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22 / 11 / 2013 | 17 vues
Didier Cozin / Membre
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La mutualisation est un miroir aux alouettes en formation professionnelle

En 1995, l'économiste Jean Boissonnat estimait qu’en 2015 chaque travailleur devrait passer au moins 10 % de son temps travaillé à se former (donc près de 20 heures par mois).

En 2013, nous sommes très loin du compte. En France, aujourd’hui, chaque travailleur ne consacre en moyenne que 12 heures par an à se former.

La formation régresse partout dans notre pays depuis la crise de 2008 et notre compétitivité tient aussi dans l’insuffisante qualification de nombreux salariés (peut-être un tiers des 15 millions de salariés du secteur privé).

  • Parmi les pistes évoquées par certains partenaires sociaux, celle d’un abandon de certaines cotisations patronales ainsi que du principe de mutualisation mérite mieux qu’un rejet rapide sous prétexte qu’il faut aider les PME/TPE à former.

Après 40 ans de pratiques de ce système de la mutualisation, il faut honnêtement poser cette simple question : en quoi la mutualisation des fonds de la formation a-t-elle permis de former les salariés dans les petites structures depuis 1971 ? La mutualisation ne contribue-t-elle pas à rendre la formation coûteuse, cloisonnée et inefficace ?

En 2007 déjà, un rapport du Sénat (rapport sénatorial « le droit de savoir », avec plus de 300 pages d’auditions et 6 mois d’enquêtes) prônait l'abandon de la cotisation obligatoire des entreprises. Ce rapport expliquait que ces cotisations et les déclarations du type 2 483 étaient devenues contreproductives, sources de cloisonnement et de complexité inutiles en formation.

La mutualisation correspondait à une époque où les travailleurs changeaient rarement d’employeur et encore moins souvent de branche professionnelle ou de région. Aujourd’hui, elle empêche développement, simplification et fluidité en formation. En multipliant les interlocuteurs et les intermédiaires, on bloque aussi et surtout l’accès à la formation des moins qualifiés (qui sont les plus fragiles face à la demande de formation).

Au niveau des grandes entreprises (dont beaucoup disposent de sommes faibles pour former) comme des PME/TPE (qui souvent ne souhaitent pas consacrer de temps ou d’argent à la formation), la mutualisation à la française, cette belle et généreuse idée sur le papier, n’a jamais donné les résultats escomptés. Pire encore, elle pourrait être à l’origine de bien des maux qui frappent la formation en France.

Qu’est-ce que la mutualisation des fonds de la formation ?

La mutualisation consiste à rassembler les fonds de la formation dans un pot commun (le 0,5 % de la professionnalisation, payé par les seules entreprises de plus de 20 salariés, le 0,2 % pour les FONGECIFS) afin de privilégier les petites structures, censées ne pas avoir les moyens de former leurs salariés.

Pourquoi cela ne marche-t-il  pas ?

  • L’INSEE avançait récemment que les problèmes de financement ne sont pas uniquement liés à la taille des entreprises : l’accès à la formation dépend du secteur d’activité. Ainsi, dans les secteurs des « activités financières et d’assurance » et de « l’information et la communication », les salariés bénéficient de la plus forte participation aux formations professionnelles (respectivement 69 % et 62 %). Certes, les secteurs où la participation à la formation est forte sont aussi ceux où la proportion d’établissements de grande taille est importante. Mais les différences de participation entre secteurs d’activité restent toutefois marquées, indépendamment de cet « effet taille » d’établissement » > note INSEE n° 1468, octobre 2013


Parce que contrairement à une légende tenace, les grandes structures n’ont pas forcément des fonds importants pour former leurs salariés. Dans le secteur concurrentiel ou dans les services ou industries de main d’œuvre par exemple, là où la concurrence est forte et les marges faibles, les services de formation doivent gérer chichement des fonds qui suffisent à peine à former 10 ou 15 % des salariés tous les ans.

