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La maîtrise des risques dans l'Industrie: Quels partenariats public-privé?
Le Syndicat National des Ingénieurs de l’Industrie et des Mines (SNIIM) avait retenu cette année pour thème celui des partenariats publlc-privé pour la maîtrise des risques dans l’industrie.
Près de 450 participants et une trentaine d’intervenants prestigieux pour animer les différentes tables rondes organisées autour de :
- La prévention des risques dans l’industrie : état des lieux
- Les risques d’incendie et d’explosion
- Les risques sanitaires
- Industrie et administration : comment assurer la confiance ?
Au-delà de la traditionnelle synthèse des débats, la dernière table ronde de la journée s’est attachée à tenter d’apporter des axes de progrès et de « partenariat productif » entre les principaux acteurs concernés par la problématique soulevée.
Les temps forts
Nicolas Incarnato, mandaté par plus de 85% des Ingénieurs de l'Industrie et des Mines, réunis au sein du SNIIM, a rappelé la volonté forte des IIM d'avoir tous les deux ans un rendez-vous d'échanges, sur des thématiques proches des métiers des IIM, entre l'administration, les entreprises privées, les syndicats, les élus et les associations. Il s'est dit très fier de constater que les Défis de l'Industrie ont fait figure de précurseurs et sont plus que jamais d'actualité pour évoquer ensemble des sujets qui nous concernent tous.
- Il a par ailleurs insisté sur le fait que « les entreprises, les pouvoirs publics mais aussi, les syndicats, les élus, les associations, oeuvrent tous, chacun à leur niveau, chacun avec leurs outils, pour une meilleure prévention et réduction des risques » et que « si chacun de ces acteurs partage ce même objectif, on constate que les approches sont souvent très différentes, en général menées parallèlement » pour finir parfois par se retrouver en opposition.
Fort de ce constat, le comité d'organisation a choisi pour cette édition de relever deux défis :
- Le premier, celui d'envisager des partenariats publics/privés dans l'exercice de la maîtrise des risques.
- Le second, d'inviter dans le débat le partenaire assureur, sur ce sujet au combien transverse aux 5 composantes de cette assemblée. »
- L'entreprise, pour qui, la gestion globale des risques est une préoccupation de chaque instant;
- l’assureur, qui se doit d’estimer au mieux la probabilité des risques liés à une activité industrielle et évaluer les conséquences d’un accident ;
- Les pouvoirs publics, garants de la protection des populations, des travailleurs et de l’environnement ;
- les syndicats, pour qui la prévention des risques, c'est d'abord la protection des travailleurs;
- les élus et les associations, qui jouent un rôle essentiel de relais vers les populations et de sensibilisation aux enjeux.
Sur ces constats il a souhaité que cette 7ème édition des Défis de l'Industrie® soit le lieu où seront lancées des passerelles entre ces différentes approches et ces différents acteurs, et esquissés les axes de progrès et les partenariats possibles.
André Claude Lacoste, Président de l'Autorité de la Sureté Nucléaire, Président d'honneur des Défis de l'Industrie® 2009, a rappelé que le risque industriel a largement fait partie de ses précédentes fonctions, et que c'était un honneur pour lui de présider un tel événement regroupant industriels, pouvoirs publics et société civile. Il a ensuite positionné les nécessaires échanges sur le risque, situé les Ingénieurs de l'Industrie et des Mines dans ce contexte, puis conclu en quelques mots :
Que signifie échanger sur le risque ?
La maîtrise des risques est devenue un objectif principal. Avant, en France, la prévention et la gestion du risque industriel engageaient essentiellement deux parties : l’Etat et les industriels, leur dialogue était plus ou moins réel.
L’introduction récente d’un troisième acteur, la société civile, marque une évolution majeure.
L’introduction récente d’un troisième acteur, la société civile, marque une évolution majeure. Ce dialogue à plusieurs, doit s’organiser avec la transparence et la maturité nécessaires pour créer des lieux de débat et d’échanges, de manière à passer, en ce qui concerne les risques, d’une situation subie à une situation connue et acceptée.
Organiser et participer à une telle journée est un moyen de prendre ses responsabilités dans la prévention et la gestion des risques, mais c’est également adopter une attitude citoyenne.
