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25 / 11 / 2014 | 3 vues
Pascal Pavageau / Membre
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Réforme territoriale : déforme terri-létale

Ce seront donc 13 « grandes régions » au lieu de 22.

Si ce point retient l’attention des médias, il n’est en fait qu’un élément de la réforme territoriale qui a englobé l’acte III de la décentralisation.

En fait, les orientations de cette réforme sont bien plus fondamentales et profondes que la fusion imposée des régions. Elles menacent clairement l’égalité de droit républicaine et la présence de la puissance publique au plus proche des citoyens.

Le 2 juin 2014, de façon concomitante la Commission européenne diffusait ses « recommandations » concernant le « programme national de réforme de la France pour 2014 », et le Président de la République officialise sa réforme territoriale.

Cette contre-réforme territoriale s’inscrit clairement pour répondre aux injonctions européennes, elles-mêmes issues des engagements pris par les gouvernements eux-mêmes. La Commission ayant clairement indiqué que la France devait prendre des mesures préliminaires au processus de décentralisation (acte III) en cours d'ici décembre 2014, « en vue d'éliminer les doublons administratifs, de faciliter les fusions entre les collectivités locales et de préciser les responsabilités de chacun des échelons des collectivités locales ». 

La multitude de textes [1] qui formeront l’acte III de la décentralisation et la « réforme territoriale » ainsi que la cacophonie qui accompagne la procédure depuis 2012 rendent difficilement lisible le projet final.

Il est pourtant très clair à horizon de dix à quinze ans : l’analyse de cette circulaire intègre l’ensemble des textes appliqués à cette réforme depuis 2010 ainsi que les études d’impact du gouvernement sur les trois lois qui formeront l’ossature de la réforme.

Comme plusieurs élus et parlementaires le résument aujourd’hui, il s’agirait de faire évoluer l’organisation de la nation de  l’organisation : État-régions-départements-communes, à une nouvelle : Europe-régions-intercommunalités.

Réforme multi-légale

Officiellement, la réforme territoriale regroupera trois lois. La première est la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, dite de « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » [2] ou loi MAPTAM.

Ce texte comporte deux axes principaux que sont l’officialisation des métropoles (de droit commun ou de statut particulier) et la « rationalisation de l’action publique locale » (collectivités chefs de file/conférences territoriales de l’action publique : CTAP).

Il reprend également plusieurs dispositions relatives aux compétences des collectivités territoriales (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dépénalisation du stationnement payant, transferts des fonds européens aux régions…) selon une logique de régionalisation (transferts de compétences de l’État ou de collectivités aux régions).

La seconde loi « relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral » (qui doit être publiée au Journal Officiel d’ici fin 2014) modifie notamment la délimitation et le nombre des régions (de 22 à 13) et préfigure la disparation des départements.

Une troisième loi « portant nouvelle organisation territoriale de la République » (dite loi NOTRE) entame son parcours parlementaire avec une première séance publique au Sénat le 16 décembre 2014.

Ce projet de loi concerne le transfert des compétences État et collectivités essentiellement vers les régions et les intercommunalités (dont les métropoles) : pouvoir réglementaire donné aux régions, transfert des routes départementales et de l’entretien des collèges aux régions, transferts de compétences départementales aux métropoles, passage de 5 000 à 20 000 habitants pour les intercommunalités, suppression de la clause de compétence générale (supprimée par la loi de 2010 sur la réforme des collectivités puis réintroduite par la loi du 27 janvier 2014… Comprenne qui peut !).

Si ces trois lois formeront le squelette et le cœur de la réforme territoriale, l’acte III de la décentralisation est en fait déjà bien engagé et comprendra en réalité beaucoup d’autres textes législatifs : la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi Alur) ou encore les textes sur les rythmes scolaires instaurent déjà des transferts de missions.

Il en va de même des projets de lois sur la biodiversité, sur la transition énergétique et sur la santé qui régionalisent encore un peu plus ces politiques.

Au final, une dizaine de textes législatifs, sans liens ni cohérence entre eux, formeront cet acte III de la décentralisation. Si l’acte III décentralisateur et son volet « réforme territoriale » avaient pour objectif premier de rendre cohérente et plus lisible l’organisation territoriale de la nation, la cacophonie qui accompagne ce processus depuis octobre 2012 démontre qu’il ne sera pas atteint.

Au-delà du fond et de ses orientations condamnés par notre organisation syndicale [3], cet acte III de la décentralisation est complexe, touffu, sans cohérence d’ensemble.