Parce qu’une grande entreprise doit planifier durant des mois ses actions de formation (et les plannings du personnel partant en formation) et qu’elle ne peut improviser ou s’appuyer sur des fonds aléatoires (25 € par heure en début d’année, 9,15 € au printemps puis plus rien en septembre, par exemple).

Parce qu’en l’absence de culture formation, les PME/TPE n’enverront guère plus en formation leurs salariés, même si elles ne paient rien. La culture formation manque partout en France et particulièrement dans les PME/TPE qui, payant très peu de cotisations formation, ont en général d’autres préoccupations que de former leurs salariés.

Avec le DIF, les petites structures avaient pourtant une occasion extraordinaire pour développer la formation (hors temps de travail car c’était la modalité principale du DIF). Elles n’en ont rien fait, se contentant de payer les quelques dizaines d’euros de leur cotisation formation comme une simple taxe.

Parce que le seuil fixé à 20 salariés pour payer « plein pot » les cotisations formation ne repose sur aucune réalité économique (une grande entreprise, c’est une entreprise de plus de 500 salariés, selon l’INSEE).

En France, chacun devrait prendre conscience que dès qu’il y a « pot commun » ou cotisations obligatoires et mututalisées, la mauvaise allocation des ressources, les gâchis et l'irresponsabilité dominent.

Quid de la « masse salariale » ?

La mutualisation enfin, c’est aussi la mise en œuvre de cotisations assises sur la seule masse salariale. Ce système est injuste car il fait cotiser les employeurs d’une manière inversement proportionnelle aux besoins en formation de leur personnel : les membres les moins qualifiés disposent de sommes très faibles (60 ou 80 euros par an) pour se former tous les ans (quand ils ont la chance de travailler à plein temps), alors que pour les plus qualifiés, les sommes disponibles sont souvent 5 ou 10 fois plus importantes.

En gros, moins on a de chance de se retrouver au chômage, plus on dispose de budgets conséquents pour se former (et inversement).

La solution


Un salarié = une somme fixe annuelle versée sur son compte personnel de formation.


Comme le suffrage universel a introduit l’équation un individu = une voix, il faut réintroduire de l’équité en formation, avec une somme fixe et obligatoirement versée par l’employeur pour chacun de ses salariés, quelle que soit sa durée de travail (on choisit rarement le temps partiel et on devrait pouvoir se former encore plus dans ce cas) et quelle que soit la taille de l’entreprise.

Une grande entreprise (de 21 salariés !) n’a pas à payer pour la formation d’une petite entreprise (de 19 salariés !). Chacun doit payer pour ses propres salariés. En voulant naïvement favoriser les « petits », la loi de 1971 portait déjà en germe l’inefficacité, la complexité et le cloisonnement dans lesquels tous les acteurs de la formation se débattent aujourd’hui.


En guise de conclusion

La mutualisation déresponsabilise les entreprises pour la formation des moins qualifiés. Les entreprises peuvent ainsi prétexter avoir épuisé leur budget ou ne pas être accompagnées par leur OPCA ou les pouvoirs publics.

En matière sociale, quelles que soient les décisions futures de la Cour de Cassation, le maintien de l’employabilité ne sera guère respecté si la loi persiste à mutualiser les fonds de la formation.

La mutualisation ne parvient aujourd’hui qu’à brouiller les cartes des financements et à remettre aux calendes grecques la formation de tous les travailleurs. Elle correspond à un modèle passé de carrières industrielles stables.

Au temps des réseaux et de l’économie de la connaissance, il faut bouger, changer, s’adapter en permanence, ne pas attendre durant 5 ans un CIF ou un financement pour se former.

Aucune réforme ne parviendra sans doute à changer la donne formation sans une remise en cause de la mutualisation des fonds de la formation.

Si redistribution il y a, celle-ci devrait être mise en œuvre via des abondements par les pouvoirs publics, les régions ou le FPSPP.

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