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18 / 05 / 2015 | 8 vues
Xavier Berjot / Membre
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Salaire variable et rupture du contrat de travail : précisions

Quelle proportion du salaire variable est-elle due en cas de rupture du contrat de travail ? Les clauses imposant la présence du salarié au moment du versement des primes sont-elles valables ? Qu’est-ce qu’une clause de « bonne fin » ?

Le salaire variable peut être soumis à une condition de présence du salarié au moment de son versement


Pour la jurisprudence, une disposition de la convention collective, d’un accord d’entreprise, du contrat de travail ou d’un usage peut valablement soumettre le droit à une rémunération variable à une condition de présence du salarié au jour de son allocation.

À titre d’exemple, une prime de bilan résultant d'un usage de l'entreprise étant due uniquement aux salariés présents dans l'entreprise 90 jours après la clôture de l'exercice (le salarié ne faisant plus partie des effectifs de l’entreprise à la date du versement de la prime), celui-ci ne peut prétendre à aucune somme au titre de cette prime (Cass. soc., 21 septembre 2010, n° 09-41-147).

La Cour de cassation avait déjà jugé que l’employeur ne peut pas être condamné à verser une prime de rendement à un salarié qui a cessé ses fonctions au mois de mai, alors que le contrat de travail précise que cette prime, attribuée en fin d'année, est réservée au personnel en activité dans la société le 31 décembre de chaque année (Cass. soc., 24 novembre 1988, n° 86-42.995).

En présence de dispositions de la convention collective (ou du règlement intérieur) qui subordonnent le paiement d’une prime à une condition de présence, les tribunaux interprètent restrictivement les règles ainsi fixées.

En ce sens, la Cour de cassation a pu juger que  la stipulation d'un règlement intérieur selon laquelle la prime d'assiduité et la prime de résultat sont versées chaque année le dernier jour de l'exercice au personnel en fonction à cette date exclut de leur bénéfice les salariés ayant cessé leurs fonctions à une date antérieure, quelle que soit la cause de la cessation des fonctions (Cass. soc., 8 novembre 1984, n° 82-42.129).

Le comportement de l’employeur peut faire obstacle à la règle de la condition de présence

La Cour de cassation exclut parfois la règle selon laquelle le salarié ne peut prétendre à une partie de la rémunération variable s’il n’est pas présent à l’effectif au moment du versement de la prime.

Ainsi, la Cour d'appel, après avoir estimé que l'employeur, qui s'était engagé unilatéralement au paiement d'une prime d'objectifs à la condition de la présence du salarié dans l'entreprise au moment de son versement, avait abusivement licencié celui-ci, juge à bon droit que cette prime est due à l'intéressé (Cass. soc., 13 novembre 2002, n° 00-46.448).

La même solution a été adoptée s’agissant d’une prime de fin d’année (Cass. Soc., 12 juillet 2006, n° 04-46.290).

La rémunération variable est parfois due prorata temporis

Dans un arrêt du 5 mars 1993 (n° 89-43.464), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé, à propos d'une prime de 13ème mois, que le droit au paiement au prorata temporis d'une prime pour un salarié ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention expresse ou d'un usage.

Cette jurisprudence s’applique quelles que soient les primes variables en cause (ex. Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-47.271 ; Cass. soc., 28 septembre 2005, n° 03-42.963 ; Cass. soc., 11 octobre 2006, n° 05-44.779) : primes d’objectifs, sur chiffres d’affaires, de rendement…

Afin de condamner l’employeur à payer une partie de la prime au salarié, en cas de départ en cours d’année, les juges doivent donc constater l’existence d’un support juridique : contrat de travail, convention ou accord collectifs, usage…

Par exemple, ayant constaté que le contrat de travail prévoyait l'attribution d'un bonus annuel au profit du salarié et que ni le contrat ni la convention collective ne subordonnaient le versement de la prime à la présence du salarié dans l'entreprise au 31 mars de l'année suivante, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision de faire droit à la demande de rappel de salaire formulée par le salarié au titre du bonus (Cass. soc., 13 mars 2012, n° 10-16.802).

La rémunération variable est due si le salarié a été présent sur toute la période de son acquisition


Pour la Cour de cassation, le droit à la rémunération variable relative à une période déterminée est acquis du seul fait que cette période ait été intégralement travaillée par le salarié (Cass. soc., 3 avril 2007, n° 05-45.110).

En d’autres termes, il n’est pas possible de faire échec au droit à la rémunération variable, en considérant que le salarié n’a pas été présent à l’effectif à la date de son versement, si la période de perception de la prime a été remplie en totalité, quelle qu’elle soit (mensuelle, trimestrielle, annuelle…).

La Cour de cassation avait déjà statué dans ces termes à propos d’une prime d’intéressement (Cass. soc., 21 septembre 2005, n°01-42.399).

Les conditions de perception de la rémunération variable sont parfois écartées

Dans certains cas, la jurisprudence refuse de faire jouer les clauses (contractuelles, conventionnelles…) qui soumettent l’octroi de la rémunération variable à certaines conditions.

Ainsi, est nulle toute clause qui soumet le versement d'une partie variable de la rémunération à certaines conditions lorsque celles-ci portent atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié (Cass. soc., 18 avril 2000, n° 97-44.235).

En l’espèce, il s’agissait d’une clause du contrat de travail subordonnant le maintien du droit à une prime de fin d'année à la présence du salarié dans l'entreprise au 30 juin de l'année suivant le versement de la prime.

La clause de versement d'un élément de rémunération variable sous condition peut également être écartée si elle a pour effet d’aboutir à une réduction de la rémunération à un montant inférieur au minimum légal ou conventionnel (Cass. soc., 19 juillet 1995, n° 92-40.638) ou si la  faute de l'employeur en a empêché la réalisation (Cass. soc., 7 janvier 1992, n° 88-43.269) (cf § 2 ci-dessus).

Les clauses dites « de bonne fin » peuvent lier le droit à la rémunération variable à l’exécution ou l’encaissement de la commande


Le droit à la commission peut parfois être subordonné à l'exécution de la commande et/ou à l'encaissement du chiffre d’affaire.

La question se pose donc de savoir si, en présence d’une telle clause, le salarié peut prétendre à sa rémunération variable en cas de rupture du contrat de travail.

Pour la Cour de cassation, les clauses de bonne fin sont licites dès lors qu'elles ne privent le salarié que d'un droit éventuel et non d'un droit acquis au paiement d'une rémunération (Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 09-43.183).

En d’autres termes, le contrat de travail peut prévoir que la rémunération variable n’est pas due tant que l’encaissement du chiffre d’affaires n’a pas eu lieu, ce qui peut aboutir à la perte du droit à cette rémunération variable en cas de rupture du contrat de travail.
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