Aujourd’hui, cet ensemble est tout simplement incompréhensible et illisible. C’est une approche bâclée, non concertée, et souvent remplie de contradictions internes. Elle réussit l’exploit de mécontenter tout le monde (associations d’élus, exécutifs locaux, parlementaires, responsables des administrations publiques, organisations professionnelles, organisations syndicales etc).

Il y a incontestablement une volonté d’évoluer ainsi : cette cacophonie et cette dispersion des textes permettent d’avancer masqué.

Le tableau n’est pas visible tant que toutes les pièces de ce patchwork n’y sont pas accrochées. Or, les études d’impact des lois et les débats parlementaires montrent aujourd’hui l’orientation finale qui est recherchée.

Pour notre confédération celle-ci serait nuisible à l’égalité de droit, à l’action publique de proximité et à la République.

Un millefeuille à seulement quatre feuilles

Le fameux « millefeuille territorial » est largement surfait puisqu’il ne contient que 4 feuilles : État, régions, départements et communes. On est un peu loin de 1 000…

Au niveau de la constitution et de l’organisation de notre République, le niveau des intercommunalités n’est pas une feuille spécifique. Seul le bloc communal compte.

On nous rabâche régulièrement le discours des doublons de compétences liés au « millefeuille territorial ». Or, tous les rapports publics montrent que ces doublons (qui étaient effectifs lors du premier acte de décentralisation dans les années 1980) n’existent plus, ou alors à la marge.

Lorsqu’il s’agit de montrer des exemples concrets de ces doublons, les seuls qui demeurent encore, en nombre très limités, sont entre les intercommunalités et les communes.

De toute façon, ce qui importe dans le millefeuille, ce n’est pas le nombre de feuilles mais la crème !De toute façon, ce qui importe dans le millefeuille, ce n’est pas le nombre de feuilles mais la crème !

La crème, c’est l’État : l’État garant, l’État stratège, l’État prestataire, l’État partenaire, l’État régalien.

Pour garantir l’égalité de droit, partout sur le territoire de la République, l’État doit intervenir en propre mais aussi pour suppléer un niveau (région, département ou commune) lorsque celui-ci ne peut exercer sa compétence : s’il y a un trou dans l’une des feuilles régionale, départementale ou communale, c’est à l’État d’occuper la place et de la combler.

Or, ce projet global de réforme territoriale assèche l’État et réduit le nombre de feuilles à 2.

Du millefeuille à la gaufrette

  • De l’État garant à l’État simple orientateur

La réforme territoriale et l’acte III de la décentralisation poursuivent la suppression des compétences de l’État, notamment en les transférant aux régions et parfois aux métropoles. Le lien entre cette réforme et la « réforme de l’administration territoriale de l’État ou RÉATE » ainsi que la suppression ou le transfert des missions de l’État est fait dans les textes de loi ou réglementaires : il s’est engagé en 2008 et s’est accéléré avec les deux RÉATE (2010 et 2013), la loi du 16 décembre 2010 [4] puis les politiques d’austérité et leurs budgets de rigueur successifs depuis 2010.

Comme le « livre noir de la RGPP » le montrait dès 2011 et comme l’ouvrage de Force Ouvrière Il faut sauver le service public le démontre avec plus de 250 exemples concrets, l’État se contracte sur des missions régionalisées ou centralisées et n’agit presque plus de façon opérationnelle au plus proche des usagers.

C’est une véritable désertification territoriale de l’État qui est à l’œuvre, surtout depuis que le préfet de département est devenu un sous-préfet de région sous l’autorité hiérarchique du préfet de région. Depuis 2007, les deux tiers des effectifs des services déconcentrés de l’État ont été supprimés dans chaque département non préfecture de région.

L’objectif est de réduire l’État à quelques missions régaliennes et à de grandes orientations générales. Le projet de loi dit de « transition énergétique » en est une illustration parfaite : on privatise ou on transfère aux régions la réalisation des grandes missions et les interventions opérationnelles qui devront s’inscrire dans un cadre général de long terme qu’affiche l’État.

C’est finalement supprimer l’État garant, l’État prestataire et acteur, l’État intervenant pour n’avoir qu’un État orientateur (pas même stratège puisqu’il sera privé de toute capacité d’intervention et plusieurs missions régaliennes sont privatisées ou transférées aux régions). Cela s’opère rapidement : il suffit de regarder [5] ce que l’État a perdu comme missions, comme implantations, comme capacités d’interventions en seulement dix ans.

