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Projet d’un nouveau TPS (Temps Partiel Senior) chez Orange : Bonne nouvelle ou bombe à retardement ?
Fin 2022, le dernier dispositif TPS a permis à plus de 9 000 salariés de profiter d’une sortie progressive pour un coût estimé à environ 1,7 Mds€.
En contrepartie, l’accord intergénérationnel prévoyait 8 000 recrutements externes pour Orange en France entre 2022 et 2024, privilégiant autant que possible les jeunes de moins de 30 ans. Or, il apparaît que plus de 80 % des recrutements ont eu lieu au sein des filiales, et pas uniquement en France, pour uniquement 1 162 recrutements pour Orange SA.
Ce dispositif ne répondant pas aux objectifs fixés par la Direction, d'autres mesures ont été mises en place : tentatives de ruptures conventionnelles collectives, plans de départs volontaires et plans de sauvegarde de l'emploi.
Le problème est que ces « leviers » ne peuvent statutairement pas embarquer les fonctionnaires salariés du Groupe, qui étaient encore 17 051 fin 2023, et dont la Direction aimerait bien se débarrasser !
Comment poursuivre une diminution massive de la masse salariale ? Une nouvelle proposition de TPS...
À la suite de la 6e réunion de négociation du projet d’accord intergénérationnel du 7 novembre dernier, certaines organisations syndicales se sont empressées de communiquer sur cette annonce surprise, en criant à la victoire syndicale. Mais ce qui est encore plus surprenant : le DRH Groupe luimême s’est exprimé dans la presse. Ce n’est pourtant pas dans les pratiques habituelles lorsqu’une négociation est en cours !
En quoi consiste le dispositif proposé ?
Période de souscription : de 2025 à 2028 inclus (années de retraite 2026 à 2033)
➯ Durée : 5 ans jusqu’à l’âge de retraite à taux plein, sans surcote possible.
Aucune proratisation possible de cette durée, sauf en 2025 pour celles et ceux pour lesquels il reste moins de 5 ans avant l’âge de retraite à taux plein.
➯ Principe :
• 1ère année travaillée à 50 % payée 70 %
• 4 années suivantes en temps libéré payées 60 % (vs 65 % pour le TPS 2022)
• Complément cotisation retraite pris en charge par l’entreprise sur une base 100 %.
➯ Minimas garantis pour le salaire mensuel (brut) :
• 2 175 € pour les non-cadres, 2 975 € pour les cadres.
• Ces minimas, ainsi que les salaires, seront revalorisés de 1 % chaque année.
Que penser de ce dispositif ?
Pour nous, l’avènement d’un nouveau TPS est sur le principe une bonne nouvelle, car très attendu par de nombreux salariés.
Face au climat social actuel, beaucoup de salariés seniors pourront voir cette proposition comme une libération leur permettant de quitter de manière définitive cette spirale anxiogène.
La stratégie industrielle est plus que jamais incompréhensible et ne donne aucune perspective saine dans la gestion des fins de carrière.
Mais combien pourront réellement se permettre de sacrifier 30 puis 40 % de leurs revenus, pour les 5 dernières années de leur carrière ?
Un projet encore perfectible !!
Les dernières séances de négociation doivent absolument permettre d’améliorer cette proposition avant signature, avec à minima les exigences suivantes :
➯ Augmenter le taux de rémunération de 60 à 65 % durant les 4 années en temps libéré, pour ne pas faire de ce TPS un dispositif réservé aux riches, voire aux très riches.
➯ Augmenter les minima garantis de 10 %, afin d’aider celles et ceux ayant les revenus les plus faibles.
➯ Indexer la revalorisation annuelle de ces mêmes minima et des salaires sur l’inflation, et non pas sur la base actuelle de 1 % par an.
➯ Permettre une proratisation du temps en TPS sur toute la durée de souscription de 2025 à 2028 inclus, afin d’éviter des vagues massives de départs dès la 1ère année, ce qui risquerait de désorganiser fortement les services.
Cette proratisation jusqu’en 2028 permettra également de ne pas laisser au bord du chemin les salariés non-signataires en 2025 bien que déjà éligibles
De nombreuses questions restent en suspens
Il restera par ailleurs à apprécier ce dispositif dans la globalité du projet d’accord GEPP dans lequel il est intégré. Car pour que ce TPS soit valide, il faudra que la totalité de l’accord soit signé par une majorité d’Organisations Syndicales Représentatives.
Quelles « couleuvres » faudra-t-il alors avaler par les signataires dans le reste de l’accord, pour faire passer cette mesure ?
➯ Faudra-t-il par exemple valider une gestion des entrées-sorties déséquilibrées, et actant dans le marbre la tendance à déporter massivement les emplois et les activités dans les filiales et parfois hors de France ?
➯ Faudra-t-il accepter une éventuelle tentative de normalisation des plans sociaux de type Plan de Départs Volontaires ou Plan de Sauvegarde de l’Emploi ?
➯ Combien de services risquent d’être décimés par les prochains départs massifs en TPS incluant les compétences rares, au point de remettre en cause certaines activités ?
➯ Quelle place sera laissée à l’insertion des jeunes, à la transmission des savoirs, à l’accompagnement de celles et ceux qui restent (dont l’âge moyen est de 52 ans, retraitables en 2036) en matière de gestion de leur charge et de leurs conditions de travail ?
Autant de questions auxquelles la Direction devra répondre, avant d’engager la signature des Organisations Syndicales Représentatives pour cet accord global. Pour notre organisation syndicale , il n’y a donc pas de quoi crier victoire, en l’état, sans adopter un minimum de prudence…