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25 / 10 / 2018 | 1092 vues
PASCAL DELMAS / Membre
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Accords de mise en place des CSE et de « dialogue social » : petit illustré (suite) de la réalité actuelle

La réalité du dialogue social tel qu’il est affecté (ou non) par les réformes qui s'échelonnent depuis trois ans (notamment depuis les « ordonnances » de fin 2017) est un véritable « feuilleton » (au sens narratif du terme) au fur et à mesure que directions et organisations syndicales (tant au niveau de la « base » que des « appareils ») appréhendent et commencent à découvrir la transformation profonde induite par la mise en « primauté » de la négociation d’entreprise dont l'un des premiers exercices tangibles est la négociation sur la mise en place du CSE.

Fin août dernier (voir notre article publié notamment sur Miroir Social ou sur notre site internet), nous avions établi un petit aperçu comparatif et critique d’une douzaine d’accords choisis relatifs à cette négociation d’un nouveau type et à la façon dont chacun des partenaires sociaux se saisissait (ou non) de cette « obligation » (transformer les IRP entre début 2018 et fin 2019 via la mise en place du CSE, en sachant qu’une grande partie des négociateurs avaient et ont préféré repousser les élections à 2019).

Nous avons complété notre regard par un certain nombre d’accords publiés depuis ou qui nous ont interpellés par leur contenu ou leur médiatisation.

Outre les 12 accords déjà scrutés (voir notre article susmentionné), nous avons souhaité :

  • voir si nous pouvions confirmer, infirmer ou nuancer ou pas nos premières analyses et en dégager des grandes tendances ;
  • essayer de relever des aspects qui nous paraissent innovants (ou des spécificités remarquables) ;
  • tenter d’esquisser ce que nous pourrions appeler un « portrait-robot » d’un accord de mise en place du CSE.

Par choix pragmatique et au fruit de nos expériences, nous nous sommes particulièrement intéressés au suivi de certains thèmes des accords examinés lequels nous ont paru intéressants dans un début d’analyse comparative (qui n’a aucune prétention statistique à cet effet) comme notamment :

  • la volonté des parties et le préambule (n’oublions pas qu’en droit civil, art. 1188 du code civil, « Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation », la commune intention des parties à un contrat est essentielle) ;
  • si l’accord sur la mise en place du CSE est englobé ou non dans d’autres dispositifs liés, par exemple, à la représentation ou au droit syndical, à la révision d’anciens accords dits « de dialogue social » devenant partiellement ou totalement caducs avec le CSE ;
  • la durée de l’accord (le choix de la durée, les clauses de revoyure) est importante dans le cadre d’un nouveau dispositif que les parties commencent à découvrir et qui ne ressemble pas aux modes et cadres de négociation antérieures ;
  • l’ampleur de la négociation (le développement plus ou moins important de certains objets de l’accord, l’absence d’autres…), voir si l’accord sur le CSE est au niveau ou non de la « nouvelle donne » promise par les ordonnances ;
  • les termes choisis pour concrètement mettre en place :
    • les commissions de santé, sécurité et conditions de travail (dans les établissements de 300 personnes et plus),
    • les représentants de proximité (quand il y a plusieurs établissements),
    • l’accès et les modalités afférentes aux trois consultations (dites) récurrentes,
    • la qualité de l’information fournie (la BDES),
    • les moyens spécifiques (au-delà des heures de délégation supra-légales ou du nombre de postes de titulaires au CSE), comme par exemple le sort réservé aux suppléants, les moyens supplémentaires relatifs aux formations, aux expertises etc.

En complément de notre première analyse, nous avons donc examiné et comparé 9 autres accords fin septembre 2018, suivant les critères définis ci-dessus :

  • IBM, Norauto, Mediapost, France Télévisions, ZAFP, Synergie, Terrena, Llly France et FNAC Darty.

Les grandes tendances

A.   Sur la nécessité de nommer et déterminer les acteurs du dialogue social : la tentation de la confusion entre instances (notamment par l’apparition des « représentants de proximité » ou le rôle exact de la commission de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT).