Les sondages quantitatifs, utilisés pour alimenter le débat d’aujourd’hui, constituent un élément fondamental au delà desquels nous devrons aller pour interpréter les réponses données et analyser les résultats de panels qualitatifs.
L’un des objectifs du dialogue est d’instaurer la confiance entre les interlocuteurs, et de faire comprendre leurs points de vue respectifs. J’ai conduit, il y a deux ans, une mission d’audit de sûreté nucléaire au Japon, où les différentes entités en présence ne se faisaient absolument pas confiance. Il était alors impossible de bâtir une vision partagée du futur.
Les ingénieurs de l’industrie et des mines (IIM)
Dans une démarche de sûreté, l’industriel est le premier responsable de la sûreté de l’installation qu’il exploite ou des activités qu’il exerce. Tous les pays dans lesquels cette notion a été oubliée –l’Union soviétique par exemple – s’en sont très mal trouvés.
L’État est chargé de définir les règles du jeu, d’en assumer la responsabilité et de contrôler les industriels. Il est fondamental pour l’Etat de disposer d’ingénieurs de haut niveau – de compétence et de formation –, qui possèdent la capacité d’analyse et de synthèse de problèmes complexes. Bien que la question d’assurer la sûreté sans eux revienne régulièrement, les IIM jouent donc un rôle très spécifique : l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) compte 436 agents en France, dont 40 % d’IIM occupant toute la gamme des postes disponibles au sein de cette structure.
L'ASN s'applique à conserver de bonnes relations avec ses homologues américains notamment, et à être reconnue par les citoyens. Dans ce contexte, je suis particulièrement satisfait des recrutements d’IIM que nous réalisons.
La prévention des risques dans l'industrie – État des lieux
Les positions respectives adoptées par les différents acteurs pour appliquer ou faire appliquer la réglementation socle de base incontournable ont été présentées et soumises au débat.
Les principaux éléments de ce débat sont rappelés ci-après :
- Accident AZF date majeure dans le débat public sur les risques, mais aussi en terme de concertation, maîtrise des risques, et réglementation. On est passé d'une notion de conformité à une notion d'acceptabilité.
Cette évolution a engendré par contre une « densification et une complexification réglementaire ».
La gestion du risque est aujourd'hui globale elle se traduit par une nouvelle approche probabiliste en lieu et place de l’ancienne approche déterministe, par une meilleure connexion entre réduction du risque à la source et vulnérabilité, ou encore par une approche beaucoup plus fine de la quantification des accidents et des dommages environnementaux». Cette évolution a engendré par contre une « densification et une complexification réglementaire ».
Les inspecteurs sont devenus des gendarmes, avec de fait pour l'entreprise, notamment les PME et PMI, une pression difficile à tenir et donc une adaptation nécessaire, cette adaptation ne peut être que progressive, avec nécessité de faire appel à des compétences externes, face à des situations complexes qui se rencontrent de plus en plus souvent.
Autre constat d'un élu, sans être experts, il y a nécessité de comprendre pour évaluer et participer à gérer le risque, l'information et la concertation doivent être favorisées pour aller au delà des positions d'idées et des postures de principe. La complexité nécessite de prendre du temps pour se comprendre, appréhender les enjeux, et assurer en définitive la clarté du débat public. Les CLIC vont dans ce sens, mais des progrès restent à faire pour assurer un échange avec une connaissance satisfaisante réciproque des dossiers, un tel équilibre devant permettre d’obtenir de réelles négociations et des concessions de part et d’autre entre les différentes parties prenantes..
L'assurance est outil financier de l'entreprise, mais pas seulement, c'est aussi un levier important de la prévention des risques, en particulier le montant de la prime est établi en proportion du risque.
- A ce stade et dans le contexte grandissant de la judiciarisation des crises, il faut également rappeler que l’assurance ne couvrira jamais la responsabilité pénale
Seuils et règlements sont des contraintes, mais ils sont là pour inciter au progrès dans la prévention du risque, qui reste la priorité de tous les acteurs.
