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Crimes, suicides et accidents : trop de policiers meurent de leur travail
En une semaine deux drames ont violemment provoqué la mort de deux fonctionnaires de police et du ministère de l’intérieur. Ces deux crimes, insupportables, ajoutent leurs morts à une longue liste de décès de policiers par suicides, parfois par accidents, liés à leur travail.
La question de la santé des policiers n’est visiblement pas une priorité des pouvoirs publics, elle n’est pas inscrite au programme du Beauvau de la Sécurité, alors même que le taux de suicide est une particularité criante de cette profession. Les risques psycho-sociaux imposés aux policiers doivent être analysés et compris pour la mise en place d’une véritable politique de prévention. La santé mentale des policiers est également un garant du bon exercice de leur métier et de l’intégration de ces professionnels de la sécurité au sein de la société française.
Pourtant, quand les policiers vont au travail la peur au ventre, les familles attendent leur retour dans l’angoisse !
Les causes du mal-être dans la police
Les inégalités sociales et économiques entraînent l’accroissement de violences. Le rétablissement de l’ordre public prend des allures de répression politique des mouvements de protestation de nos concitoyens. La perception d’une police non plus républicaine mais au service du pouvoir en place déclenche une césure augmentant sans cesse entre la population et sa police. « Nous ne sommes pas dans le même camp ! » rappelait, de façon très révélatrice, le Préfet de Police Didier Lallement à une citoyenne manifestant son désaccord à la politique économique.
Les policiers sont en première ligne dans toutes les situations où la mort est présente. Cette confrontation obligée à la souffrance, à la mort criminelle, accidentelle ou suicidaire, et ne peut pas ne pas laisser de traces. Ce qui est fait pour la gestion de cette charge émotionnelle est de l’ordre du saupoudrage inefficace. Les dégâts psychiques non traités ou mal traités constituent une situation morbide potentiellement explosive. De plus le port d’une arme physiquement présente sur les policiers favorise le passage à l’acte mortel et incruste l’idée de mort dans une réalité quotidienne. Mort d’autrui, mort de soi.
Les blessures physiques, psychologiques, et même la mort en service font de ce métier l’un des plus marqués par la violence et les accidents du travail. Les policiers se rendent à leur travail la peur au ventre. Le clivage qui en découle avec une population qui les voit comme leurs ennemis les désigne comme la cible principale de l’insatisfaction sociale. Jusqu’aux guet-apens ou même aux attaques à coloration terroriste les visant directement.
On ne peut gérer la violence d’autrui sans préparation spécifique. L’insuffisance éclatante de la formation initiale et la défaillance massive de la formation continue au sein de la police ne permet pas la bonne gestion des situations potentiellement violentes. Les jeunes professionnels sont particulièrement démunis, et donc exposés à cette violence. Ces lacunes induisent des dysfonctionnements déontologiques socialement insupportables.
Les conditions de travail défectueuses sont également en jeu, les équipements, locaux, véhicule, armement, informatique, sont souvent vétustes ou inadaptés. Le harcèlement moral subi au sein des services n’est pas suivi d’effets de la part de l’administration. L’état employeur est pourtant garant des conditions de travail de ses policiers, sous peine de détérioration de leur bien-être. Nous attendons l’exemplarité de la république pour appliquer ses propres lois.
Des réponses préventives
Ce constat de défaillance de la prise en compte de la santé mentale des policiers et des conséquences sur leurs relations avec la population, jusqu’à la haine ressentie parfois dans une partie de la population, rend urgent la mise en œuvre de réponses préventives.
Nul ne peut se satisfaire du constat de ce malaise, de cette altération de la santé psychique et globale de nos policiers. Cet affrontement, parfois même cette haine, qui s’installe avec certains citoyens, nécessite d’apporter des réponses préventives capables de faire baisser la tension psychologique et relationnelle, et ainsi améliorer la santé et le bien-être au travail de ces fonctionnaires, en ayant une attention particulière pour le risque suicidaire qui en découle.
