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08 / 06 / 2020 | 1313 vues
Bernard Salengro / Abonné
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Santé au travail : le révélateur du covid-19

Nous avons tous constaté que les services de santé au travail avaient eu du retard à l’allumage au début du confinement, de nombreuses directions préférant la manne du chômage partiel tout en conservant leurs cotisations plutôt que de répondre à la mission de santé publique particulièrement nécessaire à ce moment-là.
 

Le syndicat de santé au travail CFE-CGC a déploré cette situation, ce qui a généré les textes du ministère refusant ce chômage partiel et indiquant les missions nécessitées par le covid-19.
 

Vous trouverez ci-après un texte proposé par le syndicat et d’une actualité brûlante compte tenu des bruits de couloirs de réforme de la santé au travail. Deux points essentiels en cette situation pour réellement changer les choses :
 

  • changer la gouvernance, sans quoi rien de réel ne se mettra en place,
  • modifier le recrutement des médecins du travail : actuellement, un docteur en médecine qualifié, spécialiste en médecine générale ou autre s’il veut devenir médecin du travail s'embarque pour neuf années (cinq d’attente et quatre de formation) ; c’est ubuesque ! Quelle autre profession est soumise à pareille rigidité ?

 

Propositions en matière de santé au travail 
 

L’allongement de l’espérance de vie, les données sociologiques sur l’emploi des seniors et celles sur leur santé (notamment celle des ouvriers), l’absentéisme au travail, l’augmentation des maladies professionnelles, les difficultés croissantes que l'être humain entretient avec son travail et l’augmentation du nombre de prétendants à la retraite montrent qu’il est de plus en plus nécessaire de préserver la santé physique et psychique des travailleurs, donc d’améliorer les conditions de travail.

 

L’objectif est double :
 

1. garder une population en capacité d’assurer la pérennité du système de protection sociale,

2. et favoriser les performances de la Nation par l’équilibre social dans l’entreprise, donc grâce au dialogue social et à la qualité de vie au travail, par opposition aux organisations du travail pathogènes sur le plan psychique.

 

Le système actuel de prévention ne possédant pas la capacité de répondre à ces objectifs, nous proposons d'élaborer un nouveau dispositif opérationnel fondé sur la mise en réseau de cette armée éclatée que sont tous ces services de santé au travail inter-entreprises. Ce réseau serait animé par une structure nationale réellement paritaire, politiquement orientée par le COCT et les CRPRP. 

 

La situation actuelle nous mène à alerter le gouvernement sur les nombreuses et graves difficultés que rencontrent les services de santé au travail, les médecins du travail et les « préventeurs » pour assurer leurs missions.

 

La démonstration du dysfonctionnement se fait facilement par trois démonstrations.
 

1. Depuis la loi fondatrice de 1946, la loi prévoit que les médecins du travail se préoccupent des conditions de travail et pas seulement la constatation des états de santé. En 1979, il a été stipulé que le tiers du temps doit lui être consacré ; en 2004, il a même été rappelé que c’était prioritaire ; en 2011, le devoir d’alerte a été institué. Aujourd’hui (et depuis toujours), qu’il y ait ou non un manque de médecins du travail, le tiers du temps consacré aux conditions de travail et son aspect prioritaire ne sont toujours pas respectés ! La gestion par les employeurs explique l’orientation de cette activité en contradiction avec l’esprit de la loi.
 

2. L’ensemble des constatations médicales et ergonomiques des médecins du travail et les actions des médecins du travail sont consignés dans des rapports annuels qui pourraient donner une vision exhaustive de la santé des salariés et des actions réalisées au niveau national. Au niveau national, le ministère ne réalise aucun recueil et aucune exploitation.
 

3. Instruite par le médecin inspecteur et décidée par la DIRECCTE qui devrait permettre le fonctionnement ou non, la procédure d’agrément n’a aucune opérationnalité, comme le démontrent les services qui continuent de fonctionner sans.


Certes, notre démarche est de signaler les nombreuses anomalies mais surtout d’exposer notre conception d’un autre système, plus apte à répondre à l’esprit du législateur de 1946 et à celui de 2010 : « éviter toute altération de la santé du fait du travail.. » et, pour reprendre la conception moderne, de se préoccuper de la qualité de vie au travail, étant le seul organisme au contact de tous les salariés et de toutes les entreprises, notamment au sein des TPE.
 

Cette proposition pourrait entraîner des économies d’échelle et rendre le travail des professionnels de terrain plus efficace.