Les propos suivants résument bien les discussions:
- « Il faut prendre le temps de se connaître et de se comprendre, la transparence interne et externe est à mettre au service de l'amélioration continue, les conséquences de l'impact des médias par leurs interventions sur la vie de l'entreprise (atteinte à l'image) doit être évaluée. Avec pour finir une question: En France la réglementation risque de tuer les entreprises industrielles, veut on encore une industrie en France? »
Risques d'incendie et d'explosion
Cet atelier a été l'occasion pour des intervenants d'origine variées (administrations, exploitants, assureurs et experts) de présenter leurs points de vue et d'échanger sur les 2 axes suivants : faire converger les approches visant à réduire les risques et lister les impacts et les axes d'améliorations et de partenariats pour l'entreprise en cas de sinistre
Après un bref rappel des dernières statistiques d’accident en matière d’incendie et d’explosion, l’accent a été mis sur les pertes potentielles pour l’entreprise en cas de sinistre et un cas réel d’incendie récent dans un entrepôt a été examiné. Un débat technique a ensuite été initié et a conduit les différents participants à aborder les thèmes de la sécurité incendie dans les entrepôts, l’efficacité et le coût des moyens de prévention et de protection.
La prévention a été mise en avant tant par l’assurance que par l’exploitant et l’administration qui a par ailleurs indiqué que des évolutions de la réglementation entrepôts (arrêté du 5/08/2002) devraient intervenir en 2009.
Les acteurs on montré qu’ils avaient un réel souhait et une réelle volonté de mieux travailler ensemble.
Risques sanitaires
Cet atelier rassemblant différents acteurs internes ou externes à l'entreprise a débattu à partir des exemples de pollution aux PCB et de la légionellose, autour des axes suivants :
- les enjeux de la maîtrise des risques et les évolutions réglementaires
- les bonnes pratiques en matière de prévention et gestion des risques sanitaires
- les outils de gestion des risques sanitaires et leurs limites
- la gestion de crise
- les stratégies assurantielles des entreprises
- les pistes pour une meilleure maîtrise globale des risques sanitaires.
- On peut retenir de cet atelier que ce thème est peu abordé par les industriels alors que les impacts médiatiques peuvent être très importants.
Des enjeux forts mais pas toujours évidents à cerner a priori:
- une réglementation évolutive souvent provoquée par l'apparition du risque et reposant sur la réduction du risque à la source;
- des bonnes pratiques mises en oeuvre par les industriels parfois plus contraignantes que les exigences réglementaires elles mêmes;
- la gestion de crise impose de communiquer;
- la transparence est moteur de la confiance;
- assurer ce qui peut l'être (la prise en compte du risque sanitaire par l'assurance est récente) : pour être assurable le risque doit être quantifiable, compris et aléatoire;
- un partenariat à établir entre tous les acteurs de la prévention, dépasser le simple dialogue industriel et administration. Des actions concrètes de travail en coopération entre les différents acteurs (industriels, associations, assureurs, …) ont été présentées.
Dans le domaine des risques sanitaires il faut poursuivre dans la voie engagée, avec un changement de culture pour passer du curatif au préventif, le risque c'est l'affaire de tous.
A l’issue des travaux des 2 ateliers 4 mots clés se dégagent et les résument : pédagogie, communication, transparence et confiance.
Un témoignage remarqué :
Celui d'Anne Lauvergeon, Présidente du Directoire d' Areva, qui a porté sur la notion de confiance. Confiance entre l'industrie et l'administration, confiance entre celui qui produit et celui qui contrôle.
L’industrie nucléaire ne peut se développer que si elle est acceptée, et elle ne peut être acceptée que si elle s’inscrit dans un cadre où règne un fort degré de confiance. Confiance des citoyens dans la compétence des acteurs économiques. Confiance des citoyens dans la rigueur des contrôles. Confiance aussi entre les différents acteurs de cette industrie.
Les industriels, et notamment les industriels qui exercent des activités aussi sensibles que le nucléaire, doivent veiller à placer au coeur de leur développement l’impératif de sûreté et de sécurité, l’impératif de transparence et la logique de progrès continu. il faut veiller à se connaître et à ne pas cantonner le débat aux techniciens. Car l’administration ne se résume pas aux techniciens :
- les responsables de l’ordre public ne sont pas forcément des scientifiques, les préfets pas forcément des ingénieurs, les ministres pas forcément des spécialistes et cette approche multidisciplinaire, multi compétences est d'une richesse fondamentale.
