble, les dépenses de protection sociale augmentent en 2023 de 3,8 % en valeur, car de nombreuses prestations sont indexées sur l’inflation passée.
Néanmoins, ces dépenses augmentent globalement moins que les prix à la consommation en 2023 (inflation de +4,9 % en moyenne annuelle).
La protection sociale en Europe en 2023
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a publié ces derniers mois une comparaison internationale des dépenses de protection sociale en Europe en 2023 qui apporte un éclairage intéressant.
Sept risques sociaux sont distingués : maladie, invalidité, vieillesse survie, famille, emploi, logement et pauvreté exclusion sociale.
-les dépenses pour les prestations de protection sociale représentent en moyenne 26,6 % du PIB dans les pays de l’UE-27 et 31,5 % du PIB en France, avec des écarts marqués entre zones géographiques : les pays du nord et de l’ouest de l’Europe consacrent davantage de ressources à la protection sociale que les pays de l’est de l’Europe.
- les dépenses de protection sociale en euros constants sont quasi-stables (+0,1 %) en moyenne dans les pays européens, après 3,3 % en 2022.
Les évolutions demeurent souvent en deçà des tendances observées sur la période 2012-2022 (+1,7 % par an en moyenne dans l’UE 27).
La France est le pays d’Europe qui consacre la part la plus importante de son PIB aux prestations de protection sociale
Les risques vieillesse-survie et maladie-soins de santé sont les principaux postes de dépenses de protection sociale
– https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/.../250129_DD_protection-sociale-europe-2023
Défendre la Sécu, c'est défendre le paritarisme ...
... c'est se battre pour la justice sociale !
Pour les 80 ans de la Sécurité sociale, la confédération sera mobilisée tout au long de l’année pour parler un peu plus encore de notre Sécu.
A travers des articles, des interventions, des vidéos, nous évoquerons son histoire mais aussi son actualité
et nos revendications.<...
Quatre-vingts ans. Une vieille dame.
Pourtant la Sécu n’a jamais été aussi moderne qu’aujourd’hui, dans un monde qui nous l’envie. En France, elle est un amortisseur de toutes les crises.
Pour les Français, sans le savoir ou le percevoir, elle est présente dans nos vies quotidiennes. Qui pense encore à la « Sécu » en sortant de chez le médecin ? Qui n’a pas pratiqué le tiers payant, sans avoir eu besoin de sortir un seul euro, après avoir mis dans le lecteur sa carte vitale plutôt que sa carte bancaire ? Qui se demande, en sortant de la pharmacie, à combien se monte sa facture de médicaments ? La Sécu est bien là, pourtant invisible, dans notre quotidien.
Maladie, famille, retraite, accidents du travail et maladies professionnelles, mais aussi autonomie, la Sécu est avec nous dans toutes les étapes de notre vie et nous l’utilisons selon nos besoins après y avoir contribué selon nos moyens.
L’autre branche de la Sécurité sociale c’est l’URSSAF, qui se charge de collecter les cotisations qui financent notre système. Mais aujourd’hui, cette cotisation finance à peine la moitié de notre Sécu. Cette inversion a dévoyé le système originel car c’est l’impôt qui vient maintenant compléter ce financement. Or la spécificité de la cotisation c’est qu’elle ouvre des droits, contrairement à l’impôt qui est soumis aux choix politiques. Nous le vivons en ce moment particulièrement quand se fait jour le débat entre financer une économie de guerre ou affecter l’argent au social. La conséquence pour les assurés, c’est la double voire la triple peine. D’une part nous cotisons, d’autre part nous compensons, avec nos impôts, les quatre-vingts milliards d’exonérations de cotisations patronales et en plus nous subissons les économies imposées à la Sécu (baisses de remboursements, franchises médicales ou diminutions d’indemnités journalières).
C’est pour cela que Force Ouvrière défend le model initial de la Sécurité sociale comme un vrai choix de société. La cotisation ouvre des droits, constitue le paritarisme et fonde notre salaire différé.
Quand Georges Buisson présente, le 31 juillet 1945, son rapport pour la création de la Sécurité sociale devant l’Assemblée consultative provisoire, il parle d’une redistribution du revenu national, destinée à prélever sur le revenu des individus favorisés les sommes nécessaires pour compléter les ressources des travailleurs ou des familles défavorisées. Il posait ainsi les jalons du précepte chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.
