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14 / 12 / 2020 | 271 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Quels leviers syndicaux pour peser dans la transformation permanente des fonctions publiques ?

Comment les syndicats se préparent à l’arrivée d’une instance unique d’information-consultation avec le conseil social et au potentiel développement des négociations ? À l’heure de la mise en route de la réforme du dialogue social dans les fonctions publiques, Miroir Social et Plein Sens ont proposé aux organisations syndicales de partager les nouveaux leviers attendus pour peser dans des organisations en transformation permanente depuis déjà longtemps. Retour sur le débat à 4 voix du 18 novembre dernier.

 


 

Sur le sujet des commissions administratives paritaires (CAP) qui n’interviendront que dans les cas des recours sur les promotions et les mutations géographiques des agents, les organisations syndicales des fonctionnaires sont bien d’accord pour regretter une régression majeure. Cela va d’abord se traduire par une baisse des heures de délégation attribuées aux élus qui siègent dans ces commissions mais aussi par des parcours professionnels dont on acte l’individualisation, qui se négocient de gré à gré en mode contrat. La fonction publique passe d’une logique de gestion paritaire par corps à une approche individuelle par métiers. De quoi mettre les fondements du statut en cause.


Un changement majeur de logiciel pour des syndicats qui perdent la capacité de peser sur les parcours, du moins en mode CAP. Autant d’arguments en moins pour susciter les adhésions alors que le taux de participation aux élections est à la baisse dans les fonctions publiques. L’introduction du conseil social administratif se traduit, là encore, par une réduction des moyens. D’abord en raison de la fin des CHSCT qui deviennent de simples CSSCT des CSA, comme dans le privé (mais avec un seuil à 200, contre 300 dans le privé) et car le passage à ISO périmètre n’est garanti qu’au niveau ministériel et pas dans des services déconcentrés de l’État en réorganisation quasi permanente. La baisse des moyens est évaluée à 30 %, comme dans le privé. Luc Farré, secrétaire général de l’UNSA fonction publique, y voit « un véritable objectif d’affaiblissement des syndicats ».
 

La négociation pour peser ?
 

Dans ce contexte, la réforme introduit la possibilité d’ouvrir des négociations locales sur quasiment tous les sujets pour la première fois, en s’adressant tant aux agents titulaires qu’aux contractuels qui représentent déjà 20 % des effectifs. « Ouvrir la capacité de négocier à tous les niveaux est quelque chose de très important mais il faut au préalable des engagements sur les moyens au service de la négociation sous la forme d’un accord de méthode. Cela devrait être obligatoire », explique Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT fonctions publiques.


On touche là à l’approche du cabinet Plein Sens qui se positionne dans l’ingénierie de dispositifs de dialogue ouverts entre les différentes parties prenantes que peuvent être les directions, les représentants des agents, les agents et aussi les usagers. « Quelle que soit la forme que cela prend, une négociation réclame un cadre à mettre en place en amont pour travailler sur les éléments techniques. Outre l’aspect méthodologique, il faut que les représentants des salariés soient en mesure de maîtriser ses éléments et d’en apporter d’autres. Cela peut passer par un accompagnement externe. Toute cette phase préalable à la tenue de la négociation sous-entend des moyens », explique Éric Molière, consultant chez Plein Sens. « Les fusions ou rapprochement de structures sont nombreuses dans les fonctions publiques. C’est typiquement le cadre local qui est le plus adapté à une négociation sur l’organisation du travail avec une logique participative à l’égard des agents », ajoute Aurélie Ghemouri Krief, consultante chez Plein Sens.


« C’est avant tout dans la fonction publique d’État que la négociation locale va changer les habitudes. Pour cela, il faut s’assurer que tous les acteurs soient formés, tant du côté des syndicats que des directions. L’engagement dans la négociation des élus doit aussi être reconnu », considère Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération générale des fonctionnaires FO. Force est de constater que les profils de directeurs des relations sociales sont encore plutôt rares dans la fonction publique, par exemple. Des approches vont devoir évoluer. « Les textes contraignent la direction qui se voit retourner un avis unanime contre son texte en CT de le représenter à la séance suivante. Ce n’est qu’un avis consultatif alors il n’est pas rare de voir des directions représenter exactement le même texte. C’est l’approche qu’il faudrait éviter dans le cadre d’une négociation. Les représentations doivent évoluer », illustre Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT. La question de l’harmonisation des négociations susceptibles de se multiplier est posée par Luc Farré : « Les négociations locales ne doivent pas conduire à nivellement par le bas ». Et d’ajouter : « Il faut arrêter d’expérimenter à tout va, sans évaluer. Il faudra donc par exemple évaluer les ruptures conventionnelles, car c'est une expérimentation de cinq ans ».

Négocier les horaires d’ouverture au public avec les usagers
 

Au-delà du consensus sur les moyens préalables à la négociation, les positions sont affirmées sur certaines des règles du jeu à venir. Christian Grolier précise ainsi : « nous sommes favorables à l'accord majoritaire et contre l'accord minoritaire surtout quand dans la fonction publique interministérielle et inter fonction publique c'est l'état employeur qui choisit ses interlocuteurs en fixant le nombre de sièges dans les instances et non en reconnaissant un pourcentage de représentativité comme dans le privé ». La volonté de sortir des concertations pour entrer dans les négociations de plein pied est tangible. C’est l’occasion de poser le sujet des conditions nécessaires pour assurer les missions avec, pourquoi pas, le suivi d’indicateurs de qualité des services rendus aux publics. La liste des objets de la négociation n’est pas limitative. « Même les horaires d’ouverture des services ouverts au public pourraient se négocier en intégrant les usagers », soulève Jean-Marc Canon. Pour Mylène Jacquot, « négocier les politiques indemnitaires permettrait de poser le sujet de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes car cet élément de rémunération est un facteur d’aggravation des inégalités en raison de son absence de transparence ».


Face à la fois au rythme des transformations et à la réduction des moyens, les syndicats vont devoir adapter leur propre organisation pour mutualiser davantage et sortir des logiques de silos avec les bastions locaux qui vont avec. Et Jean-Marc Canon de considérer « qu’il faut récréer d’autres formes d'organisation plus souples, non officiellement reconnues, en marge des structures syndicales officiellement en place, pour suivre le rythme des transformations ». Pour Plein Sens, « il est temps de réellement croire au dialogue social en jouant la carte de l’offensive pour faire bouger des lignes » car rien ne serait pire que la refondation ne soit qu’une illusion.