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19 / 04 / 2025 | 15 vues
Frédéric Neau / Membre
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Solidarité à la source: C'est la Sécu qu'on assassine

Après avoir été « testée » à compter de l’automne dernier dans cinq départements (1), la réforme dite de « solidarité à la source » est généralisée depuis le 1er mars 2025 à l’ensemble des Caisses d’Allocations Familiales (CAF). Il s’agissait d’une « promesse » formulée par Emmanuel Macron au cours de la campagne présidentielle de 2022.

 

Ce sont donc plus de six millions d’allocataires qui voient désormais leur déclaration trimestrielle de ressources préremplie en fonction des données fournies par les employeurs et divers organismes, pour l’étude de leurs droits à la Prime d’Activité (PPA) et au RSA.


Une attaque en règle


Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la santé, des solidarités et de la famille, affirme dans un communiqué de presse du 14 février : « Avec cette réforme, nous simplifions la vie de six millions de Français. Notre objectif est de renforcer l’accès aux droits, de lutter contre les erreurs de versement et de libérer du temps utile à l’accompagnement des allocataires. Cette première réforme est une étape
importante et démontre notre capacité à réformer sur le long terme. »

 

La réalité est totalement différente.


La solidarité à la source est en effet aujourd’hui, dans la branche famille, l’expression de l’offensive menée tous azimuts contre la Sécurité sociale et qui vise à la détruire à brève échéance. Elle s’inscrit dans une politique de remise en cause de ses fondements, s’attaque aux droits des allocataires, au fonctionnement des caisses et au devenir de leurs personnels.


La solidarité à la source, c’est la diminution des droits


Depuis le 1er janvier 2024, les bénéficiaires du PPA et du RSA doivent inscrire sur leurs déclarations trimestrielles de ressources le Montant Net Social (MNS), présenté comme « la première brique de la solidarité à la source ». Ce nouveau montant, généralement plus élevé que le montant net à payer qu’il remplace, entraîne bien souvent une réduction des droits.


Derrière ce dispositif, l’objectif est clair : réaliser des économies sur le dos des allocataires les plus précaires. Rien d’étonnant, quand on sait qu’il s’agissait également d’un des premiers objectifs de la réforme des Aides au Logement mise en place en 2021 et qui a raboté d’un milliard d’euros en un an les droits
des bénéficiaires.


Le MNS suscite l’incompréhension des allocataires et beaucoup continuent de déclarer le Montant Net à payer, ne voyant pas en quoi le MNS pourrait correspondre à la réalité de leurs revenus.


Les demandes de correction, déjà nombreuses dans les départements ayant testé la réforme, vont inévitablement se multiplier. Et c’est une cellule nationale, composée de Gestionnaires Conseil Allocataires (GCA), qui se charge de refuser ces demandes de correction.


Le tout numérique contre les accueils et le bon fonctionnement des organismes


La solidarité à la source est un dispositif strictement numérique. Comme partout à la Sécurité sociale, il s’agit de couper le lien entre le public et les organismes.


L’allocataire doit maîtriser l’outil informatique et il doit surtout ne pas se présenter dans les accueils, que l’on réduit par ailleurs, y compris à coups de fermetures de permanences administratives. Et si le Gouvernement se veut rassurant sur le bon fonctionnement informatique du dispositif, les inquiétudes subsistent.


En effet, c’est bien souvent à travers la mise en place de réformes et de nouveaux outils numériques (et par une forte politique d’externalisation), que s’intensifient les attaques contre la Sécurité sociale. Les CAF elles-mêmes en ont fait les frais avec la réforme des aides au logement en 2021, qui a plongé le traitement des dossiers dans le chaos.

 

Quant à ARPEGE, le logiciel de paiement des indemnités journalières en Assurance Maladie, et dont notre organisation syndicale  demande la suppression, il est désormais suspendu mais aura privé des milliers d’assurés de leurs droits pendant des mois en Loire-Atlantique et en Vendée, départements où il était expérimenté.


La solidarité à la source, c’est la suppression des effectifs


Un proche du Gouvernement l’avait dit dès 2022 : la solidarité à la source devrait permettre d’« économiser » à terme 20 000 postes d’agents CAF sur les 36 000 existants. Si le Directeur de la CNAF nie ces chiffres, il reconnaît cependant aujourd’hui que la « trajectoire des effectifs » dans les CAF sera « descendante » durant les deux dernières années de la COG (2) (2025-2027), prévoyant la suppression d’une centaine de postes.


Cela révèle ce que nous savions déjà : la solidarité à la source est un formidable levier pour supprimer des effectifs. La prochaine COG risque donc d’être meurtrière en la matière.


La solidarité à la source est l’expression de l’offensive menée tous azimuts contre la Sécurité sociale.


Cette réforme illustre l’offensive accélérée de destruction contre la Sécurité sociale, l’année même de ses 80 ans. Son coeur de cible aujourd’hui : la transformation de l’Assurance Maladie.


Bien sûr, contrer ces projets et leurs conséquences est un enjeu majeur pour l’ensemble des personnels de la Sécurité sociale. Défendre les revendications est donc essentiel, mais au-delà, c’est l’affaire de tous : il y va de la préservation du bien le plus précieux conquis par les travailleurs de ce pays .

 

1. Alpes-Maritimes, Aube, Hérault, Pyrénées-Atlantiques et Vendée.

2. Convention d’Objectifs et de Gestion.

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