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19 / 11 / 2019 | 1027 vues
Cgt Macif groupe / Membre
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Travailleurs handicapés à la Macif : un ex-salarié témoigne et remet les pendules à l'heure

Actuellement, la direction de la Macif communique à tout-va concernant son implication pour l'inclusion des handicapés dans la vie économique et a signé un manifeste avec 100 entreprises (#ManifesteInclusion). Pourtant, la réalité derrière les belles paroles est tout autre.


Aujourd'hui, le seuil légal de 6% de salariés handicapés n'est toujours pas atteint. Leur recrutement est quasi inexistant et c'est parmi les salariés déjà présents devenus travailleurs handicapés que la direction peine à se rapprocher des 6 %.


Ancien salarié malvoyant de la Macif, élu au CCE et très impliqué dans la vie de l'entreprise, Frédéric Desrues nous livre son témoignage et remet les pendules à l'heure. Quelques lignes d’histoire pour contextualiser. 


À la fin des années 1970, la Macif a décidé de créer le premier centre de renseignements téléphoniques à Paris. Il a été décidé que les salariés hors encadrement seraient des déficients visuels. 
 

À l’époque, il n’y avait pas de poste informatique individuel donc les tarifs et les classifications automobiles étaient imprimés sur papier. Au début, une solution locale un peu bricolée avait été trouvée puis la Macif a investi dans une embosseuse pour imprimer tout ça de façon automatique. 

 

On travaillait dans des conditions épouvantables, locaux aveugles, dans un immeuble avec un toit terrasse pas étanche et des remontées de gaz d’échappement de temps en temps par les convecteurs. 

 

En 1989, il a été décidé de créer les plates-formes téléphoniques en Île-de-France. À ce moment-là, chaque poste de travail a été informatisé et la Macif a donc dû investir dans du matériel spécialisé. Des démarches similaires ont eu lieu au même moment dans d’autres régions : Rhône-Alpes et Provence-Méditerranée.
 

Les plates-formes téléphoniques n’étaient plus exclusivement composées d'aveugles, ce qui était une bonne chose.  
 

En 1992, la Macif a changé de système informatique. Sur certains sites et avec la complicité de la direction (voire à son initiative), des salariés malvoyants se sont trouvés en grande difficulté pour appréhender le nouveau système informatique, faute d'accompagnement suffisant, et il y a eu des licenciements et des démissions de gens découragés. Pour ceux qui sont partis, ça a été très dur et certains ne s’en sont jamais remis. On les a mis plus bas que terre, ils se sont vraiment comportés comme des saloperies. Pour ceux qui sont restés, ça a été très dur aussi et la peur s’est installée chez certains d’entre nous.

 

Pendant quelques années, même si tout n’était pas rose (loin de là), notre situation s’est améliorée côté matériel. En revanche, côté évolution professionnelle, rien. Lors de la création de la plate-forme téléphonique des sinistres au début des années 1990, on nous avait demandé de ne pas postuler. Mais à l’époque, nous n’étions pas suffisamment organisés syndicalement et nous nous somme fait  avoir.

 

Les choses se sont aggravées à partir de la mise en place du PTIE (système informatique), à la fin des années 1990. Il s’agissait de mettre une technologie de type internet en place et la Macif n’a pas cherché a savoir ce qu’il fallait faire pour que notre matériel puisse s’adapter à cette nouvelle technologie. Nous avons eu la messagerie un an ou deux après tout le monde. Ensuite, toutes les nouvelles applications nous sont bien sûr devenues inaccessibles. 
 

On nous a dit qu’au prochain changement de système informatique, la direction informatique examinerait d’abord les pré-requis pour que nous puissions nous adapter avant de lancer le changement de système. Rien ne s'est passé. Puis, à partir de 2008, c’est allé de mal en pis. 

 

Tout ceci est extrêmement blessant à vivre. Nous avons été laissés au bord de la route et on nous a gardé nos emplois jusqu’à la retraite mais un peu n’importe comment.

 

Voilà pour ce qui est du traitement des malvoyants. Sur le plan plus général, la Macif a toujours couru après le fameux 6 % de travailleurs handicapés.

 

Au niveau de la branche, il y a eu la création d’une certification professionnelle d’un poste de réception de clientèle assurance, avec une remise à niveau sur le plan de la culture générale pour ceux qui avaient eu des difficultés à suivre un cursus scolaire complet, ce qui est souvent le cas. Cela partait d’une bonne intention mais, au niveau de l’accueil dans les services, le compte n’y était pas toujours. Puis, comme actuellement, la DRH proposait aux gens en difficulté de se faire reconnaître comme handicapé auprès de la MDPH. En province, ils avaient aussi créé des réseaux de diversité pour faire remonter les difficultés mais cela n’a jamais servi à rien.

 

Je trouve que les slogans de la Macif ont évolué un peu comme a évolué le traitement des salariés  : au moment de la régionalisation en 1987, c’était «  gagner pour partager  ». Puis c’est devenu «  la solidarité est une force  » et c’est désormais «  essentiel pour moi  ». On est passé d’un mot d’ordre collectif à une idée de gestion de l’entreprise complètement individualiste. L’ultra-libéralisme a gagné.

 

Beaucoup d'autres choses choquantes pourraient être mentionnées, comme par exemple l’organisation de repas dans le noir pour sensibiliser les salariés au handicap visuel alors que rien n’était fait pour cela au sein de l’entreprise.

 

En 2003, un délégué syndical CGT avait rencontré une sociétaire aveugle qui cherchait du travail. Elle était motivée et à l’aise avec l’informatique adaptée mais ils n’ont pas voulu la recruter car ils savaient sans doute à ce moment-là qu’ils n’investiraient plus pour l’accessibilité de l’informatique.
 

Le DRH de l’époque a fait ce qu’il a pu pour que nous finissions nos carrières en douceur et sans trop nous mépriser, contrairement à son prédécesseur, mais c’était un peu comme un pansement sur une jambe de bois. Je dirais bien qu’heureusement qu’il y a eu la CGT.

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