L’accord de performance collective, un dispositif déséquilibré
Les ordonnances « Macron » de 2017 ont inversé la hiérarchie des normes. C’est la possibilité pour un accord d’entreprise d’être moins favorable pour le salarié (dans certains domaines) que la convention collective ou le Code du travail.
Ce sujet avait fait couler beaucoup d’encre et les syndicats de salariés étaient inquiets de ce nouveau « système », à juste raison. Ils craignaient une remise en cause des acquis sociaux, à cause du déséquilibre du rapport de forces dans les entreprises, entre employeurs et représentants des salariés.
Les ordonnances contenaient une autre disposition redoutable : la rupture conventionnelle collective (RCC). Celle-ci a pour finalité de permettre aux entreprises de procéder à des suppressions de postes dans le cadre d'un accord collectif et à des ruptures amiables des contrats de travail, en dehors de tout projet de licenciement.
On comprend aisément que, en l’absence d’un rapport de forces entre employeur et syndicats, il est facile de se « débarrasser » de salariés à bon compte.
Le troisième étage de la fusée (si l’on peut dire) est l’accord de performance collective. On ne s’attardera pas sur le joli nom donné à ce dispositif. Avec ces dispositifs, l’entreprise peut se séparer des salariés à moindre coût. C’était tout l’objectif de cette « réforme ».
L'accord de performance collective (APC) peut être conclu pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise, préserver l'emploi ou le développer sur le papier (C. trav., art. L. 2254-2, I). L'APC peut agir sur trois éléments limitativement énumérés par le Code du travail. Ainsi, il peut :
- aménager la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition,
- aménager la rémunération,
- et déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise.
Aucune compétence particulière du comité social et économique (CSE) n'est prévue dans la négociation de l’APC mais le Code du travail permet à celui-ci de faire appel à un expert-comptable, au bénéficie des organisations syndicales, afin de leur apporter toute aide utile dans les négociations. L’expert est rémunéré par l’entreprise.
Une remise en cause des acquis sociaux et peu d’efforts des dirigeants
La Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) vient de publier une étude sur les accords de performance collective (APC) signés en France en 2020. La crise sanitaire du covid-19 a entraîné une hausse importante des APC (247 accords au cours des trois premiers trimestres 2020). Ainsi, 48 % des APC sont à durée déterminée, avec une moyenne d’application comprise entre 5 et 14 mois.
Le thème du temps de travail est le sujet le plus traité dans les APC (64 % des cas).
Le sujet de la rémunération a beaucoup progressé. La proportion des accords abordant ce thème est passée de 38 % avant la crise sanitaire à 62 %. Parmi ces 154 accords :
- 78 prévoient une modification des primes fixes et dans 80 % des cas à la baisse ;
- 63 prévoient une modification de la prime variable et dans 71 % des cas à la baisse ;
- 44 prévoient une modification du taux horaire et dans 68 % des cas à la baisse.
En pleine reprise de l’inflation, cette baisse du pouvoir d’achat des salariés est particulièrement difficile à accepter. Dans l’esprit de la loi, l’employeur devait lui-même faire des efforts. Il n’en est rien. La proportion des APC contenant des contreparties de l’employeur reste minoritaire (21 % du total). Pire : seulement 18 % des dirigeants et cadres dirigeants ont participé aux efforts demandés aux salariés (baisse de rémunérations et/ou de dividendes).
Une fois de plus, le même constat s’impose. Le statut des salariés est toujours plus précarisé par des dispositifs censés « moderniser » le droit du travail. Mais, les seuls à faire des efforts et à payer le prix des restructurations sont bien les salariés…