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07 / 02 / 2020 | 197 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Quelle place aux outils de la gestion et des finances publiques dans la transition écologique et solidaire ?

Entretien avec Michel Le Clainche, rédacteur en chef de la Revue Gestion et Finances Publiques.

 

Depuis des années, la Revue Gestion et Finances Publiques apporte une vaste contribution au débat public par le biais d'études, d'articles de fond et de réflexions qui ont souvent été relayées dans ces colonnes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre approche des choses ?

 

Notre revue et son blog essaient d’être de plus en plus en prise sur l’actualité. La gestion publique et les finances publiques ne sont pas des sujets abstraits et désincarnés mais s’inscrivent dans les débats publics et dans la vie quotidienne de chacun. Ce sont des sujets de société, éminemment politiques. Ce qui n’exclut nullement de les traiter avec un minimum de recul, de réserve et d’objectivité.

 

Ces sujets doivent être abordés de manière pluridisciplinaire et avec des horizons multiples : nos « repères d’actualités », nos chroniques de jurisprudence, nos articles sur des débats en cours (réforme de la fiscalité locale, de la responsabilité des gestionnaires publics, de la fonction publique, transformation de l’action publique et bitcoins) montrent notre souci d’apporter une information fraîche et sans cesse actualisée.

 

Mais bien d’autres articles historiques ou plus théoriques apportent la vision approfondie et de long terme indispensable pour comprendre les évolutions sociales qui trouvent leur traduction dans la gestion et les finances publiques (l’émergence du numérique, l’importance des cadres international, constitutionnel et européen, l’évolution du comportement des citoyens  ou des multinationales face à l'impôt etc.).

 

Le sujet des finances citoyennes, que nous avons récemment abordé, répondait bien à ces différents horizons. Après avoir lancé le débat, nous avons « fléché » un certain nombre d’articles sur les budgets participatifs, les monnaies locales ou  le consentement à l’impôt en 2019 et nous publierons un dossier sur le sujet en milieu d’année prochaine.

 

Il y a peu, vous avez évoqué la notion de « finances vertes ». Qu'entendez-vous par là ?

 

La question de la contribution de la gestion et des finances publiques au développement durable s’inscrit dans le prolongement de cette réflexion sur la citoyenneté. Les citoyens concernés sont ceux d’aujourd’hui mais aussi ceux de demain. Dans les deux approches, les sujets doivent être étudiés dans une optique large qui implique une réflexion explicite sur le modèle de société et sur le rôle de l’État, ce qui devrait mener à de nouvelles évaluations des outils techniques de la gestion et des finances publiques.

 

C’est pourquoi le sujet « des finances publiques au service du développement durable ? » a été retenu par les membres de nos comités scientifique et de rédaction comme thème du colloque que nous organiserons au printemps 2021 pour célébrer le 100e anniversaire de notre revue.
 

Le développement durable est entendu au sens le plus large avec ses dimensions multiples : environnementales, économiques, sociales, inter-générationnelles etc., tel que le concept est retenu dans  les résolutions et les plans d’actions internationaux. L’Organisation des Nations-Unies a structuré le cycle de développement 2015-2030 sur dix-sept objectifs de développement durable (ODD). En Europe, la nouvelle Commission promeut un accord vert (« green deal ») pour tenter de relever les défis du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. En France, la transition écologique et solidaire est au cœur de la relance économique de la Nation. Les injonctions à changer notre modèle de développement et l’aménagement de notre territoire se multiplient sans que le chemin à suivre ne soit bien balisé.

Les outils budgétaires, comptables, fiscaux et managériaux de la gestion et des finances publiques sont-ils en mesure d’accompagner la transition écologique et solidaire ?
 

Certes, quelques exemples parmi d’autres permettent d’en douter :

  • la LOLF oriente l’élaboration et le suivi du budget de l’État dans une logique de performances étroitement dépendante d’une définition assez pauvre en objectifs quantitatifs ;
  • l’allocation des subventions, aides d'État et niches fiscales est insuffisamment sélective ;
  • la fiscalité environnementale comporte encore de nombreux dispositifs d’encouragement à la consommation d’énergies fossiles et son développement est limité par un faible niveau d’acceptation de la part de l’opinion ;
  • la comptabilité publique renseigne de mieux en mieux sur les actifs matériels des administrations mais est muette sur les dettes environnementales ;
  • les contrôles de gestion et de régularité ne font aucune place aux objectifs de développement durable ;
  • le financement de la protection sociale dépend grandement des opinions et des rapports de force de court terme ;
  • la gestion quotidienne de l’administration n’intègre que depuis peu et insuffisamment les questions de rénovation énergétique des bâtiments ou de développement de mobilité plus douce et de télétravail.
     

Or, la gestion et les finances publiques ne peut rester en dehors de cette prise de conscience et des premières initiatives sont prises : objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, verdissement des budgets et des dettes, projet de taxation des émissions de C02 au niveau international, relance de fonds d’accompagnement au changement climatique, augmentation de la part de la fiscalité écologique et, dans des villes ou des régions de plus en plus nombreuses, projets de villes intelligentes (« smart cities »), transports doux et budgets participatifs.


Les freins au développement durable qui demeurent doivent être rapidement éliminés et, surtout, toute la gamme des outils doit être mise au service de ces nouveaux objectifs. Mais, pour « verdir » les finances et le management public autrement que superficiellement, il faudra repenser des dispositifs conçus pour la plupart dans une optique libérale et dans le cadre d’une société industrielle et renouveler des pratiques orientées essentiellement vers la recherche de performances quantitatives et à court terme.

 

Quelles sont les priorités et les évolutions envisagées pour une publication reconnue pour son sérieux et qui va bientôt fêter son centenaire ?
 

Effectivement, la préparation de cet événement ne nous éloignera pas de nos préoccupations habituelles pour assurer le service d’une revue elle-même « citoyenne et durable ». Cette année, nous publierons des dossiers ou des numéros  thématiques sur les cabinets ministériels, les finances citoyennes et sur les finances européennes et nous mettrons un accent particulier sur l’évolution de la gestion et des finances locales après l’élection des nouveaux maires et conseils municipaux.

 

Les chroniques d’actualités et de jurisprudence sont de plus en plus rythmées et couvrent des périodes proches de la publication.

 

La plate-forme de la revue (www.gestion financespubliques.info) continuera de jouer sa fonction d’ouverture et de rencontre. Elle donne un accès gratuit à un blog, aux sommaires des revues, à quelques articles et aux chroniques d’actualités (chaque mois et avec des liens directs aux documents de base). Nos articles sont désormais disponibles sur le bouquet CAIM et les anciens numéros de la Revue du Trésor et de G&FP de 1921 à 2012 sont consultables gratuitement sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France.
 

La rédaction s’est élargie par la désignation de responsables de rubriques, la constitution d’une équipe pour les repères d’actualité et la fidélisation de nouveaux auteurs.
 

Les partenariats se consolident, à travers des publications thématiques, avec le secrétariat général du Ministère de l'Économie et des Finances (dossier sur les trente ans de Bercy), la DGFIP (dossiers sur la dématérialisation), l’Association des administrateurs des finances publiques (ADAFIP), les universités d’Aix-Marseille et de Paris I (numéro thématique sur les Institutions financières internationales), le Cercle de la réforme de l’État (articles sur le management public), Miroir Social etc. L'objectif étant d’élargir les soutiens à notre revue afin d'en  assurer la pérennité et la vitalité d’une réflexion à la fois pragmatique et académique sur la gestion et les finances publiques.
 

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