Quelques illustrations des risques et des confusions portées

  • « Les projets d'évolution des implantations des collaborateurs qui n’entraînent pas des modifications des conditions de santé, sécurité ou conditions de travail ne sont pas considérés comme des projets importants et sont donc instruits par les représentants de proximité (RP). Lorsqu'un sujet a été délégué (par le CSE) soit à la CSSCT soit aux RP, ce sujet n'est pas de nouveau traité en réunion plénière du CSE qui donne un avis sur la base des comptes-rendus de la CSSCT ou des RP. Ponctuellement, les RP pour les projets importants d'aménagement des postes de travail instruisent le projet et font des recommandations transmises au CSE qui doit donner un avis sans de nouveau instruire le dossier sur la base du compte-rendu des RP » - accord AXA juin 2018.
  • Mise en place d'un « principe d'organisation qui prévoit que lorsqu'un sujet est délégué par le CSE à une commission, il n'a pas pour vocation d'être traité en séance plénière - accord Maif avril 2018.
  • « Les représentants de proximité seront chargés d’assister les membres du comité social et économique dans l’exercice de leur mission, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail » - accord PSA Retail France mars 2018.
  • L’accord FNAC Darty de septembre 2018 porte un chapitre intitulé « acteurs en matière de SSCT ». À ce titre, une nouvelle forme de représentants de proximité spécifiques est créée à côté des RP « classiques » : des représentants de proximité santé, sécurité et conditions de travail (RPSSCT) dans les magasins (soit quatre RPSSCT dans les magasins de plus de 100 salariés et un RPSSCT dans les autres magasins) sont appelés à aussi être des « acteurs » de santé et sécurité. Les « autres » représentants de proximité sont chargés de présenter les réclamations individuelles ou collectives aux représentants de l'employeur. De plus, le cas échéant, par délégation du CSE, ils gèrent les activités sociales et culturelles de leur site d’affectation (avec donc un RP trésorier).

B. La place des suppléants (faute d’accord, non présents lors des réunions de CSE)

  • « Un membre suppléant de la délégation du personnel par syndicat représentatif peut participer aux réunions du CSE. Ce membre peut être différent d’une réunion à l’autre au libre choix de chaque organisation syndicale. Il participera aux débats sans droit de vote » - accord Canon, avril 2018.
  • « Chacune des réunions mensuelles (8 à 12 par an) est précédée d’une réunion préparatoire d’une journée au maximum, partiellement ouverte aux élus suppléants. En effet, chaque syndicat peut faire participer des élus suppléants à ces réunions, deux fois par an, « afin de leur permettre de se familiariser au fonctionnement de l’instance » - accord Total, juillet 2018.
  • L’accord Naval Group de juillet 2018 introduit une disposition atténuant la rigueur de la règle (pas de suppléant en réunion de CSE) et prenant en compte la connaissance détenue par certains suppléants des sujets à l’ordre du jour. Les suppléances peuvent ainsi remplacer un titulaire sur une partie de la réunion plénière.
  • Les suppléants participent à la première réunion de mise en place du CSE après les élections ainsi qu'aux réunions de consultation sur la stratégie, PSCTE et la situation économique - accord Terrena, juillet 2018.

C. Sur la formation des IRP

  • Les RP bénéficient des mêmes formations que les membres des CSE en matière de formation légale (5 jours, voire 6 en usine) en matière de SSCT - accord Total susmentionné.
  • Dans un objectif « de progression de la qualité du dialogue social dans l’entreprise, la direction propose de dispenser en interne aux membres du CSE des informations / formations utiles à la compréhension du fonctionnement de l’entreprise et de l’établissement de rattachement au cours de la première année de leur mandature. Des compléments d’informations ou mises à jour de formation pourront être apportés et dispensés jusqu’à la fin des mandats ». Spécifiquement pour le siège, une formation sur les rôles et attendus des différents métiers est prévue. le secrétaire et le secrétaire adjoint en charge des questions de santé, de sécurité et des conditions de travail au sein du CSE pourront bénéficier de deux jours complémentaires de formation. À titre supra-légal, les représentants syndicaux bénéficieront de deux jours de formation « santé, sécurité et conditions de travail ». Le coût de la formation sera financé par l’entreprise » - accord Lilly France, juillet 2018.

