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24 / 09 / 2012 | 42 vues
Laurent Bigot / Membre
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Hôtel Le Crillon : diviser pour mieux fermer

Après le scandale du Ritz, où les 460 salariés ont été invités à prendre la porte au mois de juillet dernier, c'est maintenant au tour de l'hôtel Le Crillon de dévoiler sa stratégie sociale à deux mois de sa fermeture pour travaux.

Autre établissement, autre style. La direction n'entend pas dans l'immédiat utiliser le licenciement économique comme son voisin de la place Vendôme. Mais on ne peut pas dire que l'accord présenté aux partenaires sociaux soit très transparent. Les travaux se feront sur une période de 24 mois minimum. Le Crillon s'engage la première année à maintenir tous les emplois à travers des périodes alternées par des séquences de formation et des séquences de chômage technique, en bénéficiant de conventions APLD avec l'État. L'employeur s'engageant sur la même période à maintenir les salaires à 75 %, le restant étant financé par des aides publiques.

  • Mais tout le monde sait que l'on peut utiliser ces différents dispositifs, ayant comme vertu de maintenir l'emploi, sur une année, au-delà, ces aides s'arrêtent et l'entreprise doit alors assurer l'intégralité du financement des salaires.


Le projet d'accord proposé aux syndicats sécurise l'emploi la première année mais sur la seconde, il le conditionne à la reconduction des conventions passées avec l'État qui n'ont pratiquement pas de chance d'être renouvelées. Or, on sait que les travaux seront loin d'être terminés et que la direction n'entend pas prendre en charge les salaires sur cette deuxième période. Par conséquent, il ne lui restera qu'à licencier pour raison économique le personnel encore présent au 1er janvier 2014.

  • À ce jour, toute la hiérarchie du Crillon s'emploie à faire pression auprès des salariés pour qu'ils acceptent de partir volontairement moyennant un chèque dont le montant dépasse largement les indemnités de licenciements conventionnelles. Mais là où l'on tombe dans une certaine irrationalité, c'est que l'ancienneté n'est pas valorisée. En cas de départ volontaire, il n'y a pas une grande différence entre un salarié qui a 20 ans d'ancienneté et celui qui n'en a que 4 ou 5 ans.

Cette tactique parfaitement réfléchie et voulue par la direction a généré depuis quelques jours une situation chaotique. En effet, un grand sentiment d'injustice frappe les salariés les plus anciens et l'on assiste donc à des scènes de violences verbales et physiques intergénérationnelles. À tel point que dans les cuisines, les menaces se font avec des couteaux et l'on se jette les tranches de bacon à la figure... Dans une entreprise qui compte un peu plus de 140 salariés (sur 350) ayant entre 20 et 30 ans, on imagine aisément l'ambiance dans l'hôtel !

Pendant ce temps, la direction, stoïque, a déclaré la fin des négociations et s'apprête à mettre en œuvre, de façon unilatérale, les dispositions de l'accord relatif à la fermeture pour travaux. Accord, qui ne peut remporter l'adhésion syndicale car, outre qu'aucune précision sur le déroulement du plan de formation pour 2013 est évoquée, il ne sécurise pas l'emploi sur la deuxième année.

La stratégie du Crillon est claire : convaincre un très grand nombre de salariés à partir volontairement et, au bout de 12 mois, on propose à ceux qui restent un licenciement économique. C'est à quelque chose près le même scénario qu'au Ritz, à la différence que les salariés qui réussissent à résister au chèque proposé pour quitter l'hôtel auront un sursis d'un an.

C'est autant cynique de la part de la direction, quand on connaît d'avance le scénario final. Tout est question de présentation et la direction du célèbre palace de la place de la Concorde ne souhaite pas à son tour se retrouver sous les feux médiatiques. Son plan en deux temps lui permet d'atteindre son objectif : se débarrasser du plus grand nombre de salariés. Dans un an, cette même direction, lors du renouvellement des conventions APLD qui lui seront refusées, désignera l'État seul responsable des conséquences sociales. Les fonds publics dont bénéficiera Le Crillon pendant la première année, ne serviront qu'à soigner sa bonne image, sa communication et sa bonne conscience.

C'est bien une nouvelle époque qui s'ouvre dans l'univers de l'hôtellerie de luxe, la fin d'une certaine tradition où le social avait encore du sens. Deux hôtels emboîteront le pas dans les prochains mois : le Plaza Athénée et le Lutetia s'apprêtent à s'engager dans des travaux qui entraîneront une fermeture. À suivre...

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