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22 / 11 / 2019 | 171 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Mission sur la négociation collective dans la fonction publique : opération enfumage

Alors que le climat social n'a jamais était aussi tendu dans la fonction publique et que le dialogue social est quasiment paralysé ;


alors que, soumis depuis des années à des réformes successives et à des injonctions souvent contradictoires (et exerçant leurs métiers dans des conditions chaque jour plus difficiles), les agents publics ne cessent de dénoncer les amputations des moyens mis à leur disposition pour assumer leurs missions correctement ;


alors que les conditions et la qualité de vie au travail ne cessent de se dégrader et que les fonctionnaires, régulièrement présentés comme des privilégiés jetés en pâture à l'opinion publique, ont de plus en plus le sentiment d'une absence totale de véritable reconnaissance ;


alors que le gouvernement a rarement fait aussi peu de cas des avis et des propositions des organisations syndicales et des réelles attentes du personnel (on l'a vu ces derniers mois et cela continue, notamment avec la mise en œuvre à marche forcée des réformes engagées dans la fonction publique...) ;
 

Olivier Dussopt (Secrétaire d'État auprès du Ministre de l'Action et des Comptes publics) a annoncé le lancement d'une mission sur la négociation collective dans la fonction publique.
 

Vraie surprise, quand l'on voit que les mesures incluses dans les réformes remises en cause du rôle des instances paritaires (CAP, CTP, CHSCT, réduction des moyens syndicaux etc.) ne font que réduire la place et le rôle des organisations syndicales et finalement détricoter les dispositions statutaires et la démocratie sociale représentative mise en place depuis plus de 70 ans.

 

Ne soyons donc pas dupes de cette nouvelle opération d'enfumage dont on peut bien légitimement se demander sur quoi elle pourra déboucher !

 

L'objectif affiché de cette « mission de réflexion » est de préparer le terrain pour la mise en œuvre de l’article 14 de la loi de transformation de la fonction publique qui a habilité le gouvernement « à prendre par ordonnance, dans un délai de 15 mois à compter de la publication de la loi du mois d'août dernier, toutes dispositions relevant du domaine de la loi afin de favoriser, tant au niveau national que local, la conclusion d’accords négociés dans la fonction publique ».

 

Il est également précisé dans la lettre de mission que :
 

  • le gouvernement a pour objectif d’encourager le développement de la négociation publique afin de construire des solutions innovantes et adaptées aux enjeux des services publics dans chaque territoire ;
  • la négociation est un levier important visant à responsabiliser l’ensemble des acteurs du dialogue social. Elle contribuera à améliorer la gestion des ressources humaines et les conditions de travail dans la fonction publique, par exemple sur des sujets tels que l’organisation du temps de travail, la formation ou encore l’égalité professionnelle.

 

Les signataires de la lettre de mission (les ministres Agnès Buzyn, Gérald Darmanin, Olivier Dussopt et Jacqueline Gourault) s'étonnent « curieusement » qu'un nombre modéré d'accords a été conclu tant au niveau national que local ou inter-fonctions publiques et estime que « parmi les causes probables, une trop forte concentration de la décision administrative, l'absence de portée normative des accords conclus, qui n'engagent pas juridiquement les employeurs publics, voire la difficile articulation entre les niveaux de négociation, en particulier la faible place de l'échelon de proximité, sont fréquemment mises en avant », d'où la nécessité de mieux « définir les cas et conditions dans lesquels les accords majoritaires disposent d'une portée ou d'effets juridiques, en précisant les modalités d'appréciation du caractère majoritaire des accords, leurs conditions de conclusion et résiliation et en déterminant les modalités d'approbation qui permettent de leur conférer un effet juridique ».

 

La lettre mission indique également que « le développement d'une négociation à « effet normatif » nécessite de préciser la qualité des autorités compétences pour négocier et conclure des accords aux niveaux national et local au regard des autorités disposant du pouvoir réglementaire et, en l'absence d'accords nationaux, se posera la question des conditions et modalités dans lesquelles des accords locaux pourront être conclus et déclinés au niveau de proximité ».

 

Quel verbiage : de qui se moque-t-on ?