Par ailleurs, bien que les CRPRP, les ORST et les commissions spécialisées du COCT aient apporté un progrès notable, ce fonctionnement du paritarisme est fortement conditionné par l’investissement de quelques militants syndicaux, à la disponibilité très réduite. Il est aussi limité par la complexité croissante des situations qui les éloigne des débats, faute de temps et de formation.
 

Cet état des lieux nécessite d'à nouveau envisager la gouvernance aux niveaux national et régional, comme cela a été déclaré mais surtout au niveau des services sans quoi rien d’efficace ne se fera.
 

- Les solutions proposées -
 

Politique 


Un but : faire vivre et évoluer la santé au travail et la qualité de vie au travail dans l’intérêt de tous.    
Comment : par le biais de concepts et de moyens conjugués :

- renforcer le pouvoir du dialogue social en établissant une gouvernance réellement paritaire (alternance des postes de président et de trésorier) ;

- renforcer la formation des représentants employeurs et salariés en santé au travail auprès de la structure qui les mandate, avec du temps consacré à la mission, une protection légale de ces représentants ainsi que pour les salariés une rétribution équivalente à celle des employeurs ;

- développer la recherche organisée nationalement (épidémiologie, conditions d’intervention des différents acteurs et méthodologies d’intervention) ;

- « potentialiser » les approches des différents acteurs institutionnels de prévention en constituant un réseau ;

- développer la formation des professionnels en lien avec l’université, les OPCA avec la mise en place d’un corps de médecins du travail enseignants et en médecine générale ;

- renforcer le pouvoir des « préventeurs » de terrain sur les décisions en instaurant un statut de salarié protégé pour les IPRP et les infirmiers.

- rendre l’agrément des services efficace afin qu’un service qui ne l’a pas soit fermé ou absorbé par le voisin qui a l’agrément (cf la Cour des comptes).
 

Mesures immédiates pour permettre la survie :

- réduire la durée de formation des médecins collaborateurs, tenant compte de leur formation complète dans leur exercice et tenant compte des besoins immédiats. Deux ans semblent constituer un maximum, quitte à avoir une période probatoire pratique avec des juniors et des seniors, tous pouvant prendre des responsabilités ;

- donner un statut plus solide aux IPRP et aux IDE (protection) ;

- rapidement instituer une présidence alternée de la présidence et du poste de trésorier ;

- rendre une formation qualifiante en santé au travail obligatoire pour les IDE.

 

Gouvernance


Organisation générale
 

1. Création d’un organisme national de santé au travail : une fédération

L’esprit donné par le législateur par la gouvernance paritaire locale rend une gouvernance de même type logique pour le niveau national.

Son fonctionnement doit s’appuyer sur :

- le dialogue social,

- le respect des obligations règlementaires,

- le respect des responsabilités de chacun des acteurs,

- celle de l’employeur vis-à-vis de son obligation de résultat en matière de santé au travail :

  • celle des organisations syndicales représentatives,
  • celle des médecins du travail et des autres professionnels de la santé au travail ;
     

- son objectif étant de coordonner et de dynamiser les actions des services en leur donnant le modèle et le contrat d’objectifs et de gestion.
 

2. Collèges 

Un conseil national paritaire se compose :

- d'un collège des représentants employeurs (MEDEF, UPA et CGPME) à voix délibératives,

- d’un collège des représentants des organisations syndicales représentatives, à voix délibératives au % de la branche,

- d’un collège de gens compétents à voix consultatives :

  • représentant de l'INRS,
  • représentant de l'ANACT,
  • représentant du CNAM,
  • représentant d'universités de médecine,
  • représentant des médecins,
  • représentant d'IPRP,
  • représentant des directions de service,
  • représentant de l'INSERM,
  • ANSES, INERIS...
     

3. Présidence


Une présidence alternée employeurs / salariés, dont la représentation serait alternée avec celle du trésorier afin que lorsqu’un collège a la présidence, l’autre ait le poste de trésorier et inversement :

  • électeurs : les deux premiers collèges,
  • alternance de X années.

