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15 / 02 / 2021 | 790 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Référent.e harcèlement : quelles convergences entre les actions des CSE et des directions ?

Trois ans après #MeToo et sa déclinaison française en mode #BalanceTonPorc, deux ans après que la loi a imposé que les directions comme les CSE désignent des référent.e.s contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail, Miroir Social a organisé une e-conférence, le 12 janvier, avec les cabinets Équilibres et Stimulus, nourrie des témoignages de la CFE-CGC de Bosch France et de l’union régionale CFDT d’Auvergne Rhône-Alpes. Deux sujets étaient au programme : quelle capacité à libérer la parole et quelle capacité à mener l'enquête ?

 

Des affaires de harcèlement sexuel au travail sont régulièrement médiatisées depuis la vague #MeToo d’il y a trois ans mais est-ce que cela se traduit pour autant par une libération de la parole ? Oui et cela date même d’avant #MeToo. « Depuis cinq ans, il y a une véritable explosion des signalements de harcèlements et d’agissements sexistes au travail qui reposent sur des éléments matériels et qui traduisent un mal-être manifeste qui doit être traité », considère Christophe Desperies, consultant chez Stimulus et expert judiciaire près la Cour d’appel de Versailles.

Le coût pour agir reste trop élevé

« Il y a encore des freins à lever pour en finir avec la loi du silence, tant du côté des victimes que de celui des témoins. Le coût de la renonciation est encore considéré comme moindre par rapport à celui d’agir. Il faut multiplier les occasions de parler », souligne Karine Armani, fondatrice du cabinet Équilibres, spécialisé dans la promotion de l’égalité au travail. Une complémentarité de fait avec Stimulus, positionnée sur la santé au travail. Deux cabinets fédérés sous la bannière du groupe Human & Work. « Une salariée m’a déjà contactée pour faire part de sa situation et de ses interrogations sur la marche à suivre mais elle n’a pas voulu que j’active un signalement. C’est son choix, l’information reste entre nous », rapporte Laetitia Kraria, coordonnatrice CFE-CGC de Bosch France et référente du harcèlement sexuel au sein de l’un des CSE de l’entreprise en France Bosch, chez qui les guides de sensibilisation diffusés auprès des salariés et celui spécifiquement dédié aux référents sur la méthodologie d’une enquête paritaire ont été co-construits par les référents du harcèlement désignés par la direction et par les CSE. Ces référents avaient déjà commencé par se former ensemble à leur nouvelle mission. Selon Laetitia Kraria, « cette formation a  déjà été l’occasion de libérer la parole entre les élus sur des dérives passées. C’était la pleine illustration du besoin d'agir ». Cette action ne s’improvise pas. « Les référents des directions ont l’obligation de signaler les situations rapportées. C’est une différence importante par rapport au rôle des référents des CSE. Il est d’autant plus important de former les référents des directions et des CSE ensemble afin que chacun comprenne qu’ils constituent un maillon d’une chaîne de traitement. Personne n’est la solution », précise Karine Armani. 

Multiplier les occasions d’en parler

La libération de la parole passe d’abord par la sensibilisation. Chez Bosch, un réseau d’entraide entre salariés est en train de se constituer. Des « bienveilleurs » susceptibles de mettre les salariés en relation avec les référent.e.s. « Les référent.e.s ne doivent pas être isolés. Il est important que l’ensemble des élus et élues du CSE  se sentent concernés en matière de prévention du harcèlement sexuel et des agissements sexistes. Certains ont mis des commissions de harcèlement en place, dont le rôle est complémentaire par rapport à celui des référents », explique Sonia Paccaud, secrétaire régionale CFDT d’Auvergne-Rhône-Alpes et par ailleurs référente VSST (violence sexiste et sexuelle) au sein de l’organisation syndicale régionale CFDT. « Nous devons autant balayer devant notre porte », ponctue la militante qui en plus d’un travail en interne CFDT en direction des adhérents, militants et responsables,  propose aux équipes syndicales d’aller au contact des salariés avec un sondage éclair (« enquête Flash lutte contre les VSST ») dont les questions percutantes visent à aider à la compréhension des enjeux, à dresser un état des lieux et à favoriser l’émergence de la parole. Mais ça, c’était avant le covid-19. Une sensibilisation en mode dégradé se déroule aujourd’hui davantage par voie électronique, alors que les expositions aux risques sont potentiellement plus fortes du fait de l’isolement des gens.
 

Quand un signalement aboutit au déclenchement d’une enquête paritaire, mieux vaut savoir comment s’y prendre. Pour Sonia Paccaud, « il s’agit de se consacrer à la qualification des faits uniquement, comme dans le cadre d’une enquête interne menée après un accident du travail dit classique ». Les choses se compliquent en revanche quand un représentant de la direction ou de la DRH se trouve concerné par une présomption de harcèlement sexuel (par ailleurs susceptible de faire l’objet d’une déclaration en accident du travail). « Dans ce cas et pour éviter les conflits d’intérêts, l’enquête doit être externalisée », conseille Karine Armani. Et Christophe Desperies de conclure : « Nous avons l’obligation de tout arrêter et de saisir la justice pour qu’elle prenne le relais si, au cours d’une enquête,  on se rend compte que les faits relèvent d’une suspicion de viol ».