L’administration qui contrôle et l’industrie qui produit sont les composantes d’un système. La filière nucléaire repose sur ces deux piliers. L’un n’a de sens et d’utilité qu’avec l’autre. Pour relever les défis de la troisième révolution énergétique, et pour assurer la pérennité d’une filière qui fait honneur à notre pays, il faut préserver à tout prix cet esprit de système, qui fait, en autre, que les compétences et la réputation mondialement reconnues de l’ASN permettent d'en faire le promoteur des mesures de sûreté qui permettraient à terme que la certification d’un réacteur par une autorité de sûreté soit reconnue par ses homologues d’autres pays .
- Pour Anne Lauvergon : "La confiance ne peut pas exclure le contrôle, mais le contrôle ne doit pas non plus interdire la confiance"
Vers un partenariat productif
Avec comme objectif, la meilleure maîtrise des risques dans l’industrie, les intervenants devaient tenter d'apporter des axes de progrès et de partenariat entre les principaux acteurs concernés par cette problématique.
3 thèmes majeurs peuvent être retenus
1 - Vision, définition du risque
Le risque porte sur la réputation de l’entreprise, la dégradation de la cohésion de travail, l’efficience, la sécurité de ses produits et de ses services. Le risque peut-être social, professionnel (l'homme au travail) celui relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Le risque concerne l’articulation santé/environnement/travail et l’articulation activités économiques/population, sans oublier les risques émergents: OGM... Le risque est une notion plus élargie dans le domaine des assurances (risques industriels, naturels, machines, responsabilité civile, atteinte environnementale) pour répondre aux exigences réglementaires et aux besoins des industriels .
- La future norme ISO 31000 donnera une définition du risque pour que les acteurs parlent de la même chose. Cette norme apporte une garantie de terminologie et de méthodologie et propose des clés pour identifier les risques, les traiter, avec un projet de déclinaison par secteur d’activité et la sortiede documents d’explication (guides). La vérification et la surveillance des politiques conduites, la veille, et une meilleure exploitation du retour d’expérience sont également citées.
2 - Le partenariat nécessite des préalables
La mise en oeuvre d'indicateurs communs y compris l’expertise et le partage des outils d’expertise, la détermination des niveaux de responsabilités de chacun, un état d’esprit : dialogue mais confrontation, décision, rétro action et transparence. Le partenariat ne doit pas uniquement porter sur le domaine technique, une relation de confiance est nécessaire entre tous les intervenants, il y a nécessité de mettre en place une culture commune mais il faut du temps pour se comprendre. Il est noté également que des échanges avec l’administration seraient profitables car les modalités d’actions sont complémentaires.
3 - Les outils
L’évolution des exigences de société impose plus de contrôle et la séparation de l’assistance technique et du contrôle. Par contre, un travail d’accompagnement et d’assistance technique reste dévolu à l’administration. Le respect de la réglementation n’est pas le seul objectif à atteindre mais plus globalement ce qui est recherché c'est la réduction des conséquences du risque.
Tous s'accordent à reconnaître que la gestion globale du risque est une exigence vitale pour tous et une préoccupation de chaque instant, mais ne perçoivent pas forcément son impact comme outil de développement et campent sur des positions établies, parfois contraires à celle demandées par plusieurs intervenants de la séance introductive de la matinée et par une demande d'un participant dans la salle : pour la mise en place d' exigences concertées et plus homogènes entre les services de contrôle et les assureurs.
Un débat conventionnel, des positions établies, une frilosité affichée pour un partenariat productif, mais les attentes sont fortes et le SNIIM entend bien continuer à oeuvrer activement en ce sens.
La boite à outils
Dans le cadre de cette journée le comité d'organisation des Défis de l'industrie a mis à disposition des participants un document reprenant les Méthodes et Outils disponibles sur la maîtrise des risques industriels.
Les actes du colloque
Les actes complets du colloque du 24 mars 2009 seront publiés prochainement et mis à la disposition des participants et des personnes intéressées.
- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia