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21 / 04 / 2020 | 2667 vues
Xavier Burot / Abonné
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Teleperformance fait l’objet d’une plainte devant l’OCDE pour ses manquements face à la crise sanitaire

Le 17 avril 2020, la fédération syndicale internationale Uni Global Union a déposé une plainte auprès du point de contact national français de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) à l’encontre de la multinationale Teleperformance, leader mondial de la relation client à distance, plus couramment appelé « centre d’appels ».


Cette plainte souhaite faire reconnaître les manquements de cette multinationale aux « principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales », notamment ceux portant sur l'« emploi et les relations professionnelles » et plus précisément sur la disposition qui impose de « prendre les mesures nécessaires afin d'assurer la santé et la sécurité du milieu de travail dans leurs activités ».


Si Teleperformance se targue de promouvoir le « bien-être au travail », cela s’arrête à mettre des moments festifs en œuvre. Selon Uni Global Union, il semblerait que cette préoccupation de « bien-être au travail » s’arrête là. C’est ce qu’elle a d'ailleurs constaté dans différents pays avec la crise sanitaire actuelle.
 

  • À tire d’exemple, aux Philippines, en raison du couvre-feu de 30 jours imposé par le gouvernement pour endiguer la propagation du COVID-19, Teleperformance a obligé les travailleurs qui avaient des difficultés à aller au travail et à rentrer chez eux, en l’absence de transports publics, à rester dormir par terre dans les locaux de l’entreprise. En cas de refus, ceux-ci n’étaient pas payés. Bien entendu, dans ces dortoirs improvisés, les règles de distanciation sociale en sont pas respectées.
     
  • En Colombie, Teleperformance a demandé à ses travailleurs de mentir aux autorités sur l’activité qu’ils exerçaient au sein de l’entreprise. Ordre leur a été intimé de dire qu’ils travaillent à une activité liée à la santé afin d’éviter tout souci en cas de contrôle, même s’ils travaillent pour un client d’un autre secteur d’activité. De plus, l’absence de mesures préventives sur les lieux de travail a été constatée.
     
  • En France, de nombreuses plaintes de la part des travailleurs ont été remontées. Comme sur le site de Blagnac (Haute-Garonne), « qui gère le standard téléphonique du gouvernement français pour les questions relatives au covid-19, a été temporairement fermé après que les travailleurs ont exercé leur droit de retrait en raison de défaillances de santé et de sécurité de la part de la société et les autorités ont ordonné un nettoyage et une désinfection complets du centre ». La même problématique se retrouve sur quasiment tous les sites français du groupe.
     
  • Au Royaume-Uni, le non-respect des mesures de distanciation sociale et le licenciement des travailleurs « ayant de graves préoccupations sous-jacentes liées à leur santé » ont été observés.
     
  • En Grèce, là encore, on a constaté l'absence d’équipement individuel de protection et le non-respect de mesures de distanciation sociale.
     
  • Au Portugal, il fallu l’intervention des autorités portugaises pour que le site de Infante Santo soit fermé, lequel était resté ouvert après la découverte de plusieurs travailleurs diagnostiqués positif au covid-19.
     
  • En Inde, la situation est à peu près équivalente à celle des philippines, avec des travailleurs forcés de dormir sur place et de mentir aux autorités sur leur véritable activité au sein du centre d’appels.
     
  • En Albanie, « une centaine de travailleurs des comptes Soldo et Sky Italia ont été renvoyés chez eux en quarantaine, après qu’un cas de covid-19 a été confirmé chez un travailleur ». La période de quarantaine ne leur a pas été rémunérée.
     
  • Au Mexique et aux États-Unis, les travailleurs ont signé une pétition pour demander leur mise en télétravail, afin de prévenir la propagation du covid-19.
     

Il est évident que pour les dirigeants de Teleperformance, les affaires passent avant les travailleurs. Un travailleur peut se remplacer, pas les bénéfices !
 

Mais ce n’est pas une nouveauté : déjà en 2015, la fédération CGT des sociétés d’études, membre d'Uni Global Union, avait proposé ce type d’actions à cette dernière à l’encontre de cette multinationale qui se dit « responsable socialement » mais qui ne respecte ni les travailleurs, ni leurs représentants.

Maintenant quelle suite aura cette plainte et quel pourrait en être le débouché ?
 

L’OCDE n’a pas de pouvoir de coercition. Il ne peut donc pas condamner Teleperformance à une quelconque peine (amende ou dommages et intérêts pour les plaignants). Pour autant, une condamnation de l’OCDE aurait un effet négatif important sur l’image de cette multinationale qui se targue d’être une entreprise experte « dans les interactions humaines » et qui affirme que « l’attention portée à l’Humain est constitutive de l’ADN de Teleperformance ».
 

L’intention d'Uni Global Union est de forcer la multinationale à négocier un accord garantissant un certain nombre de droits aux travailleurs de la firme ainsi qu'à leurs représentants, au niveau mondial. Cet accord serait opposable devant les tribunaux, le cas échéant.
 

Pour notre part, nous espèrons surtout que cette action fera évoluer les mentalités des dirigeants de certains groupes de relation clients vers un peu plus de respect envers tous ceux qui œuvrent à créer la richesse de leur entreprise au quotidien.

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