D. Représentants de proximité : novation, dangers et opportunités

Voir notre article précédent « Les représentants de proximité : derrière les mots, quelle réalité ? », mai 2018.

  • « La nouvelle organisation des IRP inclut, à titre expérimental, la mise en place de représentants de proximité au sein de chaque établissement distinct (…) 90 représentants de proximité. Élus parmi les membres titulaires ou suppléants du CSE. Ils doivent veiller à ce que les problématiques de terrain en matière d'organisation et de conditions de travail soient traitées au bon niveau et avec efficacité. Ils sont force de proposition auprès des managers pour améliorer les conditions de travail » - accord Naval Group susmentionné.
  • « Les représentants de proximité d’un établissement se réunissent périodiquement, au sein d’une commission de proximité créée par l’accord, afin notamment d’aborder avec la ligne managériale les questions, projets ou sujets collectifs relevant de leur champ. Les commissions de proximité incluent des représentants du management et de la fonction de RH » - accord Renault, juillet 2018.
  • « Une « commission d'application des textes » composée de 15 membres élus du CSE se réunit au moins six fois par an. Elle présente les réclamations individuelles et collectives et s'occupe de protection sociale et de respect des accords ». L’accord MAIF précité prévoit également la création d'une autre commission « d'examen des situations individuelles » se réunissant une fois par an. Enfin, le plus étonnant est que l’accord indique que les organisations syndicales doivent désigner des RP dont 5 critères comportementaux dont « rigueur, fiabilité, polyvalence, écoute, diplomatie, sens du contact, capacité d'analyse et de synthèse, efficacité et légitimité professionnelles ».
  • « Les RP  visent à relayer les préoccupations et priorités des collaborateurs ». Ces représentants sont désignés par les membres titulaires du CSE. L’accord fixe les règles de répartition des mandats de représentants de proximité entre les syndicats, en assurant une place aux syndicats présents au premier tour des élections mais restés non représentatifs. Les représentants de proximité sont désignés pour être le relais des collaborateurs pour toute réclamation individuelle ou collective relative à la réglementation du travail. Ils participent aux inspections et visites de centres relevant de leur secteur, aux enquêtes en cas d’atteinte aux droits des personnes et de danger grave ou imminent. Tous les deux mois, ils rencontrent un interlocuteur de la direction de leur secteur afin d’échanger sur des thématiques relevant de leurs attributions... Le représentant de proximité bénéficie de la formation « santé-sécurité » de cinq jours prévue par le Code du travail, au même titre qu'un membre de CSSCT - accord Norauto, juillet 2018.
  • « La CSSCT et les représentants de proximité ont un rôle majeur à jouer sur le terrain au plus près des situations de travail et des salariés. En vue de faciliter la synergie entre ces deux fonctions, les représentants de proximité pourront participer à la réunion préparatoire précédant chaque réunion de la CSSCT et être éventuellement sollicités pour la CSSCT et la réunion plénière du CSE en fonction des sujets traités, avec l’accord du président. » - accord IBM, juin 2018.
  • « Les représentants de proximité ont pour vocation de traiter les problématiques liées au travail, aux conditions de travail, d’emploi, de formation, de santé et de sécurité au travail au plus près du terrain. Le rôle du représentant de proximité au sein des établissements est de valoriser les responsabilités syndicales, de permettre le rapprochement des représentants du personnel des salariés qu’ils représentent tout en favorisant le dialogue au sein même du lieu pour lequel il est désigné ». Un récapitulatif du traitement de ces réclamations recueillies par les RP sera partagé lors de la réunion plénière du CSE suivant. Ce fonctionnement nouveau a pour vocation d'améliorer le traitement de ces situations qui existent forcément dans une grande entreprise et qui doivent aussi permettre d’optimiser les réunions du CSE. Sur demande de la CSSCT, il peut être invité aux inspections et visites de santé et sécurité sur l’établissement dont il dépend » - accord IBM susmentionné.
  • Le RP est qualifié d’« interlocuteur des responsables locaux pour la remontée et la résolution des problèmes quotidiens des sites ». Le RP n'est pas membre du CSE et sa mission est définie en 4 domaines (traitement des difficultés collectives ou individuelles du site, promotion de la SSCT, réalisation des analyses des situations de travail et « relais de la communication sur l'hygiène et la sécurité ») - accord Mediapost, avril 2018.
  • Il faut relever la mise en place d'un accord spécifique, principalement aux représentants de proximité (accord France Televisions de mars 2018) où ceux-ci « sont chargés par délégation du CSE de toutes les questions nécessitant un traitement local ou de proximité, y compris en matière de SSCT dans leur périmètre géographique ». Ils disposent des mêmes formations que les membres du CSE. Ils sont en charge notamment de procéder à l'analyse des risques professionnels, de contribuer à la prévention des RPS, de faciliter l'accès des femmes à l'emploi, d'instruire le droit d'alerte locale et de participer aux enquêtes avec un membre du CSE ou de la CSSCT ». Cet accord met en place une « instance de proximité » avec désignation d'un secrétaire et fixation de ce qui ressemble à un ordre du jour (sujets à traiter) avec possibilité pour l'employeur d'y ajouter ses propres points. Le secrétaire informe le CSE des actions des RP. Une réunion mensuelle avec « relevé de conclusions » établi par l'employeur et transmis au CSE est prévue ».
  • L'accord de groupe Terrena susmentionné renvoie à des accords d'entreprise ou d'UES sur la pertinence d'installer des RP. Ces accords doivent déterminer le périmètre, les missions, les modalités de fonctionnement et l'interaction entre RP et les autres IRP.

