Santé, sécurité et conditions de travail à la DGFIP: le sujets de préoccupations ne manquent pas
Une réunion de la formation spécialisée de réseau santé, sécurité et conditions de travail du CSA de réseau de la DGFiP s'est tenue ces dernières semaines...effectivement les sujets ne manquent pas !
Il s’agissait de la deuxième séance plénière après la séance inachevée de janvier dernier où F.O.-DGFiP, Solidaires et CGT avaient claqué la porte en réponse aux provocations de la Présidente. Cette fois-ci, nous sommes allés au bout, sans pour autant sauter de joie tant la dynamique de cette instance ressemble à un encéphalogramme plat.
Jugez plutôt :
- Aucune mention du budget 2025 avec le risque de se retrouver en fin d’année à découvrir un budget non dépensé et donc perdu ou, pire, des actions financées et faites sans qu’elles n’aient jamais été débattues et votés en FSR ! (1)
- Un seul vote pour avis (hormis les PV précédents) concernant l’expression de besoins pour l’étude d’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur les conditions de travail ;
- Une discussion déjà eue sur le bilan 2024 et qui se réinvite ici ;
- Une présentation du guide du traitement du signalement assorti d’annexes diverses et variées et ne répondant pas au flou régnant autour de l’anonymisation ;
- Une batterie de chiffres et de graphiques sur les maladies professionnelles et accidents de travail qui mériterait une analyse plus fouillée et une discussion lors de la présentation du RSU (Rapport Social Unique);
- Le point sur le renouvellement du marché de la cellule d’écoute. Malheureusement dirions-nous, un sujet véritablement dramatique s’est imposé dans la discussion, il s’agit de celui des suicides et des tentatives de suicides.
Encore a-t-il fallu que les OS réclament sa réinscription à l’ordre du jour, puisque intégré à l’ordre du jour initial, il en avait été retiré par l’administration, puis, devant le tollé des OS, réintégré ! Bien évidemment, nos représentants ont dénoncé ce procédé dans leur déclaration liminaire ainsi que la dégradation du dialogue social et l’atteinte aux droits des agents.
UNE LETTRE DE LA DIRECTRICE GÉNÉRALE SORTIE DU CHAPEAU
En réponse aux liminaires, la Présidente a rappelé son attachement à cette instance ; à elle de nous le prouver par des actes et un respect de notre qualité de représentants des personnels. Nous dire qu’elle partage l’alerte sur le budget est une chose, mais faire en sorte que les choses changent par rapport à l’année dernière en est une autre.
La cheffe du service CVT-D ((conditions de vie au travail) précise qu’un « kit santé » devait nous être présenté, mais compte tenu d’un ordre du jour dense, une date sera à trouver pour échanger avec nous.
Sur les suicides, la Présidente admet qu’il s’agit d’une situation inédite avec 5 suicides et 2 tentatives de suicide (TS) à début avril ( actualisé à 6 suicides et 3 TS lors de la rédaction de cet article).
C’est, selon la Présidente, une préoccupation forte de la Directrice générale avec courrier de cette dernière à l’appui, remis en séance à destination de la secrétaire de la FSR et des membres de la FS. Sur la forme, il est dommage que les secrétaires généraux des OS n’aient pas été informés concomitamment de ce courrier dont ils étaient aussi destinataires, puisqu’il ne leur a été envoyé qu’a posteriori.
POUR LES SUICIDES, ON EST DANS LA MOYENNE !
La préoccupation de la Directrice générale est tellement forte qu’aucun document préparatoire n’avait été transmis en amont de cette réunion aux représentants du personnel. Sur le fond, ce courrier n’est pas à la hauteur de la situation particulièrement inquiétante de la DGFiP, puisque même si la Directrice générale écrit que ces drames « peuvent être aussi liés à l’environnement professionnel et ce lien doit systématiquement être envisagé », elle minimise quelques lignes plus loin l’ampleur du problème.
En effet, selon elle, l’imputabilité au service (organisation et fonctionnement) n’a été établie qu’à trois reprises en 13 ans (2012, 2015, 2018). Plus loin, elle énumère les suicides survenus en 2025 et se borne à rappeler les dispositions de l’article 43 du règlement intérieur des CSA et FS, relatives à l’information et/ou la tenue de la FS locale dans « les plus brefs délais », terme à l’interprétation fluctuante selon les directeurs locaux
.