À court terme, la couche supérieure et la crème du millefeuille se retrouvent supprimées.

  • Vers une fédération de régions autonomes


Pendant deux siècles, la République, une et indivisible, a pu concilier l’unité et l’action de l’État et l’exercice le plus libre possible de la démocratie locale, avec parmi les garde-fous le respect de l’égalité de droits. Jusque dans les années 1960, le choix de régions aux tailles réduites et humaines intégrait ces principes. Y compris parce que « plus c’est grand, plus c’est communautariste et identitaire ».

La logique qui a concouru au choix des 22 régions était d’arriver à des « tailles humaines et anti-communautaristes ».

En 48 heures d’arbitrage en catimini, sans concertation ni du Parlement, ni des exécutifs concernés (conseils régionaux et conseils généraux), en privilégiant des intérêts politiciens, le Président de la République a réorganisé, seul, la République et déterminé un passage de 22 régions métropolitaines à 14 (puis à 15, pour terminer à 13). Conformément aux injonctions de la Commission européenne, le chef de l’État justifiait d’ailleurs qu’elles « seront ainsi de taille européenne ».

Dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, il rappelle également que ces nouvelles « grandes régions » auront davantage de responsabilités : « elles seront la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi, pour intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports. Elles géreront les lycées et les collèges. Elles auront en charge l’aménagement et les grandes infrastructures ».

C’est donc, comme nous le dénonçons  depuis octobre 2012, une organisation de la République en fédération de régions, très autonomes (y compris vis-à-vis du droit national) aux pouvoirs d’adaptations locales et s’intégrant dans le modèle d’une « Europe de grandes régions » défendu par la Commission européenne.

À l’issue d’un processus qui aura vu renaître des communautarismes d’un autre âge, le Parlement vient d’arrêter une organisation à 13 régions.

On peut s’étonner et s’offusquer du déni démocratique de la procédure : par exemple, le référendum local, obligatoire jusqu’à maintenant en cas de fusion ou regroupement de collectivités territoriales et qui a notamment permis aux Alsaciens de bloquer la mise en œuvre du projet de collectivité unique d’Alsace en 2013 [6], a été supprimé par la deuxième loi de la réforme territoriale. Alors que l’État se régionalise lui aussi (à noter que le regroupement de régions conduira aux mêmes effets sur l’organisation de l’État qui se retirera encore un peu plus loin de l’usager : Matignon vient d’ailleurs de demander aux préfets des régions Bourgogne et Franche-Comté de préfigurer l’adaptation régionale de l’État à la future grande région), l’éloignement de l’exécutif régional va entraîner à chaque fois une accessibilité réduite au nouveau « siège de la grande région » surtout pour les zones les plus périphériques et avec un « nombre d’élus plus limité », comme le précise de Président de la République.

Évidemment, comme toujours dans cet acte III, le nombre de 13 n’est pas encore stabilisé. Il y aura des débats locaux et des « droits d’options ».

Mais à la limite, l’essentiel n’est pas que le nombre de régions se stabilise finalement à 13, 14 ou 15. Ce qui est grave est le fait qu’elles deviennent autonomes sur les plans normatif et règlementaire.    

Elles disposeront de moyens financiers propres (impôts locaux spécifiques supplémentaires [7] dès 2016) mais aussi de pouvoirs normatifs et réglementaires.

Ces nouvelles baronnies régionales auront en effet les pleins pouvoirs sur presque toutes les missions publiques jusqu’alors de la responsabilité de l’État. Pour le gouvernement, « il s’agit également d’inviter le législateur comme le pouvoir réglementaire national, à laisser aux régions des marges de manœuvre dans l’application des lois, soit en s’abstenant d’intervenir soit en habilitant expressément les régions à adapter les règles ».

Pour la confédération FO, cela serait contraire à l’article 72 de la Constitution. Rappelons par exemple que l’un des premiers arguments des élus locaux d’Alsace qui prônaient une « collectivité territoriale unique d’Alsace » était de pouvoir adapter le code du travail et le SMIC afin de pouvoir être compétitifs face à leurs voisins allemands et suisses.

Cet argument revient en force auprès des chantres d’une Alsace unique et indépendante dans le cadre des débats en cours sur la future carte des régions…

Notre confédération s’oppose à cette balkanisation de l’action publique qui conduirait à autant de politiques (y compris sociales) et de droits que de régions.

