Organisations
Une prime pour les agents de la fonction publique mobilisés sur le terrain dans la gestion de crise
L’Association des DRH des grandes collectivités territoriales est fortement impliquée sur les enjeux RH liés à l’état d’urgence sanitaire : recommandations au début de la crise sur la poursuite de la rémunération des contractuels et des vacataires, précisions sur les modalités des réaffectations d'agents, demande de suspension de la journée de carence…
A ce titre, elle a mené une réflexion avec l'ensemble de ses adhérents lors de réunions en visioconférences sur l’organisation du temps de travail et la gestion des congés pendant la durée du confinement ainsi que sur le versement d'une prime spécifique.
Gestion des congés et des RTT pendant la durée du confinement
L’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos précise pour le seul secteur privé les conditions et modalités permettant à l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les jours de congés, les jours de réduction du temps de travail et les jours de repos. Cette ordonnance n’est pas applicable à la fonction publique. Bien que donnant des orientations, le Gouvernement devrait l'étendre à la Fonction publique.
Rappel de la réglementation en vigueur
Selon la DGAFP, le droit en vigueur confère déjà dans l’intérêt du service à l’autorité territoriale l’ensemble de ces pouvoirs exorbitants du droit commun. Dès lors, il convient de s'appuyer sur les textes applicables en la matière, à savoir le décret n°85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux.
Ainsi, l'article 3 rappelle que c'est à l'autorité territoriale d'arrêter le calendrier des congés après consultation des agents. Ce même article rappelle la priorité aux fonctionnaires chargés de famille pour les choix des congés.
Si les agents ont bien évidemment un droit à congés, ce dernier s'exerce dans le cadre des règles fixées et en lien avec les nécessités de service justifiées par la continuité du service. Ainsi, la continuité du service doit s'apprécier au regard des contraintes de fonctionnement exceptionnelles liées à l'activation des plans de continuité d'activité face à la crise du Covid 19.
Certaines analyses juridiques, s’appuyant notamment sur la jurisprudence, considèrent que l’autorité territoriale ne peut imposer des congés aux agents (CAA Versailles, 13 mars 2014, n° 13VE00926).
Congés annulés
Dans le respect des garanties minimales en matière de temps de travail, de temps de repos et d’amplitudes quotidiennes et hebdomadaires, la continuité du service peut conduire à annuler des congés validés préalablement pour celles et ceux dont les activités sont reconnues comme essentielles ou devant être réaffectés sur des activités essentielles dans les PCA.
Congés imposés
Même si la règlementation peut être interprétée diversement, il parait nécessaire de trouver un équilibre dans la gestion des congés entre les agents en PCA et les agents hors PCA.
D’un côté, certains sont confinés sur décisions gouvernementales (Autorisation Spéciale d'Absence), et de l’autre l’autorité territoriale demande, en prenant toutes les mesures de protection nécessaires, aux agents d’assurer la continuité de service sur les missions essentielles de la collectivité. Il y a là une différence de traitement importante entre les agents même s’ils ne sont pas à l’origine de cet écart.
De plus, l’autorité territoriale, pour la bonne gestion des PCA, pourra être amenée à refuser des congés aux agents missionnées sur les activités essentielles.
Recommandations par l'Association des DRH des grandes collectivités territoriales
Pour garantir la continuité du service lors de la reprise d'activité complète et rétablir de l'équité, l'Association des DRH des grandes collectivités territoriales recommande :
- de laisser aux employeurs la possibilité d’imposer une semaine de congés aux agents hors PCA sur la durée du confinement si celui-ci est de six semaines (soit cinq jours de congés imposé ou l'équivalent d'un jour de congés imposé par semaine de confinement).
- Un dialogue préalable et nécessaire avec les organisations syndicales dans le cadre formel déterminé par l'ordonnance dédiée.
- Un portage par la hiérarchie et explication pédagogique aux agents : le mois d'avril étant un mois avec des vacances scolaires, la très grande majorité des agents auraient posé des congés pendant la période ;
- En ce qui concerne les agents placés en ASA (Autorisation Spéciale d'Absence), les nécessités de service et la continuité de service pourraient impliquer de revoir l’octroi de ces autorisations et d’imposer, pour une période déterminée, ces congés. Compte-tenu du droit en vigueur et de certaines imprécisions juridiques, l’Association recommande qu’un nouveau texte soit pris pour venir préciser cette possibilité.
Gestion des RTT
En ce qui concerne les ASA, il convient d'appliquer les principes réglementaires rappelés par la DGAFP : les ASA ne génèrent pas de RTT.
Recommandations par l'Association des DRH des grandes collectivités territoriales
Pour les agents en télétravail (en PCA ou non), la recommandation de l'Association des DRH des grandes collectivités territoriales est de ne pas réduire les RTT compte-tenu de l'impossibilité pour les employeurs de garantir les conditions pour exercer les missions dans de bonnes conditions (télétravail à temps plein sans préparation ni anticipation).
Supprimer des RTT reviendrait en effet à générer des discriminations selon que les agents aient des charges de famille ou non. Par ailleurs, cela ouvrirait le débat sur le droit à la déconnexion que les employeurs ne peuvent garantir actuellement.
En ce qui concerne le report de congés ou RTT : le déplafonnement des comptes épargne temps à titre exceptionnel créera d'autres difficultés à moyen terme. Mais, cette option pourrait être ouverte en limitant la possibilité d’alimentation des CET aux seuls congés non pris de 2019.
Versement d'une prime spécifique à l'issue du confinement
Par l'ordonnance présentée en Conseil des ministres le 1er avril 2020, le Président de la République et le Gouvernement ont donné la possibilité d'instaurer une prime spécifique permettant de valoriser les salariés du secteur privé. L'Association des DRH des grandes collectivités souhaite que les agents de la fonction publique mobilisés en présentiel dans le cadre de la gestion de crise puissent bénéficier d'une telle prime. En effet, les services publics essentiels ont été maintenus sur l’ensemble du territoire grâce à la forte mobilisation des agents publics.
Au moment où le service public est très mobilisé, la création d'un support juridique adapté et spécifique serait un véritable signal positif et une reconnaissance à l'égard des agents publics impliqués.
A défaut de textes juridiques spécifiques, les incertitudes relatives à la légalité de l'activation du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) ainsi que les disparités entre les métiers créeraient des difficultés de mise en place dans un délai raisonnable d'une prime attendue.
Le RIFSEEP ne peut pas en l'état être le support juridique pour verser la prime car plusieurs métiers mobilisés par les plans de continuité d'activité ne sont pas concernés par le RIFSEEP faute de décrets (ex : filière médico-social, police municipale).
L'Association des DRH des grandes collectivités demande que cette prime soit défiscalisée et exonérée de cotisations sociales comme dans le secteur privé.
Avec un support juridique spécifique, la prime spécifique pourrait ainsi être rapidement versée aux agents mobilisés par les PCA et ce, sans "tergiversation juridique inutile".
Les montants, fixés librement par chaque collectivité, pourraient être modulés selon l'exposition et la mobilisation des agents dans le cadre des PCA (différenciation des agents en télétravail et des agents en présentiel sur le terrain).