Les recommandations de la Cour des comptes sur les politiques de prévention en matière de santé au travail
La santé au travail est sujet d'importance avec, chaque année, près d’un million d’accidents du travail comptabilisés, dont plusieurs centaines d’accidents mortels, et près de 50 000 nouvelles reconnaissances de maladies professionnelles/ Le rapport publié il y a quelques semaines (*) par la Cour des comptes visait à mieux appréhender les politiques de prévention en santé et sécurité au travail menées par les entreprises et dresser le bilan des réformes menées sur le sujet, notamment depuis 2017.
Les principaux éléments de constat à retenir :
- La stagnation apparente de la sinistralité masque des situations très contrastées selon les secteurs
- Les politiques de prévention en santé au travail souffrent à la fois d’un défaut de pilotage et de multiples cloisonnements .
- et, pour elle, des leviers de progrès dans la mise en œuvre des politiques de santé au travail sont à mettre en oeuvre...
Les recommandations de la Cour des Comptes aux différents acteurs concernés portent en fait sur deux axes qui visent à:
- Améliorer le pilotage et le décloisonnement de la santé au travail
* en mettant l’accent, dans les plans en santé au travail, sur les actions qui exigent un effort de coordination entre les acteurs institutionnels concernés et renforcer le pilotage de celles-ci (ministère chargé du travail)
* en prenant mieux en compte la sinistralité élevée propre à certaines filières et populations pour l’intégrer pleinement dans le ciblage des orientations nationales des actions de prévention (ministère chargé du travail, Cnam-DRP)
* en définissant une stratégie de partage ciblé de données entre santé au travail et santé publique au profit d’une meilleure prévention (ministères chargés du travail et de la santé, Cnam, Santé Publique France)
* en définissant les priorités de prévention en termes de risques et d’entreprises ciblées, en tenant compte de l’impact financier des sinistres sur l’ensemble des branches de la sécurité sociale (ministère chargé du travail, Cnam-DRP)
* en assurant une plus grande continuité du calendrier et des objectifs de la convention d’objectifs et de gestion de la branche accidents du travail- maladies professionnelles entre l’État et la Cnam avec ceux du plan en santé au travail afin de permettre l’évaluation complète de celui-ci (ministères chargés de la sécurité sociale et de la santé, Cnam-DRP) .
* en accentuant , dans la contractualisation des services du ministère du travail et des Carsat avec les services de prévention et de santé au travail, le volet relatif au développement de l’activité de prévention dans les entreprises (ministère chargé du travail)
- Affiner les outils, garantir la mise en œuvre des priorités
* en rendant la tarification plus incitative à la prévention des accidents du travail en majorant les taux de cotisation lorsque l’entreprise présente une sinistralité anormalement élevée dans son domaine d’activité (Cnam-DRP )
* en poursuivant les travaux d’évaluation permettant d’apprécier de manière robuste l’efficacité des programmes de prévention (ministère chargé du travail, Cnam-DRP, CCMSA, Santé Publique France)
* en rendant plus efficace l’accompagnement à la reprise du travail par une intervention très précoce auprès des salariés, en lien avec leur médecin traitant, en associant durant l’arrêt de travail l’employeur et les services de santé au travail (ministère chargé du travail, Cnam, recommandation réitérée
* en mettant en œuvre sans tarder un programme de contrôle du respect par les employeurs de leurs obligations relatives au compte professionnel de prévention (ministère chargé du travail, Cnam-DRP
(*) Pour plus de détails sur le rapport de la Cour : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-politiques-publiques-de-prevention-en-sante-au-travail-dans-les-entreprises
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L’iceberg des accidents du travail et maladies professionnelles
Quand on parle des accidents du travail et des maladies professionnelles, il y a, comme pour l’iceberg, la partie émergée bien visible et tout un pan invisible. C’est le cas pour le discours entendu sur le sujet : visiblement les accidents du travail diminuent nous disent les chiffres.
Certes et heureusement car les métiers d’aujourd’hui et les conditions de sécurité n’ont plus rien à voir avec les années cinquante.
Mais ce qu’on dit moins, c’est encore toute l’importance des chiffres actuels : en 2021 il y a eu près de 90000 accidents de trajets, 118000 déclarations de maladies professionnelles et 600000 accidents du travail. Et ce chiffre terrible de 645 décès, qui place la France en position de lanterne rouge parmi tous ses voisins européens, doit nous interroger sur notre politique de prévention.
Ainsi, quand la France affiche un taux d’accidents mortels du travail de 3,53 pour 100000 travailleurs, l’Allemagne est à 0,79, tout près du plus bas taux européen des Pays-Bas (0,48).
La partie immergée ce sont aussi tous ces accidents du travail qui ne sont pas déclarés, soit par méconnaissance, soit volontairement. Car afficher trop d’accidents du travail pour une entreprise ça n’est pas bon, notamment pour son taux de cotisation qui augmente selon sa sinistralité.
C’est ce que l’on appelle la sous-déclaration, et comme ce phénomène est bien connu, cela explique le transfert d’un milliard d’euros chaque année de la branche ATMP (Accidents du travail et maladies professionnelles) vers la branche maladie qui doit en supporter les coûts.
Et lorsqu’on parle de ces chiffres, ils n’incluent pas les accidents survenus dans la fonction publique d’État ou dans des régimes particuliers comme les cheminots, une autre partie immergée de notre iceberg.
L’autre phénomène observé cette fois pour les maladies professionnelles, c’est la sous-reconnaissance, c’est-àdire la difficulté pour les malades de faire reconnaître que leur pathologie a été contractée au travail.
Cette sous-reconnaissance s’explique aussi par le manque de volonté du côté patronal de reconnaître officiellement, par la création de nouveaux tableaux, de nouvelles pathologies telles que les risques psychosociaux.
Du côté politique, on entend des volontés d’améliorer les choses, on met en avant la prévention. Mais derrière les promesses se cachent malheureusement depuis plusieurs années des actes qui ne vont pas dans le bon sens : suppression des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, diminution des moyens alloués aux contrôleurs de sécurité des CARSAT, diminution du nombre d’inspecteurs du travail et manque cruel de médecins du travail.
Qu’en sera-t-il aussi de cette partie immergée si le gouvernement veut encore allonger l’âge de départ en retraite?
Combien encore d’accidents, de maladies ou de décès pour tous ceux qui pourraient travailler encore plus longtemps après 62 ans?
Quelle espérance de vie en bonne santé au-delà de la retraite?
Quel sort fait en particulier aux femmes, qui représentent maintenant plus du tiers des accidents du travail?