Par un arrêt publié de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 2 décembre 2014 (n° 13-24029), les Hauts Magistrats retiennent l’intérêt à agir d’un syndicat contre les modalités d’une expertise judiciaire, la mission de l’expert étant susceptible de porter atteinte au droit syndical.
En l’espèce, le tribunal de grande instance, saisi par l’employeur, a ordonné sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile une expertise pour déterminer par quels moyens le délégué syndical central de l’entreprise ainsi que d’autres salariés ont pu accéder, sur le réseau informatique interne, à certaines informations confidentielles qui ne leur étaient pas destinées.
Rappelons que l’article 145 du code de procédure civile prévoit que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Le délégué syndical central et sa fédération ont, à leur tour, saisi le tribunal de grande instance d’une demande tendant à l’annulation de l’ensemble des opérations déjà menées par l’expert judiciaire et à la redéfinition de la mission de l’expert.
Ces derniers, ayant été déboutés par la Cour d’appel de Colmar en date du 12 avril 2013, ont formé un pourvoi en cassation.
La Cour d’appel avait déclaré irrecevable l’intervention de la fédération pour le motif qu’elle ne justifiait pas d’un intérêt à agir pour la défense de l’intérêt collectif de la profession, quand bien même l’un des trois salariés mis en cause pour avoir détourné des informations confidentielles par intrusion dans le réseau informatique de l’entreprise avait la qualité de délégué syndical.
Pour les juges du fond, de tels agissements ne relevaient pas de l’exercice du droit syndical. Il s’agissait d’agissements individuels de quelques salariés qui n’avaient pas pour conséquence de causer un préjudice quelconque à l’ensemble de la profession et donc à l’intérêt collectif de celle que la fédération représente.
La Cour de cassation n’a pas été de cet avis. En effet, sur le fondement de l’article L 2132-3 du Code du travail qui dispose que « les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice » et qu’« ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent », les Hauts Magistrats ont cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar. L’affaire sera renvoyée devant la Cour d’appel de Besançon.
La Haute Cour a considéré « qu’en statuant ainsi, alors qu’un syndicat a intérêt à contester les modalités d’une expertise lorsque la mission de l’expert est susceptible de porter atteinte au droit syndical, la Cour d’appel a violé le texte susvisé ».