 

 De quoi pourra-t-on discuter et sur quoi pourront porter d'éventuelles négociations alors que :
 

  • l'on vide les commissions paritaires de l'essentiel de leurs attributions, que la fusion des comités techniques et des CHSCT va appauvrir leurs moyens et leurs domaines d'intervention et que les projets qui se profilent plus ou moins sous le manteau en matière d'action sociale ne sont guère plus réjouissants ;
  • les marges de manœuvre au niveau des directions locales, sur nombre de sujets, sont pour le moins limitées ;
  • et que nous sommes en pleine réorganisation des services déconcentrés et qu'un rôle de plus en plus important du préfet se dessine ?

 

Bien évidemment, avant de conclure sur le cadrage de leur mission, les signataires invitent à comparer avec le régime applicable en droit du travail « pour éclairer les conditions visant à octroyer une portée juridique aux accords majoritaires dans des cas à définir sous réserve de dispositions statutaires dites d'ordre public ».

 

Confiée à Marie-Odile Esch (chargée de mission à la fédération nationale de la CFDT, membre du Conseil économique, social et environnemental, certainement pour se prévaloir d'une « caution syndicale »), à Christian Vigouroux (président-adjoint de la section sociale) et à Jean-Louis Rouquette (inspecteur général des finances), cette mission devra travailler avec diligence puisqu'elle doit rendre ses conclusions et propositions pour fin décembre.

 

Sans trop se faire d'illusions sur les résultats de ces cogitations expresses, cette nouvelle opération de communication et la teneur des formulations de la lettre de mission ne sauraient masquer les réalités. Nul doute que les fonctionnaires et leurs représentants syndicaux ne se laisseront pas enfumer par cette démarche.

 

Car lancer un chantier sur la négociation collective dans la fonction publique alors qu'il s'agit depuis des mois d'approches relevant plus de la concertation, de la discussion, voire de la conversation sans aucun souci de rapprochement des points vues et de prise en compte des revendications qui s'expriment, est plutôt cocasse si le fait n'était aussi provocateur et révoltant !

 

Il serait grand temps qu'au-delà des mots, on retrouve au plus tôt les chemins d'un véritable dialogue social loyal et constructif. À l'évidence, cela passe d'abord par un état d'esprit. On en est encore bien loin, semble-t-il...

 

Pour mémoire, les définitions du mot sont claires :

« Enfumer: Chercher à tromper, à mystifier par des paroles ou des actions dilatoires... »

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C'est désormais une réalité avec la publication du  Décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion et à l'évolution des attributions des commissions administratives paritaires ...

 

Qu'on en juge !...selon l'accroche du décret:

 

Les  commissions administratives paritaires ne sont plus compétentes pour examiner les décisions individuelles en matière de mobilité applicables à compter du 1er janvier 2020, ainsi que pour les décisions individuelles en matière de promotion applicables à partir du 1er janvier 2021. Les autres évolutions des attributions des commissions administratives paritaires entrent en vigueur pour les décisions individuelles applicables à compter du 1er janvier 2021. S’agissant des lignes directrices de gestion, le titre Ier du décret entre en vigueur au lendemain de sa publication, à l’exception des articles concernant les lignes directrices de gestion relatives à la promotion et à l’avancement, qui s’appliquent pour les décisions individuelles  de promotion prenant effet à compter du 1er janvier 2021

 

 Le décret précise les conditions dans lesquelles, dans la fonction publique, l’autorité compétente peut édicter des lignes directrices de gestion définissant la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels et, pour la fonction publique de l’Etat, les orientations générales en matière de mobilité. En outre pour la fonction publique de l’Etat, il définit les conditions dans lesquelles les administrations peuvent définir des durées minimales ou maximales d’occupation de certains emplois. Le décret supprime la référence à la consultation des commissions administratives paritaires en matière de mobilité, de promotion et d’avancement au sein des textes réglementaires applicables. Il précise les conditions dans lesquelles les agents peuvent faire appel à un représentant syndical dans  le cadre d’un recours administratif formé contre les décisions individuelles en matière de mobilité, de promotion et d’avancement.....

Vive le dialogue social...façon nouveau monde !!!

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pour en savoir plus:

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000039434533&dateTexte=&categorieLien=id