Organisations
De l'(in)utilité des expertises CHSCT ?
Dans un article du 27 octobre 2016, Nicolas Spire, sociologue du travail chez Aptéis justifie et explique cette alerte publique :
- la gravité de la situation ;
- une analyse partagée des causes de cette situation : à son origine, un rythme extraordinairement important des réorganisations et une déconnexion complète entre les motifs de ces réorganisations (comptables et économiques) et la réalité du travail ;
- un déni ou un aveuglement des directions face aux expertises et aux recommandations formulée suite à ces dernières.
Au regard de sa propre expérience (entre 30 et 40 salariés rencontrés sur 3-4 ans et 200 entretiens), il constate qu’un tiers ou un quart des gens tient le même discours négatif sur cette situation et considère que c’est une forme de responsabilité sociale de dire publiquement les choses. Il remarque, par ailleurs, que les CHSCT ont très vite joué leur rôle de caisse de résonance des remontées du terrain sur les problèmes du travail mais que cette instance a rapidement assez mal fonctionné du point de vue de l'esprit du code du travail. Beaucoup de directions ont appréhendé le CHSCT comme un empêcheur de tourner en rond et un retardateur de projets et n'ont pas considéré l'opportunité qu'il y avait d'échanger au sein du CHSCT sur la réalité du travail vécu dans l'entreprise et les façons d'améliorer l'organisation. Ce jeu n'ayant pas été joué, aujourd'hui les CHSCT seraient selon lui dans une crise de fonctionnement. Alors les uns et les autres en font un lieu de confrontation et cela tourne parfois au rapport de forces un peu stérile car les CHSCT ne réussissent pas à peser sur l'organisation du travail.
C’est ainsi que les cabinets d’expertise ont été amenés à refuser d’entrer dans un cercle vicieux de demandes d'expertise alors que certaines expertises ont déjà eu lieu précédemment pour les mêmes problèmes. Il apparait également que, face à cette situation bloquée, la demande des élus se justifient parfois pour embêter le patron et gagner 2 ou 3 mois sur la mise en place de la réorganisation.
Apparent déni des directions, impuissance des CHSCT et inutilité des expertises pourraient résumer cette alerte et les sombres constats à charge qu'il nous fait partager.
En est-il de même dans la fonction publique d’État ?
Les derniers textes parus permettent-ils d’autres issues ? Les chefs de services ou d’établissement ont-ils plus de marges de manœuvre que dans le secteur privé ? Quel véritable rôle de médiation les inspecteurs de santé et sécurité au travail peuvent-ils jouer ?
Enfin et surtout, au regard des constats de Nicolas Spire, l’expertise CHSCT est-elle aujourd'hui obsolète quand on voit le sentiment d'échec de cette démarche vis-à-vis des conditions de travail ? Considérant leur vaste champ de compétences, les comités techniques ne pourraient-ils pas en bénéficier, ce qui légitimerait leurs actions vis-à-vis des conditions du travail ?
(*) Aptéis, Aristée, Cedaet, Eretra, Ergonomia, Indigo Ergonomie, Odyssée, Social Conseil.
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