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30 / 08 / 2024 | 84 vues
Christian Babusiaux / Membre
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Attirer dans la fonction publique : plus que des mots, une vision !

« Attractivité », voilà un mot valise qui occulte la nécessité d’une réelle vision pour la fonction publique et ses 5,7 millions d’agents : il faut sortir de la cosmétique des mesurettes pour proposer un cap salarial, un aggiornamento de la gestion des ressources humaines, et une redynamisation des parcours de carrière. Il y a urgence.

 

Les équilibres de fond entre le public et le privé ont changé dans bien des cas en faveur de ce dernier.

 

Si 11% des salariés du privé touchent le smic, ils sont plus de 20% dans le public globalement et bien davantage dans les collectivités territoriales.

 

Si les salariés du privé bénéficient généralement d’un accès privilégié à une mutuelle de santé et à un comité d’entreprise, ce n’est pas le cas de ceux du public.

 

Si le télétravail se développe dans le privé, il est difficilement concevable pour les métiers de contact et de service public, accentuant leur pénibilité relative.
 

La protection de l’emploi initialement offerte par la fonction publique se réduit comme peau de chagrin avec la part accrue de contractuels et n’a plus le même attrait déterminant. Prestige et puissance qui résultaient de l’appartenance à la fonction publique sont devenus chimère et pour beaucoup déclassement ressenti.

 

Sur le plan quantitatif tout d’abord, pour une part importante des agents le décrochage des salaires par rapport à ceux du privé est tel qu’une ou deux années de revalorisation ne suffiront pas.

 

Les augmentations réalisées ou annoncées portent essentiellement sur du catégoriel ponctuel et des primes ; elles sont peu lisibles et interrogent quant à leur cohérence globale. Leurs effets sont donc,sans surprise, décevants.

 

Le nécessaire redressement budgétaire ne peut passer par le gel du point d’indice sans risque d’être antagoniste avec l’équité sociale et l’attractivité des emplois publics.


L’Etat doit être capable de construire une stratégie salariale, en la concevant autrement que sous le seul angle budgétaire. Il s’agit de donner un véritable cap salarial, sur plusieurs années, intégrant les données exogènes comme l’inflation et les évolutions du secteur privé, ainsi que le chemin pour y arriver.

 

Sur le plan qualitatif ensuite, la diversité des métiers est une richesse mais la gestion des ressources humaines nécessite d’être révolutionnée. Indice, barème, mobilité forcée, promotion par l’ancienneté… cette gestion déshumanisée est devenue incompréhensible, voire insupportable. Sous prétexte d’une objectivité des critères de gestion, on est dans une gestion mécanique, incapable de prendre en compte les contraintes et les aspirations des personnels.

 

Cette transformation en profondeur appelle à une véritable personnalisation du suivi des agents, une mobilité fluidifiée par la rencontre des besoins et des souhaits de chacun et un management de proximité. Par exemple, dans l’éducation nationale, les inspecteurs occuperaient moins des fonctions de contrôle au profit de fonctions d’accompagnement et d’appui, et les chefs d’établissement pourraient occuper de réelles fonctions de conduite d’équipe, avec une adaptation en conséquence des recrutements et des formations.

 

En termes d’aspirations enfin, la pénibilité ou la difficulté accrue d’exercice de nombreux métiers, le recul de l’âge de la retraite, la nécessité de montrer dès le départ l’existence de perspectives, l’importance de proposer aux seniors des fonctions adaptées, doivent imposer d’ouvrir des possibilités d’évolution à mi-carrière, avec des bilans et des formations adaptées. 

 

Pour ce qui est de la « haute fonction publique » de l’Etat, les grands corps, les corps préfectoral et diplomatique ont été un bouc émissaire dans la réaction à la violence et au ressentiment qui se sont traduits lors des manifestations des gilets jaunes -René Girard (*) ne l’aurait pas démenti-mais la chaîne de promotion résultant du nouveau cadre est encore loin d’être claire.

 

Presque partout évolutions et profils de carrière nécessitent d’être redynamisés, et avec une prévisibilité suffisante, pour créer de nouvelles possibilités et motivations.

 

Définir et concerter une stratégie salariale, refonder les processus de gestion, repenser l’identité même du fonctionnaire, est un travail au long cours. S’y atteler est une urgence.

 

Tribune réalisée par Stéphanie Dameron, Emmanuel Millard et Christian Babusiaux, président du Cercle, pour le Cercle de la réforme de l’Etat

 

(*) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Girard

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