Un ensemble de propositions, non exhaustif, est ici présenté, afin d’améliorer le fonctionnement de l’institution policière, au bénéfice des policiers eux-mêmes, mais aussi de l’impact de leurs actions et pratiques sur les citoyens de la société française.
- Une nouvelle politique de formation initiale et continue est impérative. La durée de la formation initiale du gardien de la paix ne saurait être inférieure à un an, hors stages de terrain. La gestion des émotions, une meilleure compréhension des violences sexuelles, de la pédophilie, des comportements et homophobes et racistes seront développés.
- La formation au maintien de l’ordre notamment dans ses aspects déontologiques, doit être une priorité.
- Il faut redéfinir les buts et les méthodes des contrôles d’identité qui doivent être judiciairement motivés, hors de toute politique du chiffre. La dotation de caméras individuelles, réellement opérationnelles, seront en mesure de rassurer les fonctionnaires comme le public.
- Une agence indépendante d’enquête remplacera l’IGPN et l’IGS, elle sera rattachée au ministère de la Justice et constituée d’au moins un tiers de policiers.
- Le médecin légiste, expert indépendant, doit pouvoir recevoir les familles concernées, lorsque l’intervention des forces de l’ordre est évoquée dans la mort d’une personne. A Paris, l’institut de médecine légale ne sera plus sous la tutelle du préfet de police.
- Il faut repenser la gestion des ressources humaines, intégrant le social et l'humain. Il est important de reconnecter les directeurs et sous directeurs des fonctions supports avec la réalité du terrain. Il est nécessaire de remettre en promouvant des policiers à la tête de ces services ; il faut en finir avec la politique de substitution des policiers par des administratifs.
- Les déclencheurs d’alerte dénonçant les dérives au sein de la police seront protégés et tous les délits seront systématiquement sanctionnés ; tout responsable hiérarchique qui aurait failli dans la gestion de leur personnel ne pourra plus être promu.
- La lutte contre toutes les discriminations au sein de l’institution est impérative ; le harcèlement au travail, le harcèlement sexuel, les discriminations, l’homophobie, ou le racisme au sein de l’Institution quelqu’un soit le niveau sera systématiquement poursuivi sous la responsabilité effective de toute la chaine hiérarchique.
- La féminisation au sein du recrutement et delà répartition des personnels de police, à tout niveau que ce soit, sera effective, il n’y aura plus de plafond de verre pour l’avancement féminin dans l’institution.
Personne ne peut assurer la sécurité d’un pays s’il est lui-même plongé dans un vécu insécure, si son rôle social est incertain, si sa santé psychique n’intéresse ni sa hiérarchie ni l’administration, ou seulement quand il n’est plus loisible de l’ignorer. Le Ministre de l’Intérieur ne doit plus être le « premier flic de France », mais le ministre de la force publique et républicaine, qui prend soin de ses fonctionnaires, et qui doit se montrer soucieux des missions relevant de sa responsabilité au service du peuple français. C’est le préalable d’une harmonie indispensable à établir entre police et population.
Le Beauvau de la sécurité doit être aussi le Beauvau de la Santé et du Bien-être des forces de sécurités, sous peine d’échec.
Une contribution du Cercle Ramadier
- Michel Debout Président,
- Anne-Juliette Tillay Secrétaire Générale,
- Et les membres du bureau
Les membres du Cercle Ramadier travaillent sur des propositions d’amélioration de la société et sur des réflexions concernant le respect de la démocratie et des valeurs républicaines. L’orientation de leurs travaux reflète l’engagement franc-maçonnique ainsi que politique de gauche des adhérents. La santé mentale des policiers a été au cœur des propositions d’un groupe d’études alimenté par des spécialistes du domaine et de professionnels de police. La prévention du suicide policier ainsi que la place de la police au sein de la société président aux préconisations présentées ici.