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21 / 05 / 2019 | 297 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Accord de performance collective : élargi ou ciblé ?

Le Café Social du 11 avril dernier organisé par Miroir Social en partenariat avec Oasys Consultants, CMS Francis Lefebvre Avocats et Secafi (groupe Alpha) aura été l’occasion d’illustrer les approches élargies ou ciblées de l’accord de performances collectives (APC) avec les témoignages de Plastalliance qui a déjà accompagné 17 négociations et d’une CFE-CGC vigilante.


« Les APC que nous accompagnons refaçonnent intégralement le cadre social de l’entreprise à la façon d’une convention collective. Intégrant des éléments liés au contrat de travail comme la rémunération, le temps de travail et la localisation géographique dans un cadre élargi permet en outre de déboucher plus facilement sur des contreparties réciproques », rapporte Joseph Tayefeh, secrétaire général de Plastalliance, qui a déjà accompagné la négociation de 17 APC (dont certains font plus de 70 pages) parmi ses adhérents. Le maintien dans l’emploi n’est pas le sujet. Les entreprises concernées, principalement des PME, se portent bien mais veulent augmenter leur productivité. Cela passe par la suppression des jours de carence pour réduire l’absentéisme et l’augmentation du temps de travail en négociant par exemple un contingent d’heures supplémentaires supérieur à celui prévu par la branche mais avec des heures majorées à 10 % au lieu de 25 %. Les salariés seraient ainsi gagnants car le volume d’heures supplémentaires dégagé compenserait avantageusement la baisse de la majoration. L’optimisation sociale est à l’œuvre pour permettre aux salariés d’augmenter leur pouvoir d’achat en jouant sur tous les leviers défiscalisés comme les paniers de nuit ou encore l’intéressement. Une approche élargie de l’APC que les entreprises adhérentes négocient le plus souvent avec les secrétaires des CSE mais parfois aussi avec des syndicats.

Levier d’harmonisation sociale

Dans les plus grandes entreprises, l’utilisation de l’APC se révèle, pour le moment, beaucoup plus ciblée. Notamment pour accompagner des réorganisations territoriales avec des déménagements à la clef. Mais l’APC révèle aussi des objectifs plus originaux. « L’APC peut être un levier d’harmonisation sociale, notamment dans des entreprises qui se développent par croissance externe. Au nom de la justice sociale, il devient possible de trouver une majorité de signataires sans nécessairement de contreparties à la clef. Nous avons ainsi accompagné un APC qui visait à harmoniser la politique d’attribution des treizièmes mois au sein d’un groupe. Dans la même logique, l’APC est particulièrement adapté pour aligner les dispositifs des rémunérations variables », souligne Nicolas de Sevin, avocat associé de CMS Francis Lefebvre Avocats Paris, qui se montre en revanche circonspect sur une approche élargie de la démarche comme la décline Plastalliance. « Nous avons déconseillé l’APC à un client qui voulait s’en servir pour harmoniser les clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de travail. Le lien avec la rémunération n’est en effet pas évident. C’était, à notre sens, une source d’insécurité juridique », poursuit Nicolas de Sevin.

Pas seulement des contreparties financières

Tous les intervenants du café social se sont accordés sur le fait que l’APC n’était pas le bon levier pour alléger les effectifs et qu’il ne fallait pas le confondre avec un PSE ou une RCC. « L’APC vise d’abord à accompagner des changements organisationnels », considère Patrick Taler, associé du groupe Alpha, en rapportant le cas d’un APC lié à un déménagement où 95 % des salariés ont suivi le mouvement. Pour les salariés, il s’avère que les contreparties ne sont pas exclusivement financières. « Des éléments liés à l’amélioration de la QVT ou encore à l’équilibre entre la vie privée et professionnelle comme le télétravail, le temps choisi ou le compte épargne-temps s’intègrent de plus en plus dans les accords. L’APC est en outre particulièrement adapté aux entreprises où le collectif du travail a vraiment un sens, où l’on ne fonctionne pas sur un mode d’entrées et de sorties permanentes », ajoute Patrick Taler qui trouverait plus juste que l’on parle d’accord de performance partagée pour caractériser le donnant-donnant de l’exercice.
 

À charge pour la direction et pour les représentants des salariés de faire passer le message. Gilles Amiet, directeur associé du cabinet de reclassement OasYs Consultants, insiste sur le volet communication associé à l’accord : « Le préambule de l’APC doit être approfondi pour que les salariés puissent saisir le sens général de la démarche et les différences par rapport à un PSE, une RCC ou une GPEC. Autant de sémantiques légales qui n’ont pas grand sens pour une grande majorité des salariés. Il convient ensuite de bien expliquer le processus de mise en œuvre et, naturellement, les conséquences du projet sur l’organisation du travail, la rémunération et tous autres éléments affectant le pouvoir d’achat et l’équilibre de vie professionnelle et personnelle ». Quid de l’accompagnement des salariés qui refusent que l’on touche à leur contrat de travail et qui sont dès lors licenciés ? Selon Gilles Amiet, « il est désormais admis que l’employabilité passe aussi par l’externe. Il y a ainsi de moins en moins d’entreprises où la GPEC reste circonscrite à la seule mobilité interne. La notion d’emploi sensible ou menacé est de moins en moins un tabou. L’acceptabilité sociale d’un APC sera donc renforcée par des mesures prévoyant l’accompagnement externe des salariés, même si la loi ne prévoit pas de congé de mobilité ».

Remise en cause de certains avantages obtenus par les cadres ?

Rémunération, temps de travail etc. sont autant de composantes importantes du contrat de travail des cadres qui alertent la CFE-CGC. « Il faut que les représentants des salariés soient capables d’assumer la liberté qui va avec cette forme de négociation », prévient Gilles Lecuelle, secrétaire national CFE-CGC en charge du dialogue social, qui voit certes dans les APC l’occasion d’un « diagnostic partagé sur la stratégie » mais aussi le risque d’une « remise en cause, au nom du collectif, de certains avantages obtenus par les cadres sur leur contrat de travail ». Un point de vigilance majeur pour le syndicat.

Non référencés sur la base de Légifrance car susceptibles de révéler des recettes secrètes d’organisation et de productivité, les APC trouvent manifestement un écho certain dans les entreprises. Selon le dernier chiffre du Ministère du Travail, 170 accords seraient au compteur.
 

Retrouvez le compte tendu de notre Café Social du 24 janvier >