Innovations ou spécificités remarquables

Transparence et architecture de la BDES conçue comme instrument principal du dialogue social et du fonctionnement du CSE

Insérer les conditions de travail et la santé-sécurité–conditions de travail (SSCT) comme éléments du dialogue social au même titre que la stratégie de l’entreprise et les aspects économiques et financiers.

Former les directions (acteurs locaux) et représentants du personnel au-delà des impératifs légaux.

Déterminer les règles de « bonne gouvernance » du CSE, organe nouveau qui ne doit pas, selon nous, être abordé comme une « fusion » des IRP précédents mais bien comme une institution nouvelle dont le cadre de fonctionnement doit être négocié complètement.

Donner de vrais moyens au CSE ou à sa délégation (la CSSCT quand elle existe) afin de vraiment lier étroitement les relations entre stratégie-aspects financiers économiques et financiers et emplois et santé-conditions de travail dans le travail même de cette nouvelle institution.

  • Les projets de réorganisation structurants doivent faire l'objet d'une présentation comprenant notamment un diagnostic d'efficience, les conséquences en termes de RH, notamment les mesures de prévention des RPS, un rappel sur le processus suivi pour impliquer le personnel concerné - accord Naval Group susmentionné.
  • « La direction s’engage à aller au-delà des dispositions de l'article R. 2312-9 du Code du travail et s'engage à poster les documents suivants dans la BDES : accords d’entreprise applicables, rapports d’expertise rendus dans le cadre des trois grandes consultations et dans le cadre de situations exceptionnelles, présentations faites en CSEC dans le cadre des 3 grandes consultations, présentations et comptes-rendus des commissions de suivi des accords d’entreprise : GPEC, égalité professionnelle, QVT etc. » - accord IBM susmentionné.
  • « L’accord crée une commission « complémentaire », réunie deux fois par an et dont des élus suppléants du CSE peuvent faire partie, chargée de suivre l’avancement des projets numériques et de transformation » - accord Norauto susmentionné.
  • « La mise en place du CSE est reconnue comme modifiant considérablement les pratiques de dialogue social et cette négociation est l'occasion d'une refondation du dialogue social ». Ces dispositions figurent dans un premier accord de méthode signé en mars 2018 (accord Terrena susmentionné) pour négocier. L'accord détermine en annexe les sujets de négociation par niveaux (groupe, BU, UES et entreprises). Il traite des négociations et du rôle et moyens des DSC et de l'articulation négociations de groupe-négociations d'entreprise. Il indique également la place de l'encadrement dans le dialogue social. Il prévoit des formations spécifiques à la présidence des CSE et au dialogue social. Le nombre de mandats successifs passe de 3 à 5. Cet accord renvoie à des annexes nombreuses (supports entretiens professionnels des IRP, bons de délégation, contenu des négociations locales éventuelles, contenu de la BDES et contenu des éléments pour PSCTE) à l'accord pouvant être mises à jour sans négociation ou révision), ainsi qu’un lexique des abréviations utilisées. Enfin, il met en une « bibliothèque unique de référence » (BDES enrichie) avec les éléments transmis aux délégués syndicaux lors des négociations, les informations remises lors des réunions avec consultations ponctuelles (projets importants). Une BDES « supplémentaire » est mise en place au niveau du groupe.
