Organisations
Le travail externalisé ne permet pas la formation des moins qualifiés
Emmanuel Macron veut développer la formation et le numérique mais pour retrouver notre compétitivité il faut d'abord abroger la réforme de la formation de 2014.
En une trentaine d'années, notre pays a non seulement réduit le taux d'activité de ses habitants (avec près de 6 millions de chômeurs, une carrière qui s'étale sur 35 ans en général), il a non seulement installé la précarité des salariés nouvellement embauchés (plus de 80 % de CDD dans les nouvelles embauches) mais, pire encore, il a externalisé le travail et la plupart des fonctions secondaires dans les entreprises sans moyens (le ménage, la sécurité, l'entretien...) en laissant sur le carreau des millions de travailleurs non qualifiés (près de 3 millions de salariés en poste, selon les études de l'OCDE).
La formation, c'est seulement pour les travailleurs qualifiés.
L'externalisation du travail non qualifié est très semblable à une délocalisation cachée. La réaction est la même dans bien des entreprises : « le socle des compétences, vous n'y pensez pas, nous n'avons que des travailleurs très qualifiés » ; « autrefois, nous avions des travailleurs non qualifiés mais c'est fini, les derniers partent à la retraite » ou autre variante : « nous avons compris la leçon, même pour devenir gardiens d'immeubles nous n'embauchons plus que des bacheliers ». L'externalisation du travail non qualifié est très semblable à une délocalisation cachée.
Pour maintenir les avantages sociaux des uns, les RTT des autres, les rémunérations élevées des « insiders », on rejette aux marges des entreprises rentables tous ceux qui ne sont pas au cœur du métier.
La conséquence de ces externalisations par le bas est la constitution de gigantesques sociétés de services sans argent, sans management, sans formation ni RH (un manager pour 100 salariés, contre un pour 10 dans bien des entreprises classiques).
Les appels d'offres (dont usent et abusent les administrations aussi) offrent toutes les commodités pour tirer les prix vers le bas, choisir le moins coûtant et, au final, de ne pas donner aux entreprises, aux branches ou à leurs travailleurs les moyens de sortir de l'illettrisme ou d'insuffisantes compétences.
Le paradis des travailleurs à statuts face à et l'« enfer » des travailleurs sous-traitants
Jadis, Victor Hugo écrivait que « le paradis des riches était bati sur l'enfer des pauvres ». Aujourd'hui, c'est en France dans la sous-traitance que cet enfer professionnel se retrouve souvent : de gigantesques sociétés de services, sans le sou, ballotées d'un marché à l'autre, employant une multitude de gens (20 000, 30 000, parfois plus de 50 000 salariés) non qualifiés (et qui ne pourront jamais l'être). Ces gens sont souvent d'origine étrangère (qui accepterait de travailler dans ces conditions sinon une main d'œuvre fragilisée et incapable de choisir son emploi ?).
La réforme de la formation n'a fait qu'accroître les tares du système
- Elle diminue fortement les financements mutualisés (pour tenter de les reverser sur un Pôle Emploi dépassé malgré ses importants moyens financiers).
- Elle diminue de 80 % les financements dont bénéficiaient les PME/TPE via les OPCA (source : la Cour des Comptes dans note d'alerte d'octobre 2013).
- Elle prétend pénaliser de 3 000 euros par personne non formée des entreprises qui n'ont souvent pas 100 euros par an de budget formation.
- Elle fait reposer sur l'individu la commande de formation dans un parcours du combattant dont aucun travailleur non qualifié ne viendra à bout.
- Elle réduit enfin l'effort de formation de tout un pays en prônant d'introuvables financements de branche.
Après deux ans de dérives, la réforme de la formation doit être abolie.
Si Emmanuel Macron et ses nouvelles opportunités économiques veut éviter le naufrage de l'Arche France, il doit au plus vite revenir sur cette désastreuse réforme de la formation votée à la va-vite (procédure d'urgence) en février 2014. La « réforme » sidère le monde du travail et empêche désormais tout un pays de se former et de s'adapter à la société de la connaissance.
Le compte personnel d'activité serait pire encore ; il faut arrêter au plus vite cette machine règlementaire devenue folle et incontrôlable.