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23 / 10 / 2020 | 49 vues
Jean-Philippe Milesy / Membre
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Afflux de nouveaux bénévoles : la crise a révélé de nouveaux élans solidaires dont beaucoup semblent vouloir se perpétuer

Le baromètre de la pauvreté réalisé par IPSOS pour le Secours Populaire (SPF) et publié le 30 septembre ne fait hélas que conforter ce que nous pouvions savoir de la montée des inégalités et du développement des situations de détresse d’un nombre croissant de personnes dans la septième puissance économique mondiale.


Plus de 9 millions d’habitants de notre pays vivent sous le seuil de pauvreté tel que défini par l’INSEE, soit 1.063 € mensuels. Mais si l’on se base sur le « seuil de pauvreté subjectif moyen » (c’est-à-dire tel que défini par les gens interrogés), il est de 1.228 € mensuels, soit un peu plus que le SMIC. Cela représente plus de 12 millions de pauvres. La pauvreté ne touche pas seulement des populations marginales, cantonnées à des ghettos, mais des gens que nous pouvons côtoyer chaque jour. Ainsi,  64 % de ces gens affirment se restreindre sur la qualité de ce qu’ils peuvent manger mais 46 % l’affirment sur la quantité.


La crise du covid-19 a considérablement aggravé les situations. Pour beaucoup, on est passé de la précarité à la faim. Henriette Steinberg, secrétaire générale du SPF, se faisait récemment l’écho de bénévoles ayant rencontré des femmes qui, face à la fermeture des cantines scolaires, demeuraient plusieurs jours sans manger pour pouvoir nourrir leurs enfants.


Mais l’enseignement principal de ce baromètre aura été de révéler une profonde augmentation de l’expression des craintes pour demain. Ainsi, 57 % des gens interrogés disent leur peur de basculer un jour dans la pauvreté. Ce chiffre est corroboré par les études portant sur le logement et la peur de se trouver un jour à la rue. D’ailleurs, pour près de 45 %, les gens secourus ces derniers mois sont des nouveaux venus dans les dispositifs d’aide.


La crise a donc mis l’accent sur une très profonde « insécurité sociale », trop souvent ignorée dans les discours de la plupart des responsables politiques ou économiques. Cette insécurité, autrement menaçante que celles abondamment relevées dans les médias et sur les réseaux sociaux, va être alimentée par la vague de plans sociaux nés de la crise ou pour lesquels la crise servira de prétexte.


Le gouvernement emploie souvent un langage guerrier s’agissant du virus ou du « séparatisme » mais jamais s’agissant de la pauvreté ou des inégalités. Ces dernières sont sans doute trop inscrites dans la société voulue par les penseurs comme Hayek ou Friedman. En même temps, comme on se plaît à le dire, la France compte le plus grand nombre de milliardaires dans l’UE et ses entreprises auront continué de distribuer des dividendes indécents.
 

La crise a aussi révélé de nouveaux élans solidaires, certains limités dans le temps mais beaucoup semblant vouloir se perpétuer, notamment sur le territoire. Au SPF, on a vu un afflux de nouveaux bénévoles qui, pour la plupart, se montrent décidés à poursuive leur tâche. Ces élans rappellent que c’est dans un même mouvement de résistance aux violences sociales du libéralisme du XIXème siècle que les formes premières de notre économie sociale se seront constituées, aux côtés des « œuvres » religieuses ou philanthropiques.


Des mutualistes, des coopérateurs et des militants associatifs prennent chaque jour leur part à ces solidarités. Cependant, l’effort doit être encore amplifié si l’on souhaite une adhésion populaire à la revendication de l’ESS de devenir la norme de l’économie de demain. Trop de nos concitoyens regardent les organisations de l’ESS comme l’affaire de leurs seuls adhérents et quand ils sont du nombre de ceux-ci comme l’affaire des directions élues ou fonctionnelles.


Louise de Vilmorin disait qu’il n’y a pas d’amour mais que des preuves d’amour. Face à un État rendu défaillant par les politiques libérales poursuivies ces dernières années, l’économie sociale aura tout à gagner à faire valoir ses engagements solidaires. D’autant que ce que l’on découvre du fameux plan de relance réserve à l’ESS en général (et aux associations en particulier) une portion fort congrue, certes pas à la hauteur d’une réponse aux besoins sociaux du temps.


L’ESS n’est pas que l’économie de la réparation, comme nous le disons très régulièrement. Elle doit collectivement assumer des réponses immédiates et développer des innovations réellement sociales pour s’imposer comme alternative au capitalisme, comme Thierry Jeantet l'écrit depuis longtemps et comme notre ami Jérôme Saddier le proclame aujourd'hui.

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