L’AFL-CIO démonte le mythe du sauveur suprême porté par Donald Trump
Cathy Feingold, responsable du secteur international de la centrale syndicale américaine AFL-CIO, a bien voulu livrer à la revue FO Hebdo quelques éléments sur la situation à laquelle sont confrontés les salariés aux États-Unis. FO Hebdo nous a autorisés à les reprendre pour Miroir social.
Donald Trump se présente comme le sauveur des travailleurs américains. Qu’en pensez-vous ?
Les accords de libre-échange ont sérieusement sapé la production américaine, dont l’automobile. Les travailleurs en ont donc tout naturellement assez que rien ne change, ce qui a permis à Donald Trump de s’appuyer sur leur souffrance, bien réelle. Le développement de notre secteur industriel et la création d’emplois de qualité est un objectif des syndicats américains. Nous soutiendrons les stratégies en faveur d’une industrie forte et du travail décent. Mais à ce jour, il apparait que la rhétorique et la stratégie de Donald Trump pour préserver les emplois aux États-Unis reposent sur l’intimidation publique, la casse des syndicats, le maintien des bas salaires, la déréglementation et la diminution des impôts pour les riches. Si la nouvelle administration ne soutient pas de fortes protections pour les travailleurs et un fort investissement dans l’industrie, cela sapera les fondements de la démocratie américaine.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets de contradictions de la part de Donald Trump ?
Le milliardaire explique qu’il comprend les problèmes des travailleurs. Mais ceux qui ont travaillé dans ses entreprises ces dernières décennies racontent une autre histoire. Il a régulièrement trompé les salariés, en se déclarant en faillite pour ne pas avoir à payer leurs salaires. Il a combattu les syndicats dans ses hôtels et ses casinos et n’a cessé de répéter que nos salaires étaient trop élevés. Durant sa courte carrière politique, il s’est mis à attaquer des gens qui font simplement leur métier, comme des journalistes et des dirigeants syndicaux qui dénoncent ses déclarations mensongères. On a pu récemment voir un exemple évident de cette tendance, quand Donald Trump a attaqué Chuck Jones, président du syndicat de la métallurgie USW Local 1999, sur Twitter parce que ce dernier avait réfuté ses déclarations sur le nombre d’emplois que l’entreprise Carrier allait soi-disant maintenir aux États-Unis. En réalité, il s’agissait pour Donald Trump, pour apparaître comme l’unique sauveur, de faire pression sur Carrier, en écartant les syndicats ; il a donc considérablement exagéré le nombre d'emplois sauvés auprès des médias.
Est-il exact que Donald Trump veut déréglementer le marché du travail et diminuer les impôts des entreprises ?
Dans l’immédiat, on ne sait pas encore exactement quelle sera la politique économique de Donald Trump mais avec le contrôle des deux chambres législatives par les Républicains, il est probable que le gouvernement fédéral fasse avancer les propositions qui bénéficieront au 1% de la population la plus aisée. Il y a longtemps que les Républicains veulent réduire les impôts des entreprises et le financement de Medicare et Medicaid (les programmes d’aide sociale pour la vieillesse et la santé, ndlr). Ils visent de surcroît la loi sur la protection des patients et les soins abordables (« Obamacare »), ce qui pourrait priver des millions d’Américains de couverture de santé.
Que pensez-vous de sa position sur le commerce international ?
Bien avant que Donald Trump ne vise la présidence, le mouvement syndical avait compris ce que notre politique commerciale entraîne pour les travailleurs. Nos stratégies commerciales néo-libérales sont un échec et nos syndicats se sont opposés aux législateurs républicains mais aussi à de nombreux démocrates. Donald Trump dit qu’il veut se battre pour des accords commerciaux qui placent les travailleurs au premier rang. Le président de l’AFL-CIO, Richard Trumka, a déclaré : « s’il est disposé à travailler avec nous, en cohérence avec nos valeurs, nous sommes prêts à travailler avec lui ». Nous avons élaboré un projet de renégociation du NAFTA (l'une des promesses de campagne de Donald Trump) qui donnerait la priorité aux droits du travail et aux investissements pour de bons emplois.
Que pensez-vous des différents ministres nommés ?
Nommer Andy Puzder au ministère du Travail revient à prétendre qu’il fera respecter des lois, que ses propres entreprises violent régulièrement : c’est une insulte aux travailleurs.
Globalement, les nominations démontrent que Donald Trump ne représente pas les valeurs et les enjeux que les électeurs de la classe ouvrière jugent importants. Son candidat au ministère de l’Économie et des Finances, Steven Mnuchin, est un milliardaire qui s’est enrichi en expulsant de leurs maisons des familles de travailleurs. Tom Price, veut privatiser Medicare et supprimer la couverture de soins pour des millions d’Américains. Le Sénateur Jeff Sessions, pressenti pour être ministre de la Justice, est coutumier des propos racistes et a à son actif un record de violations des libertés civiques, y compris le droit de vote. Quant à la nomination du PDG de la restauration rapide Andy Puzder pour le ministère du Travail, cela revient à prétendre qu’il fera respecter des lois, que ses propres entreprises violent régulièrement : c’est une insulte aux travailleurs.
Comment faire face à la politique de Donald Trump vis-à-vis de la population la plus vulnérable ?
Donald Trump a fait campagne sur les expulsions massives, l’édification de murs, le fichage obligatoire de tous les musulmans et la répression des communautés de couleur. Ces propositions sont une violation de nos principes fondateurs et de notre humanité. Sa rhétorique a inspiré des menaces réelles et sérieuses ainsi que des agressions physiques, commises par des partisans trop zélés, mais il reste silencieux et encourage ce type de comportements. L’AFL-CIO s’est déjà fortement opposée à l’application par l’administration Obama d’une politique d’immigration sévère. Donald Trump menace de faire pire, de multiplier et d’accélérer les expulsions, d’envoyer des policiers armés dans nos quartiers et sur nos lieux de travail et d’arrêter les membres de nos syndicats et de nos communautés. Au lieu de construire des murs, les travailleurs doivent construire un mouvement basé sur la solidarité, le partage de la prospérité et le rejet de ce type de rhétorique.