4. Localement dans les services
 

Présidence alternée au niveau du conseil d’administration et présidence alternée des CMT à un binôme médecin-préventeur :

  • former les directeurs de service à la santé au travail,
  • recruter les directeurs après formation à l'école de Rennes ou l'école de Saint-Étienne,
  • réduire la durée de formation théorique des médecins collaborateurs,
  • faire siéger la commission de contrôle avant le conseil d'administration,
  • donner un statut équivalent aux administrateurs de la CARSAT, des moyens et des formations par leurs organisations aux administrateurs du conseil d’administration et membres des commissions de contrôle

 

Missions

  • Développer la santé au travail avec les branches professionnelles et les structures régionales (DIRECCTE, CARSAT et CRPRP).
  • Développer la santé au travail dans toutes les entreprises (grandes, PME et TPE).
  • Travailler en partenariat avec l’INRS, l’INSERM, l’ANSES, l’INVS, l’ANACT et l’OPPBTP.
  • Travailler en partenariat avec les agences européennes (Dublin et Bilbao) et constitution de réseaux.
  • Établir le modèle de fonctionnement général des SIST :
    • harmoniser les fonctionnements et organisations en raison des très grandes disparités (cotisations exclusivement patronales, pourcentage des financements formation etc.).
  • Organiser et développer la formation professionnelle continue en santé au travail avec les OPCA :
    • pour les professionnels des SIST,
    • pour les entreprises.
  • Développer la connaissance scientifique et la recherche dans les différentes disciplines.
  • Afficher et conserver le fondement médical de l’institution et sa spécificité française : formation de médecins du travail (si insuffisance universitaire) : rendre la profession attractive, en favorisant les reconversions d’autres spécialités.
  • Développer la conscience qu'ont salariés et employeurs de la santé au travail (politique et stratégie de  communication) pour la valoriser.
  • Maintenir le principe général de la mutualisation.
  • Création d’un comité scientifique chargé de mener des actions de communication scientifique avec les sociétés savantes (sociétés de médecine et de santé au travail régionales) et avec l’ICOH.
  • Établir des partenariats avec les cabinets privés.
  • De développer le regroupement régional des SIST.

 

Opérationnalité
 

- Les centres régionaux paritaires de médecine et de santé au travail (CRMST)
 

Ceux-ci ont pour rôle de coordonner l’action des services de santé au travail entre eux et avec les autres instances régionales de prévention (CRASAT, ARACT, OPPBTP, ORST, CRPRP, DIRECCTE, ARS) au niveau régional :

  • avec un pôle administratif et une direction nommée par le Conseil chargé de faire appliquer les décisions du CA ;
  • avec un pôle scientifique et technique travaillant en lien avec les organismes de prévention.

 

- Commissions scientifiques

  • Un pôle de recherche médicale et épidémiologique
  • Un pôle pluridisciplinaire :
    • commission d'ergonomie avec médecins,
    • commission de toxicologie avec médecins,
    • commission de psychologie du travail avec médecins :
      • dont la vocation est de développer l’évolution des pratiques des connaissances et des méthodologies et de préparer les formations,
      • constituée de professionnels de santé au travail,
      • animée par des professionnels permanents, salariés de la structure.
  • Une commission de formation professionnelle.

 

Financement, contrôle et négociation

Les services versent obligatoirement un pourcentage à la structure nationale. Les cotisations sont identiques dans tous les SIST, au prorata numeris.
 

Un contrôle par l’État (national, régional et local) avec un agrément sans lequel la structure ne peut fonctionner.

  • Les services de santé au travail existants perdureraient avec du personnel administratif et les moyens matériels nécessaires, les « préventeurs » étant mis à disposition par la structure nationale et les autres membre du personnel par la structure régionale (modèle de la CNAM des praticiens conseils dépendant d’une structure nationale tandis que les assistantes dépendent de la structure régionale).
  • Les services permettraient la rencontre des professionnels et du personnel dans le cadre de la réunion de la commission médico-technique afin de définir leurs attentes et les besoins nécessaires pour y répondre et pour répondre à la mission générale définie par la loi.
     

Une commission nationale de branche pour la négociation :

  • composée des représentants des employeurs désignés par leurs organisations représentatives (et non des directeurs de service) avec les représentants des salariés désignés par leurs organisations représentatives des services inter-entreprises ;
  • elle traite des salaires, de la convention collective, de la formation professionnelle (pourcentage identique dans toutes les structures) et du montant, de la DPC avec les représentants des salariés des services de santé au travail.

 

Déploiement

À partir d’une volonté politique pouvant être initiée lors de la prochaine conférence sociale en juillet et avec l’appui des Ministères du Travail et de la Santé, de députés, des organisations syndicales et du patronat.

Rapidement, les urgences étaient :

  • de permettre un exercuce aux médecins collaborateurs au bout de deux ans ;
  • d’installer une réelle gestion paritaire des collèges avec alternance pour les postes de président et de trésorier du service ;
  • de faire pression sur les universitaires pour qu’ils établissent les formations de médecins collaborateurs rapidement ;
  • et d'ouvrir une formation diplômante pour les IDE et une exigence de niveau de formation pour les IPRP.
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