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Requalification de CDD d’usage dans la branche de l’enseignement privé indépendant
Cinq salariés de l’École internationale bilingue d’Angers (EIB) obtiennent gain de cause devant le CPH d’Angers. Une victoire rendue possible par la défense syndicale.
Début juillet 2019, les salariés de l’École internationale bilingue d’Angers sont partis en vacances l’esprit tranquille. L’école est un établissement bilingue d’enseignement privé scolarisant des enfants de la maternelle au CM2.
Hélas, le 24 juillet, ils ont appris qu'ils étaient tous licenciés par un courrier du liquidateur judiciaire.
Qu'ont-ils fait ? Ils se sont syndiqués au Syndicat national du personnel de l’enseignement et de la formation privés (SNPEFP-CGT) dont la secrétaire générale du syndicat, Christine Fourage, est défenseur syndicale pour l’UD du Maine-et-Loire. Elle les a défendus devant le conseil des prud’hommes d’Angers.
Parmi les 5 salariés, se trouvaient 3 enseignants, 1 animatrice assistante pré-élémentaire et la cuisinière, avec une ancienneté oscillant entre 2 ans et 5 ans.
Ils ont formulé des demandes en requalification de leur CCD d’usage, paiement d’heures complémentaires et ou supplémentaires, paiement des jours mobiles et reclassification.
Par une décision du 12 novembre 2020, le conseil des prud'hommes d'Angers leur a donné raison sur la majeure partie de leurs prétentions.
Sur les CDD d’usage
Tous les contrats de travail ont été requalifiés, le conseil a considéré que, quel que soit le libellé de l’emploi des enseignants eu égard à la nature de leurs activités réelles, le CDD d’usage étant par définition réservé à des emplois temporaires, ne pouvait pas leur être proposé, bien que l’enseignement soit une activité autorisant par ailleurs le recours à de tels contrats.
Reprenant les arguments syndicaux, la décision du conseil des prud'hommes d’Angers confirme ce que la CGT défend de longue date : les CDD d’usage ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de directement pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'établissement.
De plus et à juste titre, les juges ont rappelé qu’il convient de concrètement examiner les fonctions exercées par les salariés (c'est-à-dire à partir des activités réelles). En d’autres termes, un CDD d’usage ne peut pas être proposé à un professeur qui enseigne une matière faisant partie du programme dispensé aux élèves.
Cette requalification est importante pour l’ensemble des salariés du champ de l’enseignement privé indépendant et ouvre la voie à des actions syndicales pour pérenniser leurs relations de travail. Dans le cas présent, ils ont été défendus via la défense syndicale mais il convient de rappeler que l’article L1247-1 du code du travail permet aux syndicats d’exercer une action en substitution des salariés en contrat à durée déterminée, sans avoir à justifier d’un mandat de ces derniers. Nous devrions beaucoup plus souvent nous saisir de cette possibilité.
Pour certains des 5 de l’EIB, elle permet en outre de recouvrer des droits à indemnisation auprès de Pôle Emploi, lesquels ne leur étaient pas ouverts parce que calculés sur une ancienneté erronée.
Autres enseignements de ce jugement
Les juges n’ont pas donné droit à toutes les demandes de paiement d’heures complémentaires et/ou supplémentaires, considérant que, dans certains cas, elles n’étaient pas suffisamment étayées. On ne saurait assez insister sur la nécessité de produire des pièces suffisamment explicites pour l’administration de la preuve.
Tous les jours mobiles, dont les salariés n’avaient jamais bénéficié, ont été payés.
Enfin, bien que prenant le calcul d’une salariée pour son temps de travail en considération, le conseil des prud'hommes d'Angers a quand même donné raison à celle-ci, estimant logiquement qu’il appartenait à l’employeur de produire son propre calcul.