Peut-on bien travailler si on est mal logé ?
Comment cette initiative « bien se loger pour bien travailler » est-elle née ?
Nous sommes partis du postulat selon lequel les gens qui connaissent des soucis de logement sont fragilisés dans leur travail ou dans leur accès à un emploi. C’est ce que nous constatons lors des missions que nous menons dans les entreprises pour les CE et les CHSCT. Ainsi, lorsque nous conseillons les CE dans le cadre de projets de restructuration ou les CHSCT dans le cadre de projets de déménagement, nous mettons en évidence les conséquences des mobilités contraintes qui deviennent souvent un frein à l’emploi. On reproche aux salariés de ne pas être mobiles car ils seraient « réticents au changement » mais a-t-on bien conscience des freins et des conséquences parfois dramatiques que ces mobilités imposées peuvent avoir pour la vie familiale et l’équilibre social ?
Il existe peu d’études pour documenter ce type de questions : en 2011, l’étude du Credoc démontrait qu’en cinq ans, 500 000 personnes sont passées à côté d’un contrat de travail faute d’avoir trouvé un logement !
Aujourd’hui, le message, amplifié avec la crise, des salariés que nous rencontrons dans le cadre de nos missions, est clair : lorsque le logement est inadapté ou trop éloigné du lieu de travail, l’accès à l’emploi ou le maintien dans l’emploi s’en ressent et cela a des répercussions, fortes et handicapantes, sur les conditions de travail, la santé ou l’équilibre avec la vie de famille.
Quelle méthode avez-vous mise en place et que recherchez-vous ?
Notre démarche est innovante et inédite. Elle se concrétise par la mise en ligne sur internet d’une grande enquête publique accessible à tous. Le questionnaire est en ligne à l’adresse suivante : www.bien-se-loger.fr. Tout le monde peut y répondre. L’idée est de toucher le plus grand nombre de gens, de récolter leurs témoignages et de disposer, en fin d’année, d’un échantillon suffisamment large pour être pertinent et probant. Il s’agit d’une enquête anonyme, qui va nous permettre de rendre compte de ce que le « comment on est logé » implique chaque jour : professionnellement, certes, mais aussi socialement et personnellement.
Nous sommes bien conscients que la difficulté de révéler où l’on vit ne touche pas seulement les gens à la recherche d’un emploi ou en situation de « travail pauvre ». Cela concerne aussi des salariés en activité. Notre enquête va permettre de les quantifier, au même titre que les populations exclues de l’emploi.
Mais aussi (et peut-être surtout) le questionnaire va permettre de restituer le ressenti des gens et ça, c’est quand même du jamais vu sur ce type de problématique ! Car si mon logement est un frein dans mon travail, ce n’est pas seulement parce qu’il est loin ou insalubre. Mais c’est peut-être parce qu’il constitue un frein à mon intégration sociale : si j’ai honte de recevoir chez moi, si je me sens exclu de mon cercle professionnel parce que j’habite dans tel ou tel quartier etc.
Avez-vous déjà eu des premiers retours quant à la démarche ?
Oui, nous l’avons présentée en marge du dernier congrès de l’Union sociale de l’habitat, à Lyon. Nous y avons rencontré un accueil très favorable. Par ailleurs, je tiens à remercier les organismes et les entreprises qui ont déjà intégré notre questionnaire « bien se loger pour bien travailler » à leur intranet et qui incitent leur personnel ou leurs salariés à y répondre.
Comment avez-vous construit le questionnaire en ligne ?
Le questionnaire a été bâti de telle façon que tous (salariés ou chômeurs) peuvent y répondre. Il comporte 48 questions concernant aussi bien des données quantitatives (telles que le montant de votre loyer et de vos charges) que des questions plus personnelles sur votre vécu au regard de votre logement.
En fin de questionnaire, vous avez également la possibilité de laisser un commentaire pour préciser tel ou tel élément.
Enfin, vous pouvez nous contacter en nous écrivant à l’adresse : cgtbienseloger@secafi.com.
Combien de temps durera cette campagne ?
L’enquête sera en ligne jusqu’à la fin du mois de décembre. Les résultats seront analysés début 2015 et feront l’objet d’une communication de grande ampleur.
À l’heure où l’on parle de crise du logement et de crise du travail, il convient de rebattre les cartes et de relier avec davantage d’ambition les politiques du logement et les politiques de l’emploi. Dans les entreprises également, nous portons la conviction que les questions de logement peuvent et doivent faire partie des sujets de dialogue social : parler de conditions de travail, c’est aussi parler de conditions de logement.