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13 / 03 / 2023 | 86 vues
Frédéric Homez / Abonné
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Electroménager : la fin de l’essorage ?

Après plusieurs décennies de baisse continue des effectifs et de délocalisations, le secteur a renoué avec une croissance spectaculaire et se trouve à la veille de changements majeurs, porté par les nouvelles demandes des consommateurs et la nécessité de répondre aux défis de la transition environnementale. Grands connaisseurs du secteur, les métallos FO ne manquent pas une occasion de prévenir : il faudra cependant une véritable logique industrielle pour que l’électroménager connaisse un nouvel âge d’or.

 

Alors que l’industrie a été frappée de plein fouet par la crise sanitaire et ses conséquences économiques, puis par les retombées du conflit en Ukraine, un secteur a pourtant réussi à tirer son épingle du jeu : l’électroménager.

 

L’année 2021 a même été celle de tous les records. Le marché français du gros électroménager (GEM) a généré un chiffre d’affaires de près de 6 milliards d’euros pour 16,6 millions d’appareils, et le petit électroménager (PEM) a écoulé 57,3 millions d’appareils pour une valeur de 3,9 milliards d’euros. Le secteur a vendu davantage d’appareils qu’il n’y a d’habitants en France.

 

Pour le GEM, les fabricants du GIFAM (Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils et d'équipement Ménager) ont souligné qu’avec une progression de 11 %, il s’agissait d’une « croissance inédite dans l’histoire des 35 dernières années ». Et les deux années qui viennent de s’écouler ont conforté la tendance.

 

La raison de ce succès ?

 

En 2021 comme l’année précédente, la crise sanitaire a bénéficié au marché des biens d’équipements de la maison, agissant comme un déclencheur. Il a réalisé un chiffre d’affaires historique de 29,6 milliards d’euros, et l’électroménager en a été le principal moteur.

 

Avec la montée du télétravail, précédée et accompagnée par les confinements successifs, les Français semblent avoir investi dans l’équipement de leur logement pour gagner en confort et s’adapter à de nouvelles habitudes de vie qui ont contribué à inscrire le mouvement en tendance de fond.


Les spécialistes ont d’ailleurs noté au cours de la période une augmentation du taux d’équipement pour certains appareils de GEM encore absents de nombreux foyers, comme le sèche-linge (qui équipe 34 % des ménages) ou le lave-vaisselle (67 %), et qui présentent encore un considérable potentiel de progression.

 

Nouvelles tendances

 

Autre effet du Covid : la montée en gamme. Le prix de vente moyen a augmenté et les marques françaises ont été très demandées. Selon les études du GIFAM, 95 % des consommateurs estiment que l’électroménager fait partie de leur confort quotidien et se disent décidés à s’équiper avec de « meilleurs appareils », associant notamment la qualité à la performance et la puissance. A noter également l’émergence de certains critères tels que la durabilité ou une consommation moindre.

 

La montée en puissance de la préoccupation environnementale est passée par là : l’engagement écoresponsable des fabricants est devenu déterminant (pour 62 % des Français, contre 50 % en juillet 2020).
 

De fait, la croissance a profité à toutes les familles du GEM : cuisson et lavage (avec des utilisations plus intensives) ou encore froid (avec une ruée sur les appareils de grande capacité). Un secteur qui revient de loin Côté PEM, le fameux « effet crise », symbolisé par les achats de fours à pain rapidement remisés à la cave à la sortie du confinement, n’était en fait qu’une explication partielle à l’envolée du marché. La machine à café à grains et l’aspirateur-robot ou balai y campent les best-sellers.

 

C’est la même logique d’équipement sous l’angle du confort et de la qualité qui est venue là aussi s’inscrire en tendance de fond.

 

Qu’il s’agisse de l’entretien des sols (avec la priorité donnée à l’hygiène), du beauté/bien-être ou du créneau petit déjeuner (porté par le fait-maison), il n’a pas à rougir de ses chiffres et confirme ce que tous les industriels ont noté : il y a eu un avant et un après crise sanitaire.

 

Ces phénomènes au départ conjoncturels ont coïncidé avec d’autres mouvements de fond, au premier rang desquels la volonté de consommer local, tant pour favoriser les productions tricolores que par souci d’écologie. La question environnementale est d’ailleurs à envisager sous un prisme plus large qui prend aussi en compte la performance énergétique, la durabilité et la réparabilité.

 

Dans ces conditions, que reste-t-il des marques tricolores, et sont-elles en situation de répondre aux demandes des consommateurs ?
 

Restructurations à répétition avec multiples fermetures d’usines chez Moulinex dans les années 1990, départ d’Electrolux des Ardennes en 2012, clap de fin pour Whirlpool à Amiens en 2018 ou encore Brandt à la Roche-sur-Yon en 2019… En 20 ans, l’électroménager en France a été sinistré, la plus grande partie de la production a été délocalisée.

 

Comme dans d’autres secteurs, c’est du côté de la mondialisation dans ce qu’elle a de pire qu’il faut chercher l’erreur.

