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27 / 02 / 2025 | 708 vues
Jean-Claude Delgenes / Abonné
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Quand l’exemplarité des cadres ne suffit plus : Comprendre et prévenir les dérives des risques psychosociaux

Un monde du travail sous tension

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Dans un monde du travail en pleine mutation, marqué par une complexité croissante des réglementations et une montée des tensions interpersonnelles, les cadres sont confrontés à des défis inédits. Jadis garants d’un climat de travail sain, ils se retrouvent aujourd’hui parfois en première ligne, exposés à des accusations infondées qui peuvent briser leur réputation et leur carrière.


Si l’exemplarité managériale est un pilier essentiel de la prévention des risques psychosociaux, elle ne suffit plus. L’essor des réseaux sociaux, la montée d’un climat de défiance parfois délétère, et l’instrumentalisation possible des lois de protection fragilisent de nombreux professionnels.

Des relations professionnelles de plus en plus fragiles

Les relations de travail sont marquées par une fragilité croissante des liens sociaux, nourrie par plusieurs phénomènes :
 

  • Une défiance généralisée, où la prudence remplace la fraternité et la confiance.
  • Une réactivité exacerbée, transformant rapidement des différends mineurs en conflits majeurs.
  • Une médiatisation instantanée des tensions, amplifiée par les réseaux sociaux, qui peut transformer une plainte isolée en une crise publique.

Dans ce climat, la suspicion s’installe insidieusement, et les accusations, même sans fondement, peuvent entraîner des répercussions désastreuses.

Une exemplarité systématiquement remise en cause

Autrefois, certaines figures emblématiques bénéficiaient d’une reconnaissance quasi inébranlable. Des personnalités comme l’abbé Pierre ou Nicolas Hulot, longtemps perçues comme des modèles intouchables, ont vu leur image s’effondrer sous le poids de scandales relatant des comportements délictuels. Cet effondrement a nourri une défiance généralisée, où plus aucune réputation ne semble véritablement solide. Aujourd’hui, tout cadre peut être soupçonné, parfois à tort, et sa simple exemplarité ne le protège plus. Nous sommes entrés dans l’ère de la présomption de culpabilité généralisée.

L’instrumentalisation des lois et ses dérives

Les dispositifs de protection des victimes de harcèlement et de violences au travail sont essentiels et doivent être renforcés. Cependant, il serait naïf de ne pas reconnaître qu’ils peuvent être aussi détournés à des fins opportunistes.

De nombreuses affaires illustrent ces dérives :

  • Accusations de harcèlement moral ou sexuel sans fondement, visant à détruire une réputation ou obtenir des avantages personnels. 
  • Utilisation du chantage à la réputation comme levier de pression, poussant certaines entreprises ou individus à payer pour éviter un scandale public.


J’ai moi-même été confronté à plusieurs tentatives de chantage à la réputation en 35 ans de carrière. Et je pense que je le serai à nouveau étant donné les évolutions de notre pays. L’une des plus marquantes fut celle d’une assistante temporaire réclamant 50 000 euros, sous peine de m’accuser publiquement de harcèlement qui l’aurait conduite au suicide.

Son avocat, dans une lettre infamante, osa me menacer de révéler publiquement mes « turpitudes » 

"Jean-Claude Delgènes est comme Jean-Jacques Rousseau : ce dernier a écrit Émile ou De l’éducation et a abandonné ses enfants ; Jean-Claude Delgènes prône la prévention du suicide et pousse ses salariés au passage à l’acte."

Une attaque ignoble, qui m’a contraint bien sur à une bataille judiciaire. La justice a reconnu ma totale innocence en première instance et en appel mais l’affaire a duré quatre années, occasionnant des coûts financiers considérables.

L’impunité des fausses accusations

L’une des grandes failles du système réside dans l’absence de sanctions réellement dissuasives contre les dénonciations calomnieuses.


L’affaire Dominique Baudis en est une illustration frappante : innocenté après un calvaire judiciaire et médiatique, il ne put jamais réhabiliter pleinement son image. Ces dérives montrent à quel point le système judiciaire peine à distinguer les véritables victimes des manipulateurs.

Or, cette confusion est lourde de conséquences :
 

  • Elle délégitime les vraies victimes, qui pâtissent du scepticisme grandissant
  • Elle crée une insécurité juridique pour les professionnels, menacés en permanence par des accusations opportunistes.

Les tensions au travail comme armes de déstabilisation

Dans cet environnement de défiance, les tensions professionnelles deviennent des outils de règlement de comptes. Une sanction disciplinaire, un refus d’augmentation, une prime refusée, une réorganisation indispensable… autant de décisions pouvant exposer un cadre à des accusations de harcèlement moral ou de maltraitance.

Ce phénomène est amplifié par la peur des entreprises et des personnalités publiques d’être livrées à la vindicte populaire. 

Aujourd’hui, il est crucial de protéger les victimes réelles sans ouvrir la porte aux abus qui sapent la crédibilité des dispositifs de prévention.

Alors que faire dans ces circonstances ?

Face à ces dérives, les cadres doivent adopter une stratégie rigoureuse pour se défendre efficacement contre le chantage et l’extorsion de fonds.
Voici quelques recommandations.


1. Ne jamais céder au chantage

Céder à une pression illégitime ne fait qu’encourager les comportements malveillants. Il faut :

  • Refuser toute transaction « on ne négocie par sous la pression d’un chantage à la réputation si ce n’est à reconnaitre que l’on n’est en fait pas si clean que cela ». 
  • On ne négocie pas d’arrangement secret sous peine d’être pris dans des jeux de manipulation.
  • On documente systématiquement chaque tentative d’intimidation.


2. Rassembler des preuves

L’accumulation de preuves est essentielle :

  • Captures d’écran de mails, SMS, messages sur messageries internes.
  • Enregistrements audio ou vidéo des menaces (dans le respect de la légalité).
  • Témoignages de collègues ou d’autres personnes ayant connaissance des faits.
  • Éléments comptables et administratifs pour démontrer la transparence des décisions.


3. Porter plainte immédiatement

Ne jamais attendre que la situation s’aggrave :

  • Dépôt de plainte en commissariat ou gendarmerie pour chantage et extorsion de fonds.
  • Saisine directe du procureur de la République par courrier recommandé.


4. Se faire accompagner par un avocat

Un avocat spécialisé en droit du travail ou en droit pénal est un atout précieux :

  • Détermine la meilleure stratégie juridique.
  • Engage les actions en justice nécessaires.
  • Protège vos droits et votre réputation.


5. Anticiper et se protéger en amont

Les cadres doivent mettre en place des mécanismes préventifs :

  • Privilégier une communication écrite et transparente dans leurs décisions.
  • Faire appel à des médiateurs indépendants avant toute escalade.
  • Encourager la mise en place de cellules de veille éthique pour un traitement impartial des conflits.

Vers une évolution législative nécessaire

La montée des abus liés aux fausses accusations souligne l’urgence d’une réforme :
 

  • Renforcer les sanctions contre les accusations calomnieuses.
  • Mieux protéger les cadres et dirigeants contre les extorsions.
  • Assurer un équilibre entre la protection des victimes et celle des professionnels injustement accusés.


Si l’exemplarité demeure une valeur clé du management, elle ne suffit plus à protéger contre les dérives actuelles. Sans un cadre plus juste, nous risquons une crise de défiance généralisée, où plus personne n’osera assumer ses responsabilités sans craindre pour sa réputation et sa carrière.

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