  • L’accord Lilly France susmentionné dit vouloir « conserver un mode de fonctionnement permettant des temps d’échanges spécifiques pour les différents sujets à traiter. Le présent accord est conclu dans l’esprit de la réforme, pour disposer sur chaque établissement d’une instance unique efficace animée par des élus bénéficiant d’une formation robuste, plus complète qu’auparavant, et ayant une vision plus globale de l’entreprise, de sa stratégie et de ses enjeux ». Il prévoit une définition large et précise de la BDES et de ce que doit comporter la consultation récurrente sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi (PSCTE), en 5 thèmes. À titre supra-légal, la prestation de l’expert du CSE sur PSCTE se déclinera en deux expertises dites « ressources humaines » : une première expertise au cours du deuxième trimestre et une seconde expertise au cours du dernier trimestre. Deux expertises PSCTE par an sont prises en charge par la direction et portent notamment sur « l’analyse des ajustements organisationnels (effectifs concernés, par activité, et par nature : modification des horaires ou réorganisation de l’activité par exemple) ».  Sur la partie économique et financière, à titre supra-légal, la prestation de l’expert se déclinera en deux expertises (prévisionnels, résultats, productions…) La consultation stratégique a lieu une fois par an « sans regroupement avec les consultations sur la situation économique et financière de l’entreprise ou la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi (ces trois consultations continueront par conséquent d'être traitées distinctement) l’accord prévoit un contenu élargi de la BDES avec des tendances, des fourchettes, des commentaires… Il prévoit une information-consultation spécifique annuelle sur la mise à jour de la cartographie des métiers. De plus, le CSE est consulté au premier trimestre sur la dimension pluriannuelle de la formation, puis au deuxième trimestre sur la répartition de la taxe d’apprentissage, puis sur le bilan social pour la France, puis est invité à rendre un avis global sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, au deuxième trimestre.
  • En l’absence de RP (en fonction de la géographie sociale de l’entreprise), la mise en place d’une commission réclamations individuelles et collectives (RIC) composée de membres titulaires ou suppléants du CSE, sans nombre déterminé, peut aussi être prévue. Les points transmis par les membres de la commission de réclamations individuelles et collectives (RIC) peuvent être annexés à l’ordre du jour des réunions du CSE et devront être portés à la connaissance de la direction par ce dernier deux jours ouvrables au plus tard avant la date de la réunion de fixation de l’ordre du jour. Les débats portant sur les points relayés par la commission de réclamations individuelles et collectives, ainsi que les réponses apportées par la direction ou son représentant figurent, de manière distincte, au sein du procès-verbal de la réunion - accord AFP, juillet 2018.

Sur la gouvernance du CSE

  • « Le CCSE (comité central social et économique) comprend 20 titulaires et 20 suppléants, élus pour une durée de quatre ans. Les suppléants de l’instance, contrairement à ceux de CSE, assistent aux réunions. Par ailleurs, l’accord insiste sur le rôle « crucial » du bureau du CCSE qui réunit des représentants de l’employeur, le secrétaire et ses adjoints. Ce bureau, réuni régulièrement par la direction, est informé, et partage avec elle sur l’environnement et les enjeux de l’entreprise et leurs évolutions prévisibles. Il peut aussi être réuni pour information sur des sujets n’ayant qu’une faible incidence, notamment au niveau social, et peut, s’il le juge nécessaire, demander à la direction d’évoquer le sujet en cause en CCSE. Il est enfin impliqué en amont, sur d’autres projets, afin d’en être informé et d’évoquer avec la direction le processus d’information ou d’information-consultation du CCSE à mettre en œuvre » - accord Renault susmentionné.
  • « Le fonctionnement du CSE est notamment assuré par un bureau de six élus, avec un secrétaire, deux secrétaires adjoints, un trésorier et deux adjoints. Le bureau est désigné par les élus titulaires du CSE » - accord Norauto susmentionné.
  • Quatre réunions trimestrielles voient leur objet déterminé par l'accord (femmes enceintes, handicapés, formation et conditions de vie) - accord Lilly France susmentionné.

