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Plasturgie : Plastalliance dit non à la recommandation patronale obligatoire
Plastalliance accepte de laisser la liberté aux entreprises et aux IRP locales de choisir leur avenir économique et social. En effet, suite à l’échec des négociations pour un accord salaires dans la plasturgie pour l’année 2019, les entreprises de la branche ont un instant cru pouvoir éviter de se faire imposer une année de plus des augmentations de salaires décidées par des organisations nationales. C’est en grande partie vrai. En grande partie car la fédération de la plasturgie et des composites, décidément adepte du toujours + social et qui représente 832 entreprises selon la dernière mesure de représentativité patronale (et non 3 500, comme elle le prétend dans ses communiqués), a cru bon d’émettre une recommandation patronale obligatoire à l’égard de ses adhérents avec une augmentation des salaires minimas des non-cadres de 1,4% à la clef.
D’un point de vue économique, l’alliance plasturgie & composites du futur Plastalliance dénonce cette mesure, sans aucune contrepartie patronale, qui va à l’encontre de la compétitivité des entreprises.
Le président de Plastalliance, Christophe Clergé, souhaite d’ailleurs inscrire l’interdiction de toute recommandation patronale obligatoire dans les statuts du syndicat, jugeant qu’il est très dangereux pour les entreprises d’être soumises à des décisions unilatérales prises par des cercles toujours très restreints, sans consultation générale des entreprises et qui peuvent avoir des conséquences très négatives (voire dramatiques) pour la santé financière des entreprises. Aujourd’hui 1,4% ; pourquoi pas demain 2, 5 ou 10% ? L’emploi n’a pas de prix…
L’argument fédéral développé dans un autre média est en effet de dire « notre recommandation patronale contribue de maintenir l’attractivité de la branche en termes d’emploi ».
Selon la fédération de la plasturgie, augmenter les salaires minimaux augmenterait l’attractivité de la branche en termes d’emplois. Argument complètement déconnecté de la réalité : des accords salaires nationaux sont signés depuis des années et cela fait autant d’années que les entreprises ont des problèmes de recrutement et que l’industrie manque d'attractivité auprès des jeunes.
Si augmenter les salaires minimaux avait un quelconque effet sur l’emploi, cela se saurait. Par ailleurs, qui peut croire qu’un chômeur regarde d’abord la CCN de la société qui souhaite l’embaucher ? Ce sont les conditions particulières proposées par l’entreprise aux candidats qui font mouche et non la générosité des organisations nationales.
D’un point de vue juridique, les trois questions que les entreprises de la plasturgie et des composites se poseront indubitablement sont les suivantes :
- qu’est-ce qu’une recommandation patronale ?
- Qui sont les entreprises concernées par cette « recommandation » ?
- Est-ce une obligation de l’appliquer pour ces dernières ?
À ces trois questions la jurisprudence suivante apporte trois réponses
1 / « Mais attendu que constitue une recommandation patronale une décision unilatérale d'un groupement ou d'un syndicat d'employeurs qui s'impose à tous ses adhérents ;
Et attendu que le conseil de prud'hommes, qui, analysant la déclaration litigieuse du 3 décembre 1996, a relevé que l'employeur avait reconnu être adhérent des organisations patronales l'ayant prise, qu'elle était intervenue après l'échec de tout accord entre les partenaires sociaux sur la question des salaires, qu'elle avait été diffusée à l'ensemble des entreprises adhérentes et que les termes utilisés étaient clairs et précis en ce qui concerne le montant de l'indemnité et les modalités détaillées de son versement, a exactement décidé qu'elle avait un caractère obligatoire et constituait une recommandation patronale » (Cass. soc., 29 juin 1999, n° 98-44348 BC V N° 308).
Notons que, dans l’histoire du droit social, de nombreux employeurs s’estimant d’une certaine manière piégés par leur organisation patronale, ont fait le choix de judiciairement contester l’applicabilité d’une recommandation obligatoire, ce qui laisse augurer l’arrivée de ce genre de litiges dans la plasturgie : « Ne donne pas de base légale à sa décision le Conseil de prud'hommes qui reproche à un employeur de ne pas avoir respecté une recommandation patronale portant sur une augmentation de salaire, sans rechercher si cette recommandation présentait pour lui un caractère impératif » (Cass. soc., 7 novembre 1985, n° 83-40501 BC V N° 520).
2 / Il est en effet nécessaire de respecter les conditions de la mise en œuvre de la recommandation patronale pour qu’elle puisse avoir force obligatoire : « Une Cour d'appel ne peut, pour écarter une recommandation émise par un syndicat patronal et invoquée par un salarié, se borner à indiquer qu'elle n'est pas obligatoire et qu'elle est laissée à l'appréciation du chef d'entreprise. Elle doit rechercher dans quelles conditions la Chambre syndicale a été amenée à faire ses recommandations et si celles-ci n'ont pas valeur d'accord minimum ou d'usage obligatoire » (Cass. soc., 3 juin 1981, n° 79-41876 BC V N° 503).
Sous réserve que la recommandation patronale obligatoire de la fédération de la plasturgie soit licite et opposable aux entreprises relevant de cette organisation, les entreprises concernées seraient, selon les propres termes fédéraux, uniquement les entreprises adhérentes des syndicats se revendiquant de la fédération de la plasturgie et des composites.
Toutes les autres entreprises ne sont pas concernées, soit la grande majorité de la filière plasturgie et composites et heureusement pour elles.
3 / Il est toutefois possible de juridiquement combattre le caractère contraignant d’une recommandation patronale qui serait présumée obligatoire : soit en démontrant une mise en œuvre irrégulière, soit par la voie de l’accord d’entreprise voire d’un accord de performances collectives.
S’il est exact que les salaires minimaux relèvent du bloc 1 des ordonnances Macron (primauté de la branche), cela ne concerne que les conventions/accords de branche (auxquelles il est toutefois possible de déroger par des accords d’entreprises ayant des garanties au moins équivalentes).
Or, une recommandation patronale (qui n’est pas un accord) a la valeur d’une décision unilatérale. Selon la hiérarchie des normes, un accord d'entreprise est toujours supérieur à une DU ou un usage. Il suffira juste que l’accord prévoit qu’aucune recommandation patronale ne soit opposable à l’entreprise.
L’alliance plasturgie & composites du futur Plastalliance se tient à la disposition de la filière pour les accompagner dans ce sens et préserver leur compétitivité notamment.