Et enfin, ce courrier se termine par une froide donnée statistique tendant à démontrer qu’on ne se suicide pas plus à la DGFiP que dans l‘ensemble de la population... sans doute est-ce cela cette « administration de process » dont se vantait son prédécesseur et dont elle épouse parfaitement les pas !
Rappelons que ce point sur les suicides avait été demandé de longue date et qu’il a fallu en arriver à un courrier de la Directrice générale pour le cranter à chaque instance plénière de la Formation Spécialisée de Réseau.
NE PAS SE SATISFAIRE D'UN GROUPE DE TRAVAIL
On ne peut se satisfaire de la cellule d’écoute, certes utile, pas plus que d’une fiche réflexe « suicides et tentatives » à usage des services RH locaux qui eux même ont bien des difficultés à gérer, entre autres, les nouvelles LDG ( lignes directrices de gestion) et se sont vus réduits à peau de chagrin depuis la réforme de 2018 créant les CSRH et le SIA de Melun. La Présidente précise qu’il n’y a pas un service particulier qui soit impacté plus qu’un autre et ajoute qu’il y a à l’ENFiP un sujet de fragilité psychologique de certains stagiaires. La prévention en matière de santé mentale est, selon elle, une priorité.
Ces belles paroles nous les avons déjà entendues maintes et maintes fois sans que rien de concret n’en soit sorti.
Pire, dans certaines formations spécialisées locales on a opposé un refus ou une demande de temporisation aux propositions de vos représentants pour des formations en premiers secours psychologiques.
Est-ce que d’un groupe de travail émergera la solution ? Rien n’est moins sur.!
Pour nous , c’est surtout d’une prise de conscience de la Direction générale d’un mode d’organisation du travail actuel ayant relégué l’humain au second plan que sortiront des pistes d’évolution. Le mal être généré par l’évolution des règles de gestion doit aussi faire partie de l’équation ; à ce titre, une Présidente, passablement remontée par notre apostrophe, a tenté d’éteindre (pour l’instant ?) la rumeur d’une généralisation des postes au choix pour les B.
Enfin pour notre syndicat, chaque tentative de suicide, qu’elle se passe ou non sur le lieu de travail, doit faire l’objet d’une analyse causale. Pour peu que les conditions de travail jouent un rôle même infime dans le passage à l’acte, il est indispensable de réfléchir collectivement à la façon d’éviter toute récidive sur le volet professionnel.
LE FEUILLETON À RALLONGE DE L'ÉTUDE D'IMPACT IA
Concernant l’étude d’impact de l’IA sur les conditions de travail, nous eûmes droit à l‘énumération des critères de l’expression de besoins qui serviront à monter le cahier des charges. C’est SPiB, le Service Stratégie Pilotage Budget, qui rédigera le cahier des charges (le cahier des clauses techniques particulières ou CCTP) de cette étude.
Notre syndicat avait demandé la présence d’un collègue de SPiB, mais visiblement l’administration ne l’a pas jugé nécessaire ! L’administration nous explique doctement quelle s’orienterait vers une procédure de marché négocié sans publicité ni concurrence !
Rappelons simplement que l’estimation est de 360 000 € TTC... mais à part ça, tout va bien !
SPiB serait en cours d’analyse des possibilités de passation de ce marché.
Deux pistes se détachent donc :
- soit un appel d’offres classique (AO) avec publicité et mise en concurrence ;
- soit un AO négocié sans publicité ni mise en concurrence « pour se rattacher à l’INRIA »
La deuxième piste envisagée nous semble alambiquée juridiquement et assez cocasse quand on se rappelle qu’au début de cette étude, notre syndicat avait demandé à mutualiser notre demande avec celle du ministère. Cela avait été balayé d’un revers de manche par la DGFiP.
Pour l’ensemble de ces incertitudes, tant sur les délais, sur le montage juridique ou encore sur l’utilité de ces restitutions 3 ans après la demande, notre organisation syndicale s’est abstenue.
SIGNAUX FAIBLES POUR LES SIGNALEMENTS
Une présentation du bilan de SignalFip et du guide du traitement du signalement assorti d’annexes diverses et variées nous a été faite. Ce guide ne répond pas au flou régnant autour de l’anonymisation et expédie la question des fiches de signalement internes antérieures au 9/12/24. La réponse de la présidente est sans appel : il faut regarder vers l’avant (et se mettre derrière l’oreille toutes les fiches qui n’ont pas été transmises ou pas en intégralité ?).
