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07 / 12 / 2012 | 5 vues
Xavier Berjot / Membre
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Le régime strict des inventions des salariés

Dans la plupart des cas, les inventions réalisées en France le sont par des salariés. Il est donc essentiel de déterminer précisément le régime de telles inventions, en particulier au regard de la propriété et de la rémunération qui en résultent.

Les textes applicables

Les inventions des salariés sont régies par les articles L. 611-7 à L. 611-9 et R. 611-1 à R. 611-10 du Code de la propriété intellectuelle (ci-après « le CPI »).

Le régime fixé par les articles L. 611-7 à L. 611-9 est également applicable aux agents de l'État, des collectivités publiques et de toutes autres personnes morales de droit public, selon des modalités spécifiques décrites aux articles R. 611-11 et suivants du CPI.

  • Les inventions brevetables

Il résulte de l’article L. 611-10 du CPI que sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, « les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle ».

L’article L. 611-11 du CPI précise à cet égard qu’une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, constitué « par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ».

En revanche, ne sont pas considérées comme des inventions brevetables, notamment (article L. 611-10 du CPI) :

  • les découvertes ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ;
  • les créations esthétiques ;
  • les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d'ordinateurs ;
  • les présentations d'informations.


Ces règles, d’application générale, valent naturellement pour les inventions des salariés.

Les catégories d’inventions des salariés

 

L’article L. 611-7 du CPI classe les inventions des salariés en trois catégories distinctes, selon les situations dans lesquelles ces derniers sont placés.

  • Les inventions de mission


Les inventions de mission sont celles faites par le salarié dans l'exécution, soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées.

En d’autres termes, il s’agit d’inventions qui résultent du travail réalisé, à cette fin, par le salarié.

  • Les inventions hors mission attribuables


Ces inventions correspondent à celles faites par le salarié, soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle.

Il d’agit donc d’inventions réalisées par le salarié de sa propre initiative, mais qui ont néanmoins un lien avec son travail.

  • Les inventions hors mission non attribuables

Cette troisième catégorie regroupe les inventions non visées ci-dessus (§ 3.1 et 3.2).

 

Sont ici concernées celles réalisées par des salariés qui n’ont pas de mission inventive et qui ne présentent aucun lien avec les activités de l’employeur.

Le régime applicable à chaque invention

  • Les inventions de mission

Par principe, les inventions de mission appartiennent à l’employeur (article L. 611-7 du CPI), qui peut dès lors les breveter et les exploiter, ou s’en abstenir.

En cas de dépôt de brevet, le salarié a le droit d’être mentionné comme inventeur dans le brevet, comme de s’opposer à cette mention (article L. 611-9 du CPI).

Concernant la rémunération de l’invention, le texte prévoit que les conditions dans lesquelles le salarié-inventeur bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.

La Cour de Cassation considère, à cet égard, que le droit à rémunération supplémentaire du salarié investi d'une mission inventive prend naissance à la date de réalisation de l'invention brevetable et non à celle du dépôt ou de la délivrance d'un brevet (Cass. com., 20 septembre 2011, n° 10-20997).

Il est enfin précisé que, si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission nationale des inventions des salariés ou au tribunal de grande instance (article L. 611-7 du CPI).

Dans tous les cas, la rémunération perçue par le salarié a le caractère d’un élément de salaire, soumis à cotisations sociales (Cass. soc., 28 janvier 1999, n° 97-14714).

  • Les inventions hors mission attribuables


En présence d’une telle invention, l'employeur dispose d’un droit « d’attribution », consistant dans la possibilité de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié.

En pratique, l'employeur peut revendiquer le droit d'attribution dans les quatre mois suivant la date de réception de la déclaration de l'invention (cf § 5) sauf accord contraire entre les parties, qui ne peut être que postérieur à la déclaration de l'invention.