13 régions et 13 SMIC ou 13 RSA différents

C’est l’unicité de la République et l’égalité de droit qui sont en jeu.

  • Supprimer le conseil départemental, c’est supprimer le département


L’autre orientation majeure de cette contre-réforme est la suppression des conseils départementaux (ou conseils généraux) à horizon 2020. Si cela concerne clairement les 96 départements métropolitains, rien ne semble encore décidé pour les départements et régions d’outre-mer.

Comme nous l’indiquons et le dénonçons depuis 2012 et l’origine de cet acte III, cette suppression à terme des conseils départementaux, précédée d’un retrait territorial majeur de l’État depuis 2010, conduirait à un nouvel éloignement du service public républicain des usagers, particulièrement des plus démunis.

Là encore, le message est incohérent : d’un coté le Président de la République et le Premier Ministre rappellent que le conseil général joue un rôle essentiel dans la solidarité de proximité, notamment la gestion des prestations et des aides aux personnes les plus fragiles. De l’autre, ils indiquent transférer les missions départementales aux grandes régions, très éloignées des usagers.

FO rappelle son opposition à ces destructions des conseils départementaux. D’autant que leur suppression conduirait à la suppression de l’échelon constitutionnel du département : en effet, depuis 2010, les préfets de département sont sous l’autorité hiérarchique de « leur » préfet de région.

Il n’y a donc plus d’exécutif départemental de l’État et supprimer l’exécutif territorial qu’est le conseil départemental reviendrait de fait à supprimer le département.  

De plus, la « phase transitoire » organise clairement une balkanisation de l’action publique évoluant selon une instabilité permanente : entre 2015 et 2020, les conseils généraux organiseront le transfert de leurs compétences à leur région, aux métropoles ou aux intercommunalités comme ils le souhaitent, donc de façon différente d’un département à l’autre.

Si cela ne suffisait pas, les « expérimentations seront encouragées et facilitées ». De plus, un droit d’option sera organisé pour permettre à un conseil départemental d’aller s’intégrer à une autre région que celle dans laquelle il se retrouve.

Enfin, au sein d’une région, les compétences réparties entre celle-ci et les métropoles et intercommunalités pourront se voir changer de porteur tous les trois ans au gré des évolutions décidées par les élus au sein de la conférence territoriale de l’action publique de la région.

Au final, une compétence actuellement de la responsabilité des 101 conseils généraux (RSA, APA, politiques sociales, routes etc) sera transférée de façon différente d’un département à l’autre soit à la région, soit à la métropole, soit à une autre intercommunalité.

  • Vers une Commune à 20 000 habitants

Cette réforme porte aussi les germes de la suppression à terme des 36 000 communes. Par la création des métropoles et par l’obligation faite depuis 2010 à chaque commune d’être rattachée à un EPCI, l’intercommunalité est devenue la norme institutionnelle de l’action publique locale.

Depuis la loi du 16 décembre 2010, chaque commune dépend donc d’une intercommunalité d’au moins 5 000 habitants. La réforme territoriale en cours accentue ce processus en imposant un rattachement à au moins 20 000 habitants. Une fois constituées ces intercommunalités urbaines (métropoles) ou rurales (d’au moins 20 000 habitants), leurs compétences étant celles des communes (et certaines issues des départements), l’objectif est de passer au suffrage universel direct pour l’élection de leurs exécutifs respectifs. Ce sera alors la fin des 36 000 communes.

Tout au bout, l’affichage est de passer d’un élu pour 104 habitants aujourd’hui, à un pour plus de 2 000.

La plus petite commune sera de 20 000 habitants, en zone rurale de surcroît : il sera dès lors impossible de pouvoir rencontrer les élus locaux, a fortiori sur des périmètres gigantesques (en zone rurale, regrouper 20 000 habitants nécessitera une zone de plusieurs centaines de km2).

Dans la Marne ou en Lozère, il faudrait regrouper plus de 190 communes actuelles pour atteindre ce seuil. Remonter les élus à un échelon d’au moins 20 000 hectares les rend inaccessibles à leurs concitoyens. La mairie est pourtant trop souvent maintenant le dernier service public accessible. Le développement autonome des communes permet de coller aux réalités du terrain. Le maillage fin des 36 000 communes et de leurs élus locaux de proximité permet également d’éviter toute concentration future métropolitaine ou régionale de l’action publique.  