Sur les aspects de santé, sécurité et conditions de travail

  • « Une fraction des membres de la CSSCT peuvent être choisis en dehors des membres du CSE (proportion de 1 sur 3,  3 sur 5 et 6 sur 8) ». Les modalités de fonctionnement de la CSSCT sont définies par chaque règlement intérieur de CSE - accord Bouygues, mars 2018.
  • Une CSSCT est mise en place dans tous les établissements de 50 personnes au lieu du seuil légal de 300. Il reste possible de négocier la mise en place de CSSCT supplémentaires en fonction des besoins locaux en termes de prévention. Les membres des CSSCT sont issus des CSE titulaires ou suppléants, avec une recommandation de proportionnalité entre les sexes : 3 à 6 membres en fonction de l'effectif + par voie d'accord d'entreprise 2 « partenaires ou associés SSCT » choisis au sein du personnel non membre du CSE, par vote du CSE (avec président) ont voix consultative à la CSSCT mais ne participent pas au CSE. Même crédit d'heures que les membres de la CSSCT, pas de statut protecteur d'IRP - accord Terrena susmentionné.
  • Il peut être prévu (accord Lilly France susmentionné) que « ne seront pas déduit des heures de délégation mensuelles : le temps consacré aux enquêtes menées après un accident du travail grave ou des incidents répétés révélant un risque grave, le temps consacré à la recherche de mesures préventives dans une situation d’urgence et de gravité menant à mobiliser la procédure d’alerte danger grave et imminent, le temps des réunions préparatoires et, pour les membres de la CSSCT : le temps passé pour effectuer le travail individuel ou collectif qu’elle peut impliquer, en dehors même de toute réunion à proprement parler ». En outre, cet accord prévoit que « les questions d’hygiène, bien que non mentionnées comme entrant dans le champ de compétences du CSE, pourront être traitées si le règlement intérieur du CSE le prévoit ; elles le seront dans ce cas au sein de la CSSCT ». De plus, « les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail doivent pouvoir être amenées dans chaque réunion de CSE et méritent un fonctionnement permettant leur traitement de manière réactive. La périodicité potentiellement mensuelle des sujets de « santé, sécurité et conditions de travail » permettra de traiter, peu de temps après leur survenue, les accidents ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves, les événements graves liés à l'activité de l'entreprise, ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement. Toutefois, si dans les deux hypothèses précisées ci-dessus, l’urgence d’aborder le point en CSE était telle qu’il soit nécessaire, pour en discuter en temps utile, de réunir le CSE à une date plus avancée que la date initialement prévue pour la réunion mensuelle du CSE, une réunion de CSE extraordinaire sera organisée à l’initiative de l’employeur ».

« Portrait-robot » d’un accord de mise en place du CSE

Sous forme de « portrait-robot »,nous avons tenté d'esquisser un accord de mise en place de CSE en mettant en lumière des éléments propres, selon nous, à faire avancer le dialogue social.

Cependant, il faut admettre, au vu de nos lectures portant sur d’autres accords que les 21 analysés dans notre étude, que bien loin du but affiché par le législateur de faire du CSE l’emblème d’un dialogue social au plus près des besoins des entreprises, que les partenaires sociaux, de part et d’autre, ont voulu généralement :