La revendication du droit d'attribution s'effectue par l'envoi, au salarié, d'une communication précisant la nature et l'étendue des droits que l'employeur entend se réserver (article R. 611-7 du CPI).

S’agissant de la rémunération du salarié, l’article L. 611-7 du CPI prévoit que ce dernier doit obtenir « un juste prix » pour son invention.

Le texte ajoute qu’à défaut d'accord entre les parties, ce prix est fixé par la commission nationale des inventions des salariés ou par le tribunal de grande instance, qui doivent alors prendre en considération tous éléments qui pourront leur être fournis notamment par l'employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l'un et de l'autre que de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention.

  • Les inventions hors mission non attribuables

Ces inventions appartenant au seul salarié, celui-ci dispose de toute latitude pour déposer le ou les brevets correspondants, les exploiter en son nom, les céder etc.

La procédure de déclaration et de classement

  • Du côté du salarié

Quelle que soit l’invention, le salarié doit en informer l’employeur selon une procédure particulière.

L’article R. 611-1 du CPI dispose en effet que « le salarié auteur d'une invention en fait immédiatement la déclaration à l'employeur », ajoutant qu’« en cas de pluralité d'inventeurs, une déclaration conjointe peut être faite par tous les inventeurs ou par certains d'entre eux seulement ».

La déclaration doit contenir les informations permettant à l'employeur d'apprécier le classement de l'invention (invention de mission, invention hors mission attribuable, invention hors mission non attribuable).

Selon l’article R. 611-2 du CPI, ces informations concernent :

  • l'objet de l'invention ainsi que les applications envisagées ;
  • les circonstances de sa réalisation, par exemple : instructions ou directives reçues, expériences ou travaux de l'entreprise utilisés, collaborations obtenues ;
  • le classement de l'invention tel qu'il apparaît au salarié.


Lorsque le classement implique l'ouverture au profit de l'employeur du droit d'attribution (cf. § 4.2), la déclaration susvisée doit être accompagnée d'une description de l'invention, exposant (article R. 611-3 du CPI) :

  • le problème que s'est posé le salarié compte tenu éventuellement de l'état de la technique antérieure ;
  • la solution qu'il lui a apportée ;
  • au moins un exemple de la réalisation, éventuellement accompagné de dessins.


À défaut de déclaration, le salarié s’expose à un éventuel licenciement (Cass. soc., 21 septembre 2011, n° 09-69927).

Précisons enfin que la déclaration du salarié peut résulter de la transmission, par l’INPI, à l'employeur, du second exemplaire d'un pli adressé par le salarié à l'institut pour y être conservé (article R. 611-9 du CPI).

  • Du côté de l’employeur

En premier lieu, l’employeur peut, si la déclaration du salarié n'est pas conforme aux dispositions des articles R. 611-2 ou R. 611-3 (cf § 5.1) communiquer à ce dernier les points précis sur lesquels elle doit être complétée.

Cette communication est faite dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la déclaration. À défaut, la déclaration est réputée conforme.

En second lieu, il appartient à l’employeur de se positionner sur le classement de l’invention, tel qu’effectué par le salarié.

L’article R. 611-6 du CPI prévoit à cet égard que, dans un délai de deux mois, l'employeur donne son accord au classement de l'invention résultant de la déclaration du salarié ou, en cas de défaut d'indication du classement, fait part au salarié, par une communication motivée, du classement qu'il retient.

Le délai de deux mois court à compter de la date de réception par l'employeur de la déclaration du salarié contenant les informations prévues à l'article R. 611-2 (cf. § 5.1) ou, en cas de demande de renseignements complémentaires reconnue justifiée, de la date à laquelle la déclaration a été complétée.

L'employeur qui ne prend pas parti dans le délai prescrit est présumé avoir accepté le classement résultant de la déclaration du salarié.

Enfin, l’employeur dispose de la faculté de faire jouer son droit d’attribution, selon les modalités décrites ci-dessus (cf § 4.2).

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