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21 / 05 / 2010 | 12 vues
Christophe Dague / Membre
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Pôle Emploi : « le Médiateur a fait le même constat que nous avant de démissionner »

Entretien avec Josiane Chevalier, secrétaire générale du SIER CFDT (Pôle Emploi) 



Quelle est la situation du Pôle Emploi aujourd'hui ?


Nous sommes dans un contexte d’une fusion imposée, non préparée et mal conduite. Un centralisme inflexible, idéologique qui génère un management inadapté et autoritaire. Nous sommes confrontés à des risques psychosociaux majeurs, la plupart des salariés sont en souffrance, la fusion est mal vécue. Elle arrive à un résultat exactement opposé à l’objectif annoncé de simplification et d’efficacité pour les demandeurs d’emploi.

Les craintes du choc des deux cultures ANPE-Assedic étaient-elles fondées ?

Oui, totalement fondées et pourtant les salariés des deux structures se sont largement impliqués dans la mise en œuvre de cette fusion tant sur le plan organisationnel que sur le plan relationnel, malgré leurs craintes légitimes et avérées. C’est leur conscience professionnelle qui à permis la continuité du service public. Et pourtant, le Pole Emploi souffre d’une politique de ressources humaines inexistante, dogmatique et une gestion des relations sociales improvisée, fonctionnant sur les préjugés et la rumeur ! Les agents subissent mobilités professionnelles et géographiques imposées, déqualifications, formations insuffisantes et inadaptées, conditions de travail déplorables…


Tous les agents devaient exercer le « même » métier en maîtrisant à la fois l’accompagnement et les règles d’indemnisation. Est-ce le cas ?

C’était l'une des cibles majeures de la fusion, au démarrage, la direction générale a mis la pression pour obtenir cet interlocuteur unique polyvalent (référent unique) avec une formation au rabais (3 + 2 Jours). Confrontée à la réalité, la DG a fait volte-face et aujourd’hui elle reconnaît son erreur stratégique en maintenant les deux métiers, indemnisation et placement… Que de temps, d’énergie et d’argent gaspillés !

Peuvent-ils exercer leur travail dans de bonnes conditions ?

Non. Aujourd’hui, ils ne peuvent pas exercer leur travail dans de bonnes conditions : perte de sens, objectifs contradictoires et incohérents, organisation du travail archaïque et largement dépassée (open space, nomadisme…), « portefeuille » de demandeurs d’emploi surdimensionné, traitement de masse, externalisation massive, et donc précarisation, des missions, contrôle imposé et répressif des demandeurs d’emploi qui entraine de la violence dans les rapports humains, politique immobilière extrêmement mal maîtrisée particulièrement en Île-de-France…

La situation était-elle vraiment meilleure avant, notamment pour les agents ANPE ?

La situation des conditions de travail était déjà dégradée à l’ANPE, (absence de bureau, nomadisme, morcellement des tâches, diminution des moyens d’interventions au bénéfice des demandeurs d’emploi…). En revanche, l’organisation matérielle au sein des Assédic était plus conforme aux normes de sécurité et plus respectueuses des conditions de travail. On aurait donc pu espérer un alignement tel qu’il avait été promis par la Ministre Christine Lagarde, « le meilleur des deux ». Au final, c’est le contraire : le choix qui a été fait est une dégradation générale. Tous les agents ont vu leurs conditions matérielles de travail encore plus perturbées, au point d’en être devenir inacceptables et d’accroître la violence et le stress.

Les chômeurs, qui étaient au centre de ce projet de fusion, y trouvent-ils leur compte ?
Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer cette situation : le Médiateur a fait le même constat avant de démissionner.

Non. Pour eux c’est devenu complètement kafkaïen : perte de repères, réorganisations territoriales incompréhensibles, déshumanisation des services, plateformes téléphoniques sous-dimensionnées, bornes interactives, temps d’entretien trop court, personnels les plus précaires (CDD- contrats aidés…) souvent en première ligne, alors que les demandeurs d’emploi ont de plus en plus besoin d’accompagnement et d’expertise. Aiguillage aveugle vers des opérateurs privés, politique de ping-pong entre les différentes structures, dépersonnalisation, illisibilité et rigidité des procédures, brutalité des courriers aboutissent à des situations de stress extrême, voire de plus en plus souvent à des violences verbales et parfois même physiques. Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer cette situation : le Médiateur a fait le même constat avant de démissionner, confronté à l’autisme de la direction générale.

Dans l’idéal, que faire aujourd’hui pour retrouver un peu de sérénité ?

Il faut dès à présent enfin donner du sens à cette fusion, reprendre les objectifs fondamentaux (simplification, efficacité, qualité de service…) et donc se doter d’une stratégie et de moyens adaptés et créer des conditions de travail qui les rendent possibles. Après une si longue période de déni de la part du gouvernement et de la direction, il faut revenir au principe de réalité, il faudrait changer la gouvernance, sortir de cette idéologie, arrêter d’instrumentaliser Pôle Emploi, en faire un outil de propagande, au mépris des faits.

Tout cela ne pourra se faire sans l’établissement d’un dialogue, notamment avec les IPR (instances paritaires régionales), qui permette de progresser et qui donne leurs rôles à tous les acteurs concernés. Quant aux instances du personnel, elles doivent être pleinement respectées par la reconnaissance de leur légitimité. Elles sont des acteurs et des interlocuteurs majeurs indispensables à la réussite des projets.


Et le paritarisme dans tout ça ? 


Nous nous interrogeons. Cela devrait être l'une des clefs pour redresser cette fusion mal engagée, mais n’y a-t-il pas au contraire une volonté politique de mettre à mal le paritarisme, voire de s’en débarrasser ?

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