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Complémentaire santé : consolider la solidarité, inventer la prévention
La solidarité fait partie de l’ADN des mutuelles de santé. C’est une chose de le dire, c’en est une autre de le prouver. « Le statut conditionne effectivement une certaine exigence de solidarité mais ne constitue pas pour autant une garantie », souligne Jean-Marc Bailly, avocat fondateur du cabinet Exceptio, qui intervenait le 11 décembre lors d’un café social (*) parrainé par la MUCS (Mutuelle Union du Commerce & des SCOP), une mutuelle qui a pour origine une société philanthropique en 1847. Comment consolider une solidarité tout en inventant la prévention ? Tel était le sujet des échanges.
« La complémentaire santé est un véritable ciment de la cohésion sociale dans le groupe. En France, tous les salariés bénéficient d’une couverture de haut niveau prise en charge par l’employeur à hauteur de 85 %, quelle que soit leur entité de rattachement. La cotisation est forfaire, elle ne dépend pas du niveau des salaires », souligne Jacques Landriot, PDG du groupe Chèque-Déjeuner, où l’on privilégie le collectif sur l’individuel sur tous les leviers de la politique RH. Un groupe dont la caisse de solidarité, alimentée à hauteur de 3 % des résultats, permet notamment d’aider financièrement des salariés en difficulté sur des frais de santé importants. Voilà de quoi être en adéquation avec le discours puisque la MUCS se trouve présidée par Jacques Landriot qui entend imprimer la solidarité au cœur du développement interprofessionnel de la mutuelle.
Solidarité en danger
Les représentants du personnel sont en première ligne pour révéler la solidarité des couvertures de santé. Comme par exemple à la Poste où le contrat santé prévoit une prise en charge par l’employeur à 60 % pour les non-cadres et à 50 % pour les cadres. « Avec un décalage de 6 ans, nous avons obtenu que les fonctionnaires bénéficient de la même couverture santé que les salariés de droit privé », souligne Norbert Démé, secrétaire national adjoint de la fédération FO Com. Mais cette solidarité sur la santé pourrait bien à l’avenir se dégrader car les exonérations de charges sociales sur les contributions des employeurs vont être plafonnées. « Cela va favoriser le développement des options facultatives réservées aux salariés qui pourront se les payer », illustre Jean-Marc Bailly qui souligne à quel point le lien intergénérationnel est mis à mal. Chez Areva, l’accord de groupe (négocié il y a maintenant 2 ans) a justement été l’opportunité d’en finir avec le phénomène des options facultatives grâce à un socle de base de bon niveau, pris en charge au minimum à 65 % par l’employeur tandis que la cotisation représente 3,3 % du salaire. Seules 3 filiales ont refusé de rallier le contrat groupe. « Ce sont des entreprises où 100 % de la couverture obligatoire sont pris en charge par l’employeur mais sur des niveaux de prestations inférieurs à ceux que nous avons négociés. Dans ces entreprises, 2 salariés sur 3 sont d’ailleurs obligés de souscrire à des options pour compléter », explique Jean-Pierre Bachmann, coordinateur CFDT du groupe Areva, qui précise que 0,15 % de la cotisation des actifs alimente un fond permettant d’amortir la hausse des cotisations pour les retraités. Le résultat d’une véritable négociation dépassant celle d’un simple contrat d’assurance.
D’où l’importance de la gouvernance des mutuelles interprofessionnelles et de leur capacité à assurer la représentation des élus issus des entreprises. « Ce sont eux qui sont les plus à même d’avoir des idées sur la solidarité. Il est plus que jamais nécessaire de reconnaître un droit de représentation pour ces élus dans les instances des mutuelles pendant le temps de travail. Reste à trouver le mode de financement ce temps de représentation », affirme Jean-Claude Albinet, président de l’Union nationale des mutuelles d’entreprise et qui porte le sujet au sein de la fédération nationale de la Mutualité Française.
De la solidarité à la prévention
De la solidarité à la prévention, le pas est grand. Du moins si l’on a pour ambitionne de dépasser le stade de la communication. C’est le cas de la MUCS qui a identifié 3 projets pilotes d’ici 2015. Le premier concerne un centre de télédiagnostic avec les meilleurs spécialistes afin d’éviter les erreurs très préjudiciables à ce niveau. Le développement d’un réseau de transport sanitaire alternatif au moyen du covoiturage pour des patients ne nécessitant pas un accompagnement sanitaire lourd est aussi à l’étude. Toujours avec cette logique de réseau, la MUCS regarde comment contribuer à structurer un réseau de chambres d'hôtes pour maintenir le lien entre les proches et les patients hospitalisés. Autant de pistes qui s’inscrivent à la croisée de la prévention et de l’accompagnement. « Nous recherchons des partenaires pour lancer ces projets qui contribueront à différencier l’offre mutualiste. La Mutualité Française a un rôle à jouer pour faciliter la mise en relation entre les financeurs et les potentiels opérateurs de ces nouveaux services. La prévention doit faire l’objet d’une mutualisation », considère Jacques Landriot.
Les intervenants de ce café social n’ont pas manqué de souligner le champ des possibles qui s’ouvre en matière de prévention, à l’heure du développement des objets connectés susceptibles de suivre en permanence l’évolution du métabolisme des assurés et de préconiser automatiquement des actions de prévention. Un horizon qui se rapproche à grands pas et qui ne manquera pas de remettre à plat tous les schémas de la prévention. En attendant, des directions et des syndicats demandent aux mutuelles de fournir des données rendues anonymes sur la consommation de médicaments des assurés. Objectif : se donner les moyens de mieux comprendre certains comportements et les liens avec le travail. Un sujet sensible qui divise. Pour Jean-Pierre Bachmann, « il est impossible de distinguer les causes professionnelles et non professionnelles à travers la simple analyse des consommation de médicament ». Voilà qui serait source de dilution potentielle de la responsabilité de l’employeur en matière de conditions de travail. « Nous revendiquons la mise en place à La Poste d’une filière de prévention indépendante de la direction des ressources humaines », lance Norbert Démé tandis que Jean-Claude Albinet ne rejette a priori pas l’intérêt que peuvent avoir des données de consommation, à condition de garantir la rigueur de l’approche. Tout le monde s’accorde en revanche pour développer la coopération, quelle que soit sa forme, entre les mutuelles et les acteurs de la prévention au sein des entreprises.
(*) Petit-déjeuner organisé par le Miroir Social.
- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia
- Protection sociale parrainé par MNH