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Que peut-on attendre d’une baisse du coût de licenciement d’un senior ?
« Aujourd'hui, il y a une norme, tant du côté des employeurs que des travailleurs, selon laquelle, en moyenne, on part en retraite un petit peu avant 60 ans. Un employeur qui connaît une phase de récession économique va donc avoir tendance à se séparer des personnes qui ont plus de 57 ans, parce qu'il sait que s'il les garde et qu'une reprise est amorcée, l'économie des coûts de formation engendrés par une nouvelle embauche ne lui sera pas épargnée puisque la personne sera partie en retraite. S'il sait que la personne ne partira qu'à 62 ans, en cas de reprise, il aura une personne expérimentée et compétente au lieu de devoir recruter. Retarder le départ à la retraite va modifier la norme et les stratégies de certaines entreprises qui feront peut-être le pari de garder leurs seniors. Ça va donc retarder certains licenciements et donc générer un gain d'emploi que l'on estime à environ 10 %. Augmenter le nombre d'annuités plutôt que l'âge légal aurait eu les mêmes effets mais dans 10 ans. Le gouvernement a donc fait ce choix pour faire rentrer de l'argent plus rapidement, mais au prix d'une plus grande injustice ».
- Cette étude évalue quantitativement une réforme de la protection de l’emploi des seniors parallèlement à l’augmentation de l’âge de départ à la retraite.
Deux scénarios sont envisagés : (i) augmentation d'un an et (ii) augmentation de trois ans de l'âge de départ à la retraite.
- La réforme de la protection de l'emploi considérée consiste en une réduction à hauteur de 25 % du coût total moyen de licenciement, soit à partir de 58 ans (scénario (i)), soit à partir de 60 ans (scénario (ii)).
Le principe de cette politique est d'introduire des incitations financières conduisant les entreprises à retarder certains licenciements : dans le scénario (i), il s'agit de faire en sorte que les entreprises soient enclines à conserver plus longtemps leurs travailleurs âgés de 55 à 57 ans, quitte à ce qu'elles se séparent plus fréquemment des employés de 58 ans et plus. Il apparaît que le bilan global en emploi de cette politique est positif.
Dans le scénario (i) le gain net en emplois pour la tranche d'âge 55-57 ans domine largement la perte subie pour les 58 ans et plus. Retenant le découpage par tranches d'âges traditionnel, notre estimation indique un gain de sept points de taux d'emploi pour le groupe des 55-59 ans, et une perte d'un point pour celui des 60-64 ans. De plus, il nous semble que cette option de politique d'emploi s'avère plus pertinente que le précédent CDD senior ou les actuelles réflexions menées par Laurent Wauquiez autour d'un éventuel dispositif d'allégements de charges pour l'embauche de seniors. Nous soulignons en effet que les seniors actuellement employés bénéficient d'un capital humain spécifique (compétences propres) à l'entreprise qui tend à contrebalancer les effets négatifs de la proximité de la retraite. Les chômeurs ciblés par le CDD senior et les exonérations de charges en cours de discussion ne bénéficient en revanche pas de ce capital humain spécifique. Par conséquent, il est relativement plus aisé d'infléchir les décisions de maintien en emploi de salariés qui disposent de compétences spécifiques à l'entreprise, que de modifier les décisions d'embauche des chômeurs de plus de 50 ans.