  • négocier (alors qu’il faut rappeler que rien n’oblige à cette négociation) en s’adossant à leurs pratiques antérieures. Il est généralement plus simple de reproduire les schémas antérieurs par exemple :
    • en faisant des « représentants de proximité » des ersatz de délégués du personnel ;
    • en mélangeant parfois dans le même accord des dispositifs sur les représentants du personnel (en surnombre dans les grandes entreprises ou ETI du fait de la diminution du nombre de mandats, leur carrière et leur évolution) et CSE.
  • négocier parce qu’il y avait des usages ou accords de fonctionnement du CE ou de dialogue social rendus caduques ou inopérants par les ordonnances de 2017 ;
  • négocier afin de faire œuvre pédagogique auprès des salariés eux-mêmes qui vont être appelés à voter pour leurs représentants alors que ceux-ci peuvent avoir du mal à saisir toute l’ampleur de la transformation (élargissement de leur mandat, intégration des modes d’élaboration des listes électorales depuis la loi Rebsamen etc.) ;
  • ceci sans pourtant (à quelques exceptions près) réfléchir à la « systématisation » : l'accord le plus abouti, à nos yeux, est celui signé le 30 avril 2018 à la MAIF « accord relatif à la transformation des IRP et à l'exercice du droit syndical » ou il est stipulé que « l’architecture de ce modèle de représentation du personnel est conçue comme un ensemble dont chaque partie participe, à son niveau, à la cohésion et au dialogue social » du dialogue social.

En conclusion à ces observations, nous pensons :

  • qu’un accord de mise en place du CSE doit faire partir d’une vraie stratégie concertée entre directions et organisations syndicales, bien en amont des négociations « classiques » de protocoles pré-électoraux (dits PAP) ;
  • qu’un état des lieux du dialogue social (comprenant le fonctionnement réel des institutions représentatives du personnel (DS, RS, DP, CE, CHSCT et DUP) doit être réalisée des deux côtés ;
  • qu’il est souhaitable, pour les deux parties, de partir du besoin social à court/moyen terme de l’organisation du travail concerné (clarifier la notion d’établissement distinct, par exemple) à venir en prenant en compte que le CSE n’est absolument pas un instrument ayant « fusionné » CE+DP+CHSCT ;
  • qu’il faut comprendre que les quatre prochaines années (à quelques exceptions près, la durée légale maximale de quatre ans n’est pas remise en cause) vont révéler les nouvelles pratiques du dialogue social en fonction de la vie de l’organisation qu’il doit irriguer concrètement. De ce fait, le fait de se laisser le temps d’expérimenter, de prévoir des dispositions les moins rigides possibles (y compris dans la rédaction du règlement intérieur du CSE) nous paraissent indispensables ;
  • qu’il ne faut pas reproduire (ce qui est le penchant naturel face à l’inconnu) les schémas antérieurs : la commission de santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) n’est pas le CHSCT, les représentants de proximité ne sont pas les délégués du personnel, l’information consultation sur la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail devient un élément essentiel du dialogue social et n’est pas une consultation « par défaut »).

Ainsi, il nous semble délicat de comprendre (accord Axa du 14 juin 2018) que la « commission SSCT ne puisse intervenir dans le champ des compétences des représentants de proximité ». À l’inverse, prévoir pour un échelon de représentation de proximité (efficace et réactif) des dispositifs permettant « d’échanger sur des problématiques sociales, ponctuelles, de terrain » - accord Canon France du 30 avril 2018 dans un cadre « restreint et informel » nous paraît intéressant.

  • qu’il est nécessaire d’établir des accords différenciés suivant les objectifs recherchés (modalités/moyens de fonctionnement du CSE, droit syndical, carrière des élus ou anciens élus) et des conditions claires de retour sur expériences (accord à durée déterminée de préférence ou à durée indéterminée avec des clauses efficaces de revoyure. Voir en ce sens l’accord FNAC Darty susmentionné qui prévoit que « le présent accord pourra être révisé pendant sa période d’application au cas où ses modalités de mise en œuvre n’apparaîtraient plus conformes à l’intention commune des parties ou s’il s’avérerait nécessaire d’en compléter les dispositions »).

Les prochains mois nous donneront l’occasion d’enrichir nos observations afin de pouvoir continuer (de façon prospective et indépendante) d'animer les réflexions des parties à la négociation.

Afin de poursuivre le débat et pour tout renseignement complémentaire, réaction ou remarque, nous vous invitons à nous contacter.

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