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27 / 04 / 2020 | 139 vues
Valérie Forgeront / Membre
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Des primes à géométrie variable pour les agents : il est urgent d’ouvrir une véritable négociation salariale

Le 15 avril, le gouvernement a annoncé la création d’une prime défiscalisée et désocialisée d’un montant maximal de 1 000 euros, pour les fonctionnaires d’État travaillant actuellement sur site ou en télétravail. Quatre cent mille fonctionnaires seraient concernés par cette prime modulable et calculée « en fonction de la durée d’engagement » sur le terrain, indique le gouvernement qui estime le coût de la mesure à 300 millions d’euros.

 

Cette prime serait aussi appliquée aux agents de la fonction publique territoriale, à ceci près que les employeurs publics resteraient libres du versement de la prime et de son montant. Le gouvernement a aussi annoncé le versement d’une prime (elle aussi défiscalisée et désocialisée) de 500 euros au moins pour les agents hospitaliers ; la prime s’élèvera à 1 500 euros pour ceux travaillant dans des établissements ou services accueillant des patients atteints du covid-19.

 

Annonçant par ailleurs une majoration de 50 % des heures supplémentaires effectuées par le personnel soignant pendant cette crise, le gouvernement évalue le coût de l’ensemble de ces mesures pour les hospitaliers à 1,3 milliard d’euros. Le Ministre de la Santé, Olivier Véran, indiquait de son côté qu’une prime du même genre serait « très rapidement discutée puis attribuée à tout le secteur du médico-social, notamment les EHPAD ».

 

Les fonctionnaires ne sont pas amnésiques…

 

Qu’en pensent les fonctionnaires ? D’abord, le double discours dont FO fonction publique prévenait le 16 avril qu'il ne serait pas oublié, en référence aux années de tensions et de conflits entre les gouvernements successifs et les agents. Tout en faisant mine de caresser les fonctionnaires dans le sens du poil, ces gouvernements ont imposé le gel des salaires, des milliers de suppressions de postes et de multiples réformes qui ont mis les services des trois versants de la fonction publique à mal.
 

Pour l’interfédérale, les mesures de récompense qui viennent d’être annoncées portent non seulement beaucoup d’incertitudes mais ne résolvent en rien le sort qui a été réservé aux services publics et à leur personnel pendant des années.

 

FO fonction publique déplore que cette prime ne soit « pas pour tout le monde » mais seulement pour les agents dont le surcroît de travail est avéré. Par conséquent, ceux de fait placés en autorisation spéciale d’absence (ASA) car n’effectuant pas des missions essentielles ou ne pouvant pas bénéficier de télétravail en seront exclus.

 

Les fonctionnaires s’insurgent aussi contre une inégalité de traitement des agents puisque dans la territoriale ; cette prime sera conditionnée à la bonne volonté de la collectivité et à l’accord de son assemblée délibérante. Quant au versant hospitalier,  le gouvernement ne semble pas vouloir que la prime concerne tous les agents du secteur.

 

La contestation est également patente concernant les mesures sur les congés. « Les chefs de service et employeurs publics pourront imposer un maximum de dix jours de congés aux agents. Pour ceux en ASA c’est la double peine : pas de prime et cinq jours d’ASA qui pourront être remplacés de manière rétroactive par des congés entre le 13 mars et le 15 avril ». Cerise sur le gâteau, le tout a été décidé sans aucune concertation avec les organisations syndicales.

 

Des mesures loin d’être à la hauteur

 

Bref, l’interfédérale résume : quelques fonctionnaires vont percevoir une prime (certains peut-être même le montant maximum) mais tous se verront parallèlement imposer des congés.
 

Le 16 avril, notant que ces mesures ne sont ni négligeables, ni à rejeter, cinq organisations de la fonction publique déploraient toutefois qu’elles soient « loin d’être à la hauteur des enjeux » et qu’elles comportent d’inacceptables et injustes reculs. Particulièrement concernées par les ASA, les femmes fonctionnaires risquent ainsi d’être une fois de plus les victimes d'une discrimination.
 

À l'instar des bravos distribués actuellement par l’exécutif aux agents, accorder des primes ne suffit pas pour calmer la colère des fonctionnaires qui revendiquent des augmentations de salaire depuis dix ans.
 

Les cinq organisations indiquent ainsi qu’il est urgent d’ouvrir une véritable négociation salariale. Devant intervenir au plus tard au mois de juin, celle-ci doit porter sur le dégel immédiat du point d’indice et des mesures générales actées dans le budget 2021. Seules de telles mesures pérennes et transversales sont de nature à apporter la juste reconnaissance salariale de l’engagement et des qualifications du personnel.
 

Plus globalement, le plan d’aides conçu par le gouvernement sera-t-il suffisant ? Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), structure rattachée à la Cour des comptes, fait déjà part de sa prudence liée aux incertitudes de l’évolution de la situation. Ce plan repose sur l’hypothèse forte d’un retour assez rapide à la normale de l’activité au-delà du 11 mai, indique-t-il, notant que si cette hypothèse forte ne se réalisait pas, la chute d’activité pourrait se révéler supérieure. On peut comprendre qu’un nouveau plan pourrait être nécessaire et que les agents publics seraient toujours plus sollicités.
 

De son côté, le Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, confirme ce que la situation actuelle laisse déjà entrevoir : sortir des conséquences économiques de cette crise prendra des années et elles sont indissociables des conséquences sociales. Dès lors, déjà placés au cœur de l’action de soutien à la population, les différents secteurs des services publics et leur personnel ont plus que jamais la légitimité d’exiger la reconnaissance de leurs missions à travers une amélioration substantielle de leurs salaires et pas simplement par de mielleux bravos de circonstance.

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