Le maire reste l’entrée de tous les acteurs publics, il est le dernier représentant public à « portée de gifle » du citoyen. D’ailleurs, les « grandes villes » développent les « conseils de quartiers » par souci d’essayer de retrouver des élus de proximité. Les communes, particulièrement les deux tiers d’entre elles à moins de 1 000 habitants, sont les briques du mur de la démocratie. Les supprimer, ainsi que les départements, créerait une désertification de la puissance publique, un abandon de la République au plus proche des citoyens ouvrant alors la voie aux communautarismes, poujadismes et autres populismes.

  • D’un « 4 feuilles et leur crème » indivisible à 13 gaufrettes autonomes

Avec cette réforme, la puissance publique de la République passerait donc du « millefeuille à 4 feuilles et sa crème » à simplement « une gaufrette à 2 couches » : régions / métropoles et communes à 20 000 habitants. Ou plus exactement à 13 gaufrettes indépendantes les unes des autres.

Cette régionalisation-métropolisation éloigne les prises de décision des citoyens et la concurrence entre ces vastes entités va creuser et créer des inégalités territoriales sur le territoire de la République. Il s’agit d’un éloignement sans précédent de la puissance publique. Les routes départementales d’Aurillac deviendront des routes régionales dont la gestion sera décidée à Lyon. Les aides aux personnes dépendantes de Tulle seront gérées de Bordeaux.

Les collectivités ont été des digues de protection républicaine quand l’État a commencé à déserter le niveau local il y a dix ans. Elles sont aujourd’hui menacées à leur tour.

La suppression des échelons communaux et départementaux et de leurs actions réduira l’initiative locale. Préserver et renforcer nos collectivités et nos services publics de proximité, c’est préparer l’avenir ; c’est se protéger des crises ; c’est permettre des réactions rapides en cas d’événements dangereux ; c’est assurer une démocratie suffisamment solide pour combattre les inégalités et les discriminations ; c’est garantir la cohésion sociale partout, notamment là où elle est si difficile à maintenir.

Comme l’indique FO, cette réforme territoriale et l’acte III de la décentralisation dans sa globalité, remettent en cause l’indivisibilité, la cohérence, la lisibilité, l’unicité et, du coup, l’égalité républicaine, c'est-à-dire l’égalité de droit. La suppression programmée des communes et des départements et la fusion des régions accompagnées de la suppression de l’État territorial fragilise la République et éloigne le service public des usagers et plus globalement la puissance publique des citoyens.

À court terme, plus de 300 000 fonctionnaires et agents publics territoriaux sont menacés de perte d’emploi (notamment les nombreux contractuels, dans les conseils généraux ou les nombreux établissements publics locaux).

Entre les agents de l’État transférés et les agents territoriaux, plus de 400 000 connaîtront des mobilités fonctionnelles et géographiques forcées pour rejoindre une intercommunalité ou une « grande région ».

Le tout selon des cadres différents à instabilité permanente, les compétences pouvant évoluer entre régions, métropoles et intercommunalités tous les trois ans.

Pour toutes ces raisons, la confédération FO s’oppose à cet acte III de la décentralisation qui, de surcroît, ne réalisera aucune économie budgétaire mais conduira à détruire (et ainsi privatiser) des missions publiques essentielles.

Derrière cet abandon de la République au plus proche des plus démunis, c’est un risque démocratique que représente cette contre-réforme.

[1] Commentaires du 7 septembre, du 10 octobre, du 13 novembre 2012, du 4 avril 2013, du 22 avril 2014 et du 5 juin 2014 « déforme territoriale ».
[2] Analyse complète et détaillée de cette première loi de l’acte III, article du 22 avril 2014.
[3] commentaires du 7 septembre, n° 146 du 10 octobre, du 13 novembre 2012, du 4 avril 2013, du 22 avril 2014 et  du 5 juin 2014 « déforme territoriale ».
[4] Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales : nos commentaires du 5 mai 2011, du 16 août 2011 et du 3 janvier 2012.
[5] Voir livre FO Il faut sauver le service public, octobre 2014, éditions Librio.
[6] En 2012 et 2013, Force Ouvrière a fait campagne pour le « non », c’est-à-dire contre le regroupement des deux conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin avec la région Alsace.
[7] Il est quelque peu contradictoire de confier aux régions et métropoles de nouveaux pouvoirs et responsabilités d’un côté et de leur imposer de l’autre côté une réduction de dotation budgétaire de 20 milliards entre 2010 et 2017 y compris pour l’exercice de missions publiques qui leurs sont transférées.

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