Financement des associations : face à la baisse des subventions, le CESE lance l’alerte
Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a adopté cette semaine, à l’unanimité en séance plénière, le projet d’avis présenté par Martin Bobel (Groupe des Associations) et Dominique Joseph (Groupe Santé & Citoyenneté), au nom de la Commission Économie et finances, sur : « Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique »
Construit sur la base d’une large consultation de milliers d’associations, d’une journée délibérative et de nombreuses auditions, il lance l’alerte pour une mobilisation globale en faveur du monde associatif et propose des solutions concrètes et partagées pour protéger la pérennité du secteur.
En septembre 2023, un collectif d’associations interpellait la Première ministre aux cris de « Le secteur associatif se meurt ! », alors que les Restos du cœur rencontraient des difficultés financières inédites.
Cette situation, aggravée par la crise inflationniste, a contribué à mettre en lumière les profondes fragilités du secteur associatif, qui assure pourtant des pans entiers de services d’intérêt général et non marchands auprès d’un large public et dans tous les territoires et en cela, forment un véritable ciment sociétal.
Les causes de cette crise sont profondes et complexes. La prégnance du « new public management » et des règles européennes de la concurrence entraînent des évolutions du modèle économique des associations : la baisse des subventions auxquelles se substituent les commandes publiques et les appels à projet poussent les associations vers une « gestionnarisation » court-termiste qui dénature leur action
et contribue à la perte de sens que beaucoup d’associatifs déplorent. En effet, entre 2005 et 2020, la part des subventions a baissé de 41% dans le budget des associations au profit de logiques marchandes.
Ces évolutions contribuent à fragiliser l’équilibre économique des associations et pèsent sur la pérennité de certaines.
Ces changements structurels se traduisent aussi et surtout par une perte de sens et une invisibilisation de ce qui caractérise l’association, notamment le non lucratif et l’intérêt général, pouvant entraîner à terme un risque élevé de dégradation de la vie démocratique.
Dans ce contexte, le CESE a mené un large travail d’auditions de personnalités venant d’horizons divers et d’acteurs du milieu associatif, ainsi que la mise en place d’une consultation inédite qui a récolté les points de vue de 6 525 associations. À partir de cet état des lieux, le CESE propose 20 préconisations pour faire face à l’urgence et l’importance de renforcer le financement de la vie associative.
À travers cet avis, le CESE lance un appel à une vigilance renforcée de toutes et de tous sur ces enjeux de pérennité du monde associatif.
LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DU CESE:
1. Accroître le soutien financier des pouvoirs publics aux associations et prioriser la subvention en préservant celles-ci des règles de la concurrence.
En premier lieu, le CESE appelle à une augmentation significative des subventions de l’État et des collectivités territoriales destinées aux associations. Il s’agirait d’augmenter significativement la part du budget de l’État consacrée aux associations, en la portant à 2,5%. De plus, le CESE appelle à la mise en œuvre d’une loi de programmation pluriannuelle de la vie associative afin de renforcer la reconnaissance de sa contribution à l’intérêt général.
Le CESE propose de consolider la définition de la subvention pour en faire le mode de financement principal des associations en complétant et donnant une base législative à la circulaire Valls. Afin de sécuriser le recours à la subvention sans tomber sous le coup des restrictions européennes visant les aides d’État, le CESE propose d’intégrer les activités associatives non-lucratives dans le champ de l’intérêt général au sens européen (dit non économique).
Pour conforter la gestion financière des associations, le CESE recommande également de sécuriser la notion de pluri-annualité des subventions en contraignant le respect des engagements dans le cadre de conventions pluriannuelles.
2. Favoriser de nouvelles formes de financement et de soutien
Le CESE recommande la création d’un fonds national de mobilisation pour la vie associative cogéré par des représentants des collectivités territoriales, de l’État et du monde associatif, abondé par :
• La rétrocession volontaire de tout ou partie des intérêts des livrets bancaires d’épargne ;
• Un relèvement des plafonds du régime mécénat d’entreprise sous condition de reversement
au fonds ;
• Une partie des fonds saisis et confisqués par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs
saisis et confisqués (Agrasc) et leurs intérêts ;
• La possibilité par les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP) de flécher une partie des
fonds propres aujourd’hui non-libérables.
Le CESE propose également la création de nouveaux emplois « aidés » d’utilité sociale et citoyenne, pérennes et de qualité, appuyés sur les projets associatifs et accessibles à toutes les personnes.
3. Rétablir la confiance et réformer la gouvernance
Le CESE propose d’abroger le contrat d’engagement républicain instauré en 2021 et de lui substituer la charte d’engagements réciproques entre l’État, les collectivités territoriales et le monde associatif.
La co-construction des conventions pluriannuelles entre pouvoirs publics et associations est nécessaire pour renforcer la confiance dans une optique de valorisation des associations « pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’elles font », il apparait plus essentiel que jamais au CESE de mettre en place des instances nationales et territoriales à gouvernance mixte, pour l’évaluation et le financement des associations.