Portabilité des garanties de santé : sort du maintien de la couverture en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise
L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 10 mars 2022 (n° 20-20.898) commence déjà à faire du bruit. Tant mieux puisqu'il intéressera tout particulièrement les organismes assureurs pour la gestion de leurs portefeuilles collectifs d’entreprise.
Rappel de la problématique soulevée : dans quelles conditions l'assureur est-il tenu de maintenir les garanties collectives au titre de la portabilité aux anciens salariés licenciés en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise ?
À la lecture de cet arrêt, s'il y a tout lieu de penser que le principal enseignement à tirer est qu’il constitue une confirmation de la jurisprudence antérieure, en ce qu’il rappelle que le maintien à titre gratuit des garanties collectives aux salariés licenciés des entreprises en liquidation judiciaire s’impose tant que le contrat liant l'employeur à l'organisme assureur n’est pas résilié, la solution de la Cour n'est pourtant pas uniquement intéressante sur ce point.
En effet, par cet arrêt et comme elle avait déjà pu le faire par le passé, la Cour de cassation confirme surtout l’idée qu’un maintien des couvertures de santé et de prévoyance des ex-salariés licenciés au titre de la portabilité reste possible, même en cas de résiliation du contrat collectif, dès lors qu’un financement est prévu à cet effet.
Rappelons qu’en 2018, à l'occasion d'une affaire où il ne lui avait été demandé que de se positionner sur un aspect de procédure (référé) et non sur le fond du dossier, la Haute Juridiction avait ainsi décidé que « l'absence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures de santé et de prévoyance lorsqu'une entreprise est en situation de liquidation judiciaire (…) était de nature à constituer un obstacle au maintien à titre gratuit de ces garanties au profit d'un salarié licencié en raison de la liquidation judiciaire de son employeur ».
Ce qui pouvait au contraire mener à penser que la mise en œuvre du dispositif de portabilité était donc possible, même en cas de résiliation du contrat collectif dès lors qu’un financement avait contractuellement été prévu à cet effet.
En avril 2020, le ministre des solidarités et de la santé avait par ailleurs eu l’occasion de se positionner sur le sujet en s'appuyant sur les termes exacts de cette jurisprudence de 2018, en répondant à une question qui lui avait été posée à ce sujet : « le maintien des droits implique que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié ou qu'il prévoit un dispositif de financement de la portabilité en cas de liquidation judiciaire. En effet, l'absence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures de santé et de prévoyance lorsqu'une entreprise est en liquidation judiciaire est de nature à constituer un obstacle au maintien à titre gratuit des garanties collectives au profit d'un salarié licencié en raison de la liquidation judiciaire de son employeur ».
Autrement dit, la portée de ce nouvel arrêt du 10 mars 2022 pourrait être plus importante qu’elle n’y paraît en ce qu’elle pourrait être susceptible de faire évoluer les règles de gestion des portefeuilles collectifs déjà en place au sein des organismes assureurs gestionnaires puisque sur le fond cette décision offre une alternative :
1° la portabilité doit bénéficier aux salariés licenciés suite à une liquidation judiciaire de l’entreprise qui les emploie ;
2° dès lors que le contrat collectif est toujours en cours au moment du licenciement ;
3° ou qu'un dispositif de financement de la portabilité est contractuellement prévu en cas de liquidation judiciaire sous forme de « prolongation onéreuse du contrat », comme cela semble avoir été le cas dans l’espèce rapportée dans l’arrêt.
Consultez l’intégralité du document ici : Cass. 2ème civ., 10 mars 2022, n° 20-20.898.
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