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07 / 10 / 2010 | 1 vue
Michel Pesnel / Membre
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La Poste : lendemains qui déchantent

Une fois franchi, non sans mal, l’obstacle social de la transformation de La Poste en société anonyme, les initiateurs de la privatisation juridique espéraient que la suite coulerait de source.

Sans doute pensaient-ils que la manne de 2,7 milliards promise en décembre 2008 par le Président de la République (1,5 milliards pour la CDC et 1,2 milliards pour l’État), alimenterait des projets aussi ambitieux qu’imprécis. À la lumière des événements récents, il est permis de se demander s’ils n’ont pas ouvert la boîte de Pandore.

En effet, on voit mal comment Bercy, tournoyant dans la spirale de déficits abyssaux et prônant la rigueur, pourrait signer un pareil chèque au profit de La Poste. Quant à la CDC, à peine remise de son rôle de pompier durant la crise financière, elle se montre à la fois prudente et exigeante. Impliquée au départ à son corps défendant, elle pose désormais des conditions, fort éloignées de l’image idyllique d’une institution se sacrifiant à l’intérêt général. Son directeur général, M. de Romanet, aime à réaffirmer ses priorités « d’investisseur avisé ». Il vient de remporter une manche essentielle, celle de l’évaluation de La Poste, préalable nécessaire à sa recapitalisation.

M. Bailly, président de La Poste, eût aimé que son groupe soit valorisé à au moins 9 milliards.

La CDC a raboté cet espoir en obtenant la fourchette basse de 3 milliards. Du coup, elle s’assure 26 % du capital et se ménage un pouvoir certain à moindres frais : un ticket d’entrée de 750 millions au lieu de 1,5 milliard… Certes, une clause de revoyure prévoit d’abonder ce premier versement, au cas où l’horizon économique de La Poste se dégagerait… La CDC a mis un pied dans la place.

  • Cette prudence n’exclut pas la volonté de puissance. M. de Romanet, non content d’obtenir quatre sièges au conseil d’administration de l’opérateur postal, a émis quelques doutes sur les projections du plan stratégique de La Poste et a laissé planer son scepticisme sur certaines réalisations industrielles et commerciales, relayant ainsi la Cour des Comptes. De plus, il a clairement manifesté son désir d’étendre le rayon d’actions de la CDC à la gouvernance opérationnelle de La Poste, allant jusqu’à inquiéter les syndicats : il trouve que « certains engagements en matière sociale » devraient être placés sous l’angle de la « rigueur ». C’est agiter un chiffon rouge !


Ceux qui ont cru que la CDC se contenterait d’être un bailleur de fonds distant se sont trompés.

Et d’aucuns se demandent s’il n’eût pas mieux valu, au risque d’augmenter la dette, emprunter à 3 % au lieu d’offrir des fauteuils à un actionnaire qui vise 8 % de rendement…

D’autant que M. de Romanet ne cache pas qu’il s’intéresse depuis longtemps aux 280 milliards d’encours de la Banque Postale. Il s’est lâché le 6 juillet dernier devant les sénateurs : « La Banque Postale concentrant l’essentiel de la richesse de La Poste, ce sera une quasi filiale », confiant même : « En 2007, j’ai pensé que nous pourrions ainsi compenser ce que nous avons perdu avec IXIS ».

Rapprochement entre La Poste et Dexia


C’est à la lumière de ces aveux qu’il faut comprendre les rumeurs non démenties d’un rapprochement entre La Poste et Dexia. Malgré le plan de sauvetage qui a coûté 6 milliards et demi aux États français, belge et luxembourgeois, l’institution spécialisée dans le financement des collectivités locales a besoin de liquidités. Surtout dans une période où, en France, les subventions directes de l’État sont gelées. Qu’importe donc que Dexia soit encore soumise à des risques « systémiques ». Dans ce schéma, la Banque Postale pourrait devenir une caisse de substitution, qui ne maîtrisera pas la mise en oeuvre des prêts distribués.

Ce recadrage remettrait en cause certains projets de M. Werner, président du conseil de surveillance de la Banque Postale, pour cause de doublon avec des activités de Dexia et de la CDC. S’agissant de cette dernière, on songe au rôle de la filiale Oseo, qui finance les PME.

Nous sommes loin, malgré les apparences, du pôle financier public visant à asseoir, sous
l’autorité unique de l’État, une « banque des Français », fondée sur les deux piliers de l’investissement à long terme et la banque de détail.

  • N’oublions pas que Dexia n’est plus le crédit local de France et que les actionnaires français (État, CDC, CNP) y sont minoritaires avec 26,3 % des parts… Accessoirement, la joint-venture envisagée avec Dexia irait à l’encontre de l’article 1 de la loi du 9 février 2010, qui stipule que le capital de La Poste est détenu par des personnes morales de droit public.


Comme un malheur n’arrive jamais seul, les promoteurs de La Poste SA découvrent un peu tard qu’il leur faut passer sous les fourches caudines de la Commission européenne. Les 2,5 milliards de recapitalisation risquent fort d’être assimilés à une aide d’État, alors que la concurrence totale pour le courrier interviendra le 1er janvier 2011. Des voix « autorisées » estiment déjà qu’un compromis pourrait être scellé, aux termes duquel l’injection de capital serait unique et définitive et conditionnée par une ouverture, selon des délais à préciser, à des investisseurs privés… Les engagements du Président de la République et de M. Estrosi seraient ainsi foulés au pied et la loi devrait être remaniée…

Pareille impasse aurait pu être évitée en cantonnant l’aide d’État, ainsi que le syndicat FO COM l’avait proposé, aux quatre missions de service public (presse, aménagement du territoire, accessibilité bancaire, service universel). Une telle « sanctuarisation », conforme à l’arrêt Altmark de la Cour de Justice européenne, aurait le mérite d’enfin assurer efficacité et transparence au dit financement.

Décidément, pour La Poste société anonyme, les ennuis commencent…

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