C’est à cette vieille dame si moderne, pilier de notre République sociale, intimement liée à notre organisation, que Force Ouvrière rendra hommage tout au long de l’année à l’occasion de ses 80 ans. Nous parlerons de son histoire, de son financement, de ses missions et de son avenir. Car malgré cette date anniversaire, la Sécu est toujours sous le feu nourri des attaques visant à renforcer son étatisation. Citons, à titre d’exemple révélateur, la volonté de supprimer le service du contrôle médical.
Mais c’est tous les jours, de chaque année, que notre organisation milite pour la Sécurité sociale, que ce soit au niveau confédéral, mais aussi dans les régions et les départements, notamment avec les militants FO qui siègent comme administrateurs et conseillers dans toutes les caisses de Sécu. Nous sommes un grand réseau Force Ouvrière au service et pour la défense de la Sécurité sociale. Nous sommes la Sécu.
Voir en ligne : Bienvenue dans le monde du travail - Episode 85 : Les 80 ans de la Sécu
La protection sociale collective, un véritable choix de société
Alors que la Sécu, en quatre-vingts ans, a prouvé son efficacité et son caractère indispensable à la cohésion sociale de la République, soulignait la commission exécutive de FO le 22 mai, le modèle social à la française est toutefois dans le viseur de l’exécutif.
Le mode de financement de notre modèle social (…) repose beaucoup trop sur le travail, a asséné le 13 mai au soir le président de la République, interviewé sur TF1. Il faudrait qu’il soit financé davantage sur d’autres facteurs, en particulier la consommation. Emmanuel Macron préconisait de lancer pour ce chantier une conférence sociale.
Pour l’instant, aucune précision ni de date fixée. Pas plus lors de l’interview, le 27 mai sur BFM, du Premier ministre, se disant lui aussi favorable à ce qu’on recherche un financement différent à notre modèle social. Il propose que les interlocuteurs sociaux planchent sur le sujet, qui comprend entre autres celui d’une TVA sociale, soit la suppression de points de cotisations sociales sur le travail (employeurs, salariés) et leur report sur la TVA. Adoptée en février 2012, une loi sur la TVA sociale avait été abrogée dès juillet de la même année.
Une hausse de la TVA, taxe forfaitaire payée par tout consommateur, riche ou pauvre, est tout sauf juste socialement, rappelle FO, mettant aussi en garde contre une étatisation de la Sécu. En 2023, les cotisations représentaient 57% de ses ressources. La CSG, les différents impôts, taxes et autres contributions, 38%. Depuis trente ans, au fil des réformes visant des économies et la baisse du coût du travail, la fiscalisation des ressources s’affirme dangereusement.
La protection sociale collective, un véritable choix de société
Cette question du financement – que le ministre de l’Économie, Éric Lombard, juge coûteux – est posée dans un contexte de recherche d’économies (et en esquivant la problématique de pistes possibles pour des recettes fiscales et sociales supplémentaires) avec un effort de 40 milliards d’euros sur les finances publiques prévu en 2026.
François Bayrou prévoit d’annoncer en juillet un plan de retour à l’équilibre des finances publiques sur trois ou quatre années. Dès mars dernier, il avait saisi trois Hauts conseils (Famille, Avenir de l’Assurance maladie et Financement de la protection sociale) afin qu’ils proposent des pistes d’économies dans le champ de la Sécurité sociale. De son côté, la Cour des comptes a publié le 26 mai un rapport alarmiste sur les finances de la Sécu qui, en 2027, seraient en crise majeure.
Dans une interview publiée le 13 mai au matin par le quotidien Les Échos, le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, faisait lui une proposition. Gouvernance, financement… Mettons les interlocuteurs sociaux autour de la table pour négocier sur la protection sociale collective, qui est un véritable choix de société et sur laquelle ils ont toute légitimité.
Nous appelons le gouvernement à nous saisir de ce sujet, non pas dans l’urgence, mais pour construire un compromis social à long terme. Pour FO, négocier ne signifie pas bien sûr donner un quelconque assentiment à une remise en cause de la Sécu. Le 20 mai, la commission exécutive de FO a rappelé son attachement au maintien de la Sécurité sociale de 1945 fondée sur le salaire différé, et souligné qu’elle s’opposera à toute remise en cause de celle-ci. FO, qui dénonce l’affaiblissement de ce modèle social, ne participera pas à son démantèlement.