 

Tout a commencé dans les années 1990, avec le choix des industriels de faire fabriquer les composants en Chine, pour un assemblage final en France. De moindre facture, les produits ont rapidement atteint et dépassé le niveau de qualité européen. Il a suffi d’une décennie à la Chine pour bâtir une filière électroménagère difficile à concurrencer, notamment au niveau des prix. On y trouve le colosse Haier avec ses usines gigantesques où l’assemblage et le soudage, de même que le contrôle qualité, sont automatisés.

 

Une centaine de salariés seulement suffisent à faire tourner une installation capable de sortir 10 000 unités par jour. Au final, les coûts de fabrication y sont 30 % moins élevés qu’en Europe. La concurrence s’est donc déplacée sur d’autres terrains. Pendant ce temps, en France, FO Métaux se bat pour l’industrie et l’emploi.

 

En 2010, alors que les effectifs du secteur ont été divisés par deux au cours de la précédente décennie, la Fédération tire la sonnette d’alarme, s’inquiétant de voir la production de GEM quitter l’Hexagone, comme ce fut le cas de l’électroménager « brun » avec la disparition totale de la fabrication d’écrans plats sur notre sol. Elle est reçue au ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie pour faire part de ses revendications à plusieurs reprises.

 

Notre organisation souhaite au plus vite qu’une réelle traçabilité des produits voie le jour afin de permettre aux consommateurs d’être plus facilement informés du lieu de conception et d’assemblage de ce qu’ils achètent et de faire d’eux des acteurs responsables. L’obligation d’apposer l’empreinte carbone sur chacun des produits doit aussi permettre d’informer le consommateur de l’impact des transports sur les produits importés.

 

« Le « fabriqué en France » doit s’imposer pour soutenir notre industrie », tonne alors son secrétaire général Frédéric Homez. Les équipes FO des entreprises du secteur, conscientes des nouveaux enjeux relatifs à la production d’équipements « écologiquement corrects », agissent pour préserver l’emploi tout en défendant les nouveaux produits de leurs entreprises.
 

« A l’époque déjà, rappelle le secrétaire fédéral Eric Keller, cette perspective d’orienter les directions des entreprises vers le développement durable, qui prend en compte les facteurs économiques, sociaux et environnementaux, fait partie intégrante des revendications portées par notre organisation. Ce n’est pas un hasard si nombre d’entre elles se sont finalement concrétisées ». De revendications pertinentes
 

Aujourd’hui, ces thématiques sur lesquelles notre fédération  a été pionnière sont portées à la fois par les fabricants et par les consommateurs (voir article p.6) et tirent la filière vers le haut.

 

En janvier 2022, dans le cadre des auditions de la commission d’enquête parlementaire sur la désindustrialisation, Eric Keller ne s’en était pas moins ému de son lent déclin et avait pointé la singularité de la situation du groupe Seb dans le paysage industriel français. « Il y a 15 ans, expliquait-il aux députés, ce groupe comptait 8 000 salariés en France et 14 000 dans le monde. Aujourd’hui, il compte 5 700 salariés en France et 33 000 dans le monde. Son chiffre d’affaires est passé de 1 milliard d’euros en 2001 à 7 milliards d’euros en 2021.

 

Nous pensons que lorsqu’un salarié de ce groupe part à la retraite, le groupe pourrait le remplacer par un jeune salarié, sans se poser la question de la rentabilité. La responsabilité appartient aussi à ces groupes qui peuvent demain embaucher et relocaliser une partie de la production. Ces groupes sont en bonne santé économique et participent à la désindustrialisation silencieuse. Je suis secrétaire fédéral dans le même secteur depuis quinze ans, celui du nucléaire, de l’électrique, de l’électronique et du ferroviaire. Il n’existe pas une entreprise ou un site dont les effectifs n’aient diminué de 50 % en quinze ans. Les chiffres d’affaires augmentent pourtant. Les groupes qui ont les moyens d’embaucher doivent le faire et produire en France.

 

Il n’y aura pas de deuxième chance par rapport au virage manqué en 2000 : ce sont d’abord les groupes en bonne santé qui doivent tirer le soutien à l’industrie. » Paradoxalement, le secteur électroménager a su s’assurer une forte résilience, puisqu’il commence seulement à ressentir la pénurie de semi-composants ainsi que l’augmentation des coûts du transport, et à devoir le répercuter sur ses prix. Le paysage industriel s’organise autour de Seb, devenu un mastodonte d’envergure mondiale à force de rachats au service d’une stratégie de croissance externe, et d’une petite galaxie de structures plus modestes qui misent sur une autre logique.

 

Pour autant, Seb, avec ses 11 sites en France sur un total de 40 dans le monde, a conservé 30 % de sa production dans l’Hexagone alors que le pays ne représente "que" 10 % de ses quelque 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ces cinq dernières années, le groupe a même investi 300 millions d'euros dans ses sites industriels français.
 

A côté du géant, plusieurs petits acteurs ont misé sur d’autres axes de développement qui, heureuse coïncidence ou véritable flair, rencontrent les nouvelles attentes de consommation  et préfigurent le big bang que devra effectuer le secteur s’il veut maintenir une croissance durable et connaître un nouvel âge d’or.

 

A suivre....

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