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Thales : le difficile apprentissage de la communication négative sur la santé au travail
De la crédibilité d’une communication exclusivement positive, dans laquelle il n’y a pas de place pour la nuance. Nier les difficultés, serait-ce une attitude mature ?
Une relation de confiance ne s’installe pas sur un discours positif à sens unique mais sur la reconnaissance ouverte des défaillances et la prise en compte ouverte et active des retours.
À Thales, pas d’information ou de communication des directions sur ce qui ne va pas, y compris et surtout sur la santé de ses salariés. C’est un principe intangible et vérifié tous les jours sur le terrain.
Quant aux 2 % qui ne vont pas bien (pas bien du tout), ceux-là ont totalement disparu de la communication
Il aura fallu 4 ans pour mener à bien le dernier diagnostic sur la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux au sein de Thales communications & security, filiale de Thales de plus de 7 000 salariés. Les conclusions du rapport font état d’un bilan de la santé psychologique au travail des salariés. Dans les communications faites aux comités de direction, aux CHSCT et à destination de l’ensemble des salariés, on n’a jamais oublié de préciser que, d’après l’étude, 88 % des salariés se portent bien. Le cabinet qui a réalisé le rapport, présentant des gages de sérieux, rien ne permet d’en douter. Les 10 % qui ne sont pas en très bonne santé sont évoqués, plutôt discrètement. Quant aux 2 % qui ne vont pas bien (pas bien du tout), ceux-là ont totalement disparu de la communication.
À croire que le but réel de cette démarche était d’établir qu’une large majorité des salariés se porte bien. Pourtant une vraie démarche de prévention devrait se donner pour 1er objectif de faire en sorte que justement, il n’y ait plus de salariés en très mauvaise santé psychologique.
Dans ces conditions, il est extrêmement difficile de mettre en place une prévention sérieuse en matière de risques psychosociaux et surtout de prévenir les trop nombreuses situations de souffrance qui aboutissent de plus en plus souvent à des suicides.
- Imaginez l’efficacité d’une prévention des accidents de la route uniquement basée sur la communication des bons principes de conduite, avec zéro statistique ni aucune information sur les accidents et leur gravité.
Récemment, entre juillet et novembre, quatre suicides se sont produits concernant des salariés d’unités de Thales en région parisienne ou proche. L’un d’entre eux s’est déroulé sur le lieu de travail. Dans tous les cas, les communications des directions concernées ont été réduites au strict minimum, c’est-à-dire à l’entourage professionnel immédiat des suicidés. À chaque fois, les constats sont les mêmes : refus quasi-systématique de communiquer à une échelle plus large, faisant fi des recommandations des inspecteurs du travail, tentatives de censurer par tout moyen le mot « suicide ». Propositions d’enquêtes « paritaires » alors que sont opposés systématiquement le refus de communication de tous éléments utiles, notamment aux CHSCT concernés, des freins de toute nature, le rejet des expertises qui peuvent être lancées par les CHSCT et de leurs conclusions, quand elles peuvent être menées et aboutir à un rapport. Pressions sur tous ceux, personnes physiques, qui tenteraient d’élargir le message, y compris sur des représentants du personnel et d’organisations syndicales.
C’est ainsi que pourraient commencer les séries dramatiques qu’on ne peut que redouter : faut-il revenir sur des exemples d’entreprises célèbres qui n’ont pu évoluer favorablement qu’avec un changement profond de style de comportement, de communication et surtout de management ? Alors une dernière question : combien de « décès brutaux » avant de changer d’attitude ?