Organisations
Congés payés et maladie : le dénouement
Souvenez-vous : par une série d’arrêts rendus le 13 septembre 2024, la Cour de cassation avait procédé à une mise en conformité du droit français au droit européen en écartant les dispositions contraires du code du travail qui empêchaient toute acquisition de congés payés durant les périodes d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle, ainsi que celles qui la limitaient à un an pour les arrêts pour accident du travail et maladie professionnelle. La loi du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne harmonise le code du travail au droit européen en permettant d’acquérir des congés pendant les arrêts de travail pour raisons de santé et d’en profiter dans la mesure où le salarié sera de retour au travail dans les délais. En tant qu’élu au CSE, vous pouvez vous assurer de l’application de ces nouvelles règles dans votre entreprise et jeter les bases de négociation pour la régularisation des périodes antérieures.
TOUTES ABSENCES POUR RAISON DE SANTE OUVRENT DROIT A CONGES PAYES, TOUS LES CONGES PAYES OU PRESQUE
Désormais, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat est suspendue pour maladie ou accident, que la cause soit professionnelle ou non, sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé (article L. 3141-5, mod. du code du travail). La limite d’un an pour l’acquisition des congés payés (CP) en accident du travail est donc supprimée. Mais attention, l’acquisition est limitée à 2 jours ouvrables par mois d’absence pour une maladie ou un accident d’origine non professionnelle (ce qui correspond aux 4 semaines européennes de vacances) et non à nos 2,5 jours ouvrables français réservés aux absences pour maladie ou accident d’origine professionnelle (ce qui correspond à nos 5 semaines nationales). Cela ne signifie pas pour autant que la réserve de CP serait illimitée, des règles de report bridant ce cumul.
LES REGLES DE REPORT LIMITE LE CUMUL DE CES CP
L’employeur a une nouvelle obligation d’information qui déclenche le délai de report fixé légalement à 15 mois (améliorable par convention ou accord) pour le seul salarié qui n'aurait pas pu prendre tous ses congés avant la fin de la période de prise des congés du fait de son absence pour raison de santé. En effet, à l’issue d’une période d’arrêt de travail du salarié pour cause de maladie ou d’accident d'origine professionnelle ou non, l’employeur doit, depuis le 24 avril 2024, porter à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail : le nombre de jours de congé dont il dispose et la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris (nouvel article L. 3141-19-3). Cette information peut se réaliser par tout moyen, y compris par le bulletin de salaire. Ne précisant pas une durée d’absence minimale déclenchant cette obligation, l’employeur doit le faire, quelle qu’en soit la durée !
UN REPORT DE 15 MOIS SI LA PERIODE DE PRISE DES CP EST CLOSE
Le salarié dans l’impossibilité, pour raison de santé, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, bénéficie d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir en bénéficier (article L. 3141-19-1 créé). Au-delà de ces 15 mois, les CP seront perdus si le salarié ne les prend pas alors que l’employeur l’a informé et ne l’a pas empêché de les prendre.
QUEL EST LE POINT DE DEPART DE CES 15 MOIS ?
Le principe est que les 15 mis courent à compter de l’information par l’employeur. Sauf exception : si le salarié est en arrêt depuis plus d’un an et que l’arrêt continue : le point de départ est alors la date de la fin de la période au titre de laquelle les congés ont été acquis. Ainsi, pour les entreprises qui appliquent la période légale d'acquisition 1er juin-31 mai de l'année N, ce sera donc le 1er jour de la période de référence suivante, soit le 1er juin de l'année N+1 donc jusqu’à fin août de l’année N+2. Si lors de la reprise du travail, la période de report n’a pas expiré, cette période est suspendue jusqu’à ce que le salarié a reçu les informations de l'employeur (C. trav., art. L.3141-19-2, créé). Si le salarié est toujours absent, ses droits à CP expirent au terme du délai de report de 15 mois, le but recherché par cette exception étant de limiter le cumul des congés payés lorsque l'arrêt de travail excède un an.
QUEL RECOURS POUR LES PERIODES ANTERIEURES A CETTE NOUVELLE LOI ?
Dans une précédente newsletter, nous avions soulevé la question de savoir sur quelle période un salarié s’estimant lésé peut réclamer en justice, et au préalable par la voie de la négociation, une indemnisation de ses CP non acquis du fait de périodes de maladie ou d’accident. La loi y répond. Les nouvelles règles s’appliquent rétroactivement pour la période du le 1er décembre 2009 au 24 avril 2024, sauf acquisition de congés pendant les périodes d'arrêt de travail pour accident du travail de plus d'un an et sans que le salarié ne puisse bénéficier de plus de 24 jours ouvrables de congés payés par année d’acquisition des droits à congés. Attention, si le salarié est encore en poste, toute action judiciaire visant à récupérer des CP acquis sur cette période doit être introduite, à peine de forclusion, dans le délai de 2 ans à compter du 24 avril 2024, soit jusqu'au 23 avril 2026. Si le salarié a quitté l'entreprise avant le 24 avril 2024, la prescription triennale applicable aux créances salariales s’appliquerait : un délai de 3 ans pour agir à compter de la rupture de leur contrat de travail. Au-delà de ces deux délais, tout salarié concerné perdra ce droit d’agir.