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07 / 04 / 2014 | 89 vues
Sylvain Thibon / Membre
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Instabilité des organisations, quelle influence sur l'activité ?

C’est la mode, c’est la crise, c’est la technologie, c’est le « turn-over », c'est moi qui décide, c'est… Tout est bon pour expliquer une transformation quasi permanente de nos organisations. Mais pourquoi donc, avec quels résultats, qui décide de tout cela ?


C’est une constante depuis quelques années, avec une réelle accélération depuis le début d’année 2014, la valse des cadres supérieurs ou intermédiaires accompagne des réorganisations dans tous les secteurs d’activités sans que l’on sache très bien si ces réorganisations sont réalisées pour tenter d’atteindre des objectifs commerciaux ambitieux ou si elles portent une autre volonté comme la réduction des effectifs, le renouvellement des salariés, des économies budgétaires… Peut-être tout cela à la fois ?

Ces réorganisations permanentes servent-elles les activités ? Nous avons maintenant assez de recul pour apporter une réponse précise à cette question : non.

À Canal+, l'activité de distribution peut servir de mètre-étalon pour juger de cette affirmation. Depuis 5 ans, ce pôle est en permanente évolution et restructuration. Les périmètres changent, les hommes et femmes qui les dirigent occupent leurs fonctions dans des durées qui se raccourcissent à vue d’œil (2 ou 3 ans au maximum). Ajoutons à cela des déménagements incongrus, de graves erreurs de casting et vous avez là le cocktail détonnant d’une organisation qui ne tient que par sa base, c’est-à-dire par les salariés qui justement restent stables dans leurs fonctions et qui assurent jour après jour la continuité de l'activité. Sans eux, sans ces salariés investis et responsables, le système bloquerait.  

Car, malheureusement, après ces bouleversements permanents, on ne peut pas dire que les résultats aient été probants sur l'activité et ce, malgré les investissements colossaux engagés pour penser la redistribution des missions et le périmètre des métiers. Pire, les conséquences de ces mouvements browniens ont un effet délétère sur le moral des troupes, accentuant un malaise perceptible du haut en bas de la hiérarchie.

Mais qui décide de ces bouleversements permanents ? Ce ne sont pas ceux que l’on croit légitimes à penser et à agir en ce domaine. Ici comme dans beaucoup d’entreprises en France, le pôle RH a pris une telle ampleur qu’il en vient à décider pour les opérationnels et c’est là que commence la dérive d’un système pensé loin de la réalité opérationnelle, en décalage souvent flagrant avec le terrain. 

Paradoxe, ces décideurs ne sont pas atteints eux-mêmes de ce mal du siècle, celui du « bougisme » permanent. Ils sont généralement bien installés depuis des années dans des fauteuils de direction confortables, actionnant les manettes d’un pouvoir devenu total, contrôlant tout et tout le monde, façonnant un monde idéal, un modèle d’entreprise théorisé dans des manuels anglo-saxons ou enseignés dans nos « meilleures écoles de commerce ou de management », un enseignement souvent très éloigné de la réalité opérationnelle d'une grande entreprise moderne. 

Ce système ne fonctionne pas. Ici comme ailleurs, chacun doit agir selon ses compétences et dans son périmètre de responsabilités. L'activité doit rester l’affaire des patrons commerciaux qui sont les seuls à posséder le savoir, la connaissance du terrain dans chacun de leur secteur respectif. Imaginer des organisations « en chambre », c’est inévitablement favoriser l’inefficacité, l’incompréhension, voire parfois le désarroi des équipes opérationnelles.

Concurrence exarcerbée

Aujourd'hui, nos activités sont en tension sous le double effet d’une grave crise économique qui oblige les Français à faire des choix mais aussi d’une concurrence de nouveau exacerbée avec notamment la chaîne Bein sports. Mais qui pourrait nier le fait que la réorganisation permanente et la déstabilisation de nos activités contribuent à favoriser l’atteinte de nos objectifs ? Que celui qui le démontrera se lève et nous en fasse la démonstration ! 

La triste réalité de cette situation se vérifie simplement dans la réduction des effectifs, le départ de nombreuses compétences, l’irrespect d’engagements sociaux notamment dans la gestion de carrières des « seniors » qui après 45 ans à Canal+ sont remerciés parfois sans ménagement, un poste par ci, un autre par là... 

En agissant ainsi, certains de ces dirigeants réaffirment leur volonté de conserver ou de rappeler que le pouvoir de décision se trouve en des mains bien précises : les leurs. Pour cela, rien de tel que de nommer, dénommer, virer et recruter des responsables commerciaux sur lesquels on garde un pouvoir démesuré mais au final destructeur de valeur. Valeurs commerciales, valeurs humaines : tout est bousculé par ce modèle qui devient incompréhensible pour beaucoup et finalement inefficace.

C'est inefficace, ça ne peut pas durer. Pour retrouver de l’efficacité, il faut de la stabilité, une stabilité qui n’est pas synonyme de rigidité. Si des activités doivent inévitablement se créer ou s’adapter, il n’est pas utile d’en faire de même pour toutes les activités. Cela n’a aucun sens. 

Une chose est certaine, réorganisation permanente rime avec malaise grandissant et démotivation. En redonnant le pouvoir d’organisation aux patrons commerciaux, en stabilisant des périmètres stratégiques de nos activités, nous favoriserons l’engagement et la mobilisation des salariés pour l’atteinte des objectifs collectifs et individuels. Cette stabilisation permettra également de contenir ou d'éradiquer le mal-être de nombreux collaborateurs dans le questionnement ou l'incompréhension lorsqu'ils sont au cœur de ces mouvements inexpliqués ou simplement débattus.

Cette nécessaire stabilisation de nos organisations constitue un enjeu essentiel pour le proche avenir alors que se dessinent déjà les contours du futur groupe Canal+ après la vente imminente de SFR. Refuser de se pencher sur cette question ne fera qu’accroître les tensions sans servir les intérêts de nos activités. Agissons.

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