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La période d’essai ne vaut pas engagement définitif : un truisme ?
Comme parfois les évidences n’en sont pas toujours pour certains, il ne semble pas inutile de rappeler que dans le cas où un salarié se trouve en période d’essai dans une entreprise, aucun motif réel et sérieux de licenciement n'est exigé par la loi lorsque l’employeur décide d’y mettre fin.
En effet, l’article L. 1231-1 du Code du travail prévoit que les dispositions relatives au licenciement ne s’appliquent pas à la période d’essai.
Ce principe est tellement ancré dans l’opinion publique que cela va sans dire mais il semble qu'il est toujours mieux de le dire… Cependant, ce n’est pas « la jungle juridique » pour autant puisque, même en période d'essai, l'abus de droit peut toujours être sanctionné.
En principe, durant cette période de « test » du nouveau collaborateur, chaque partie au contrat de travail reste libre de rompre l’essai, sans donner de motif. Quid ? est-ce à dire que la rupture de la période d’essai ne peut pas être fautive ? La réponse est bien évidemment non. Le fait que les règles qui régissent la rupture unilatérale du contrat de travail ne soient pas applicables pendant la période d'essai n’empêche pas les principes généraux de la responsabilité civile de trouver à s’appliquer. Aussi, la notion d'abus de droit pour sanctionner l'intention de nuire ou la légèreté blâmable de l’employeur sont des agissements fautifs qui peuvent donner lieu à réparation du préjudice subi par le salarié. On parle d’abus de droit lorsque les véritables motifs de la rupture sont sans relation avec l'aptitude professionnelle ou personnelle du salarié à assumer les fonctions qui lui sont allouées. Autrement dit, il s’agit de l’hypothèse d’un détournement de la finalité de la période d'essai. On avance la légèreté blâmable de l'employeur dans le cas où ce dernier aurait laissé croire au salarié « un avenir professionnel teinté de rose » ou ne lui aurait pas laissé le temps de faire ses preuves. De plus, la rupture est mise en œuvre dans des conditions qui révèlent une intention de nuire et/ou une légèreté blâmable si elle s’inscrit dans la précipitation intempestive ou bien encore dans la désinvolture.
- Il faut donc bien comprendre que c'est dans l'usage même de l'essai que réside l'abus qui peut alors être sanctionné par le versement de dommages et intérêts au salarié lésé.
En clair, gardons à l’esprit que la période d'essai est destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle du salarié eu égard au poste à pourvoir.
- Par conséquent, compte tenu de sa finalité, sa rupture doit avoir pour cause des considérations professionnelles. À titre d’illustration, une rupture de la période d'essai pour motif économique est donc à proscrire puisqu’elle serait motivée par des considérations non inhérentes à la personne du salarié : la conjoncture économique.
En tout état de cause, relevons ici que le juge fera une appréciation « in concreto » du litige qui lui est soumis et non une simple observation de la motivation invoquée ou du fait que la rupture soit précipitée. En outre, c’est au salarié qu’il appartiendra de rapporter la preuve de l'abus de droit invoqué.
- Récemment, la chambre sociale de la Cour de Cassation est venue rappeler que l'inexécution de ses obligations par l'employeur durant la période d'essai devait se traduire par l'indemnisation du préjudice subi et ne pouvait être considérée comme une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans cette affaire, il s’agissait d’un salarié qui avait été recruté avec une période d'essai de trois mois et qui avait décidé de mettre fin à son essai sous prétexte que son patron ne lui avait pas versé son salaire. En l’occurrence, il est limpide que le non-règlement du salaire est une inexécution fautive du contrat de travail par l’employeur assez grave pour pouvoir justifier une prise d’acte de la rupture de son contrat par le salarié… Mais, pour un salarié définitivement embauché en contrat à durée indéterminée. Dès lors, en cas de rupture abusive de l’essai en cours, seule une indemnisation du préjudice subi par le salarié est possible.