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Quand une DRH vote pour élire un secrétaire de comité d'entreprise, c'est à Canal+ que ça se passe
Pour la première fois dans l’histoire de Canal+ (et peut-être dans l’histoire d’une grande entreprise française), une direction générale décide de prendre part à l’élection des responsables d’un comité d’entreprise.
Y avait-il péril en la demeure ? Un dysfonctionnement majeur ? Une impasse empêchant le bon fonctionnement de cette instance ? Non, simplement une volonté, une envie de peser sur le choix des responsables élus qui auront à administrer le comité d’entreprise ces trois prochaines années. Mais en agissant ainsi, il faut admettre que la direction de Canal+ rompt un devoir de neutralité nécessaire à la permanence d’un dialogue social ouvert, équilibré et constructif.
- Le législateur a effectivement prévu que le président, représentant l’employeur au CE, puisse prendre part à l’élection du secrétaire de l'instance.
En réalité, le pouvoir du président d’un comité d'entreprise est déjà exorbitant sans qu’il lui soit nécessaire d'en prendre « le contrôle politique ». C’est en effet à lui qu’il revient de le convoquer et d’établir l’ordre du jour conjointement avec le secrétaire élu. Reste l'employeur, y compris face aux élus d'un comité d'entreprise.
En agissant ainsi, la direction de Canal+ retire au CE son autonomie de gestion et de gouvernance et perturbe son fonctionnement. En prenant position en faveur d’un syndicat plutôt que d’un autre, elle crée une situation ambiguë et inconfortable pour le bénéficiaire quel qu’il soit, une ingérence qui fragilise la légitimité des élus ainsi désignés.
Nous pouvons considérer que c’est une décision grave et lourde de sens pour la démocratie sociale dans la première entreprise audiovisuelle de France. En agissant ainsi, la direction de Canal+ et sa DRH Sophie Guieysse refusent de laisser la démocratie sociale fonctionner normalement.
- Le Code du travail a effectivement prévu un vote du président du CE pour l’élection du secrétaire, rien de plus. Mais nous considérons que cette disposition du Code du travail doit être exploitée lorsque l’élection du secrétaire est rendue impossible par un blocage dans le fonctionnement de l’instance…
Or, à Canal+, l’instance issue de la dernière élection de juin fonctionne normalement, aucun blocage administratif ou juridique ne justifiait l’intervention de la direction pour la désignation de ses responsables.
Perte de neutralité, légitimité fragilisée, pourquoi donc prendre un tel risque alors que s’ouvre à nous une nouvelle période troublée qui nécessite de rassembler l’ensemble des acteurs sociaux autour de la refondation d’un modèle économique bousculé et d'un environnement social qui se dégrade ?
À l'occasion de ces dernières élections notre syndicat, la CGC médias, a progressé dans les urnes de plus de 30 % en trois ans. Elle pèse aujourd’hui 40 % de représentativité dans le collège encadrement. En agissant comme elle l’a fait, la direction de Canal+ refuse de considérer ce changement radical dans l’organisation sociale de notre entreprise. C’est une erreur et une faute. Ce n’est pas un bon signal donné aux 4 000 salariés du groupe, aux 10 000 autres qui travaillent pour nous directement ou indirectement.
Le nouveau CE de Canal+ devient ainsi le premier CE de France « cogéré ». La logique voudrait dans ces conditions, que la présidence de l'entreprise se propose aux suffrages des salariés. En acquérant ainsi une légitimité mesurable, sa participation à l’élection du bureau du comité d’entreprise prendrait alors tout son sens si, bien sûr, les résultats étaient au RDV. Mais décidemment, le modèle gagnant à l'allemande restera encore longtemps une utopie. Le changement, ce n’est pas encore pour maintenant !