Dès l’après élections 2022, des présidents de FS locales ont décidé de stopper la communication des fiches aux OS, nous demandons donc que ces fiches soient effectivement transmises aux représentants des personnels. Ce bilan semble assez ubuesque avec un improbable recensement de 4 fiches de signalement pour tous les huissiers des finances publiques en 2024 ! C’est franchement une situation en tromp el’oeil.
Notre syndicat s’est associé à la délibération intersyndicale de la FS de Réseau (Solidaires, CGT, F.O.-DGFiP) pour dénoncer la défiance de l’administration vis-à-vis des représentants des personnels que nous sommes et a appelé à la transparence et à la traçabilité réelle des signalements effectués dans SignalFip. Il a tenu à dénoncer le manque de moyens des services RH locaux amenés à gérer de nouveaux besoins avec moins de personnels (impact des affectations au choix, signalements, agents en difficulté).
ROGNER SUR LA SANTÉ, C'EST RISQUÉ
Concernant le budget Santé Sécurité Conditions de travail (SSCT), toujours pas d’exécution budgétaire 2024 malgré une demande déjà formulée en décembre.
Qu’à cela ne tienne, c’est rebelote : nous voulons savoir ce qu’il est advenu d’un budget de 500 000 € sur lequel tout juste 80 000 € de dépenses sont présentés !
Le Secrétariat Général a fait parvenir la dotation de crédits consacrée au financement des mesures en faveur de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, prévu au programme 218 et arrêtée pour l’année 2025. Celle-ci s’élève à 13.3M€ avant mise en réserve et à 13M€ après mise en réserve.
Concrètement, c’est une baisse de la dotation (après mise en réserve) de 8,47 %, passant à 108€/ agent en 2025 contre 118€/agent en 2024. Au niveau national, l’enveloppe ministérielle dédiée au financement de grands projets est fixée à 433 000 €. Sur cette enveloppe et après mise en réserve, la DGFiP peut utiliser 342 000€ pour l’année 2025, soit une baisse de 31,6 % de baisse par rapport au budget de la FSR 2024.
L’ambition maintes fois clamée par nos dirigeants d’une réelle politique SSCT prend du plomb dans l’aile. Rogner sur la SSCT, c’est risqué. Comment essayer de préserver un collectif de travail digne de ce nom en taillant dans ce genre de dépenses ?
Notre syndicat a dénoncé la position de l’administration selon laquelle le nouveau marché interministériel réserverait la formation SST aux agents dont les missions les exposent à des risques particuliers comme les métiers de la surveillance aux douanes par exemple.
C’est d’autant plus inacceptable que personne n’est capable de produire ce fameux accord-cadre. Ce recul d’ampleur pose aussi le problème du recyclage SST et, cerise sur le gâteau si l’on peut dire, en dehors de cet accord-cadre, les animateurs de la politique ministérielle de prévention (APMP) ne peuvent pas souscrire d’autres marchés !
L’administration nous a ensuite présenté une information/bilan sur les maladies professionnelles et accidents de service 2024 confirmant une surreprésentation des femmes et des agents de catégorie C sur ces thématiques. Il convient de déplorer le manque de détail quant aux différentes maladies professionnelles recensées, rendant impossible toute analyse visant à prendre des mesures correctives en matière de CVT. Enfin, un point nous a été donné sur le renouvellement du marché de la cellule d’écoute qui sera désormais commun à la DGFiP, à la DGDDI, au Secrétariat Général et à l’INSEE. Ce marché est attribué à Pro-Consulte et chaque direction conservera son numéro d’appel déjà en vigueur.
Cette séance de la FS de Réseau ne tranche malheureusement pas avec ses devancières : beaucoup de sujets pour information, des représentants du personnel appelés à voter sur un seul sujet et 342 000€ non encore engagés alors que nous sommes en mai !
A moins que des actions dont nous n’aurions pas connaissance soient déjà lancées ?
(1) La formation spécialisée de réseau (FSR) est une nouvelle instance à la DGFiP. Il n’existait pas jusque-là de CHSCT de réseau, la FSR a donc vu le jour en 2023 et elle doit travailler sur l’organisation et les conditions de travail, la santé, l’hygiène et la sécurité au travail.