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16 / 11 / 2025 | 20 vues
Valérie Forgeront / Membre
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Budgets pour 2026 : rejets, incertitudes et méthode inédite

Alors qu’au Parlement l’examen poussif et compliqué des projets budgétaires affiche de plus en plus une issue incertaine, les travailleurs œuvrent plus que jamais à rendre visibles leurs revendications pour les faire aboutir.


Pour la protection des droits, notamment ceux des plus fragiles ; pour la protection des emplois, tandis que la course cynique aux bénéfices se traduit dans certaines entreprises par des suppressions et fermetures de sites ; pour des mesures permettant une vraie justice fiscale et sociale, avec notamment des services publics forts, dotés des moyens nécessaires pour maintenir un service de qualité et porter haut les valeurs de la République…
 

A lors qu’une réunion (État, syndicats, patronat) ouvrant la conférence sociale Travail et retraites voulue par le gouvernement de Sébastien Lecornu est prévue le 5 décembre au Parlement, l’examen des projets de budgets pour 2026, soit le PLF pour l’État et le PLFSS pour la Sécurité sociale (porteur de la mesure de suspension/décalage jusqu’en 2028 de la réforme des retraites de 2023), se confirme compliqué.

 

Cela jusqu’à poser la question du respect du calendrier constitutionnel, fixant au 31 décembre la date limite de promulgation des textes budgétaires.

 

En cas de non-vote du PLF, est évoquée l’éventualité d’une loi spéciale (qui reconduirait momentanément en 2026 les crédits de 2025, en attendant de nouvelles discussions budgétaires).


Est évoqué aussi l’éventuel recours du gouvernement aux ordonnances (il n’y en a eu aucune de ce type depuis 1958) pour faire passer les textes (par une loi d’habilitation, le Parlement permet au gouvernement de se substituer à ses pouvoirs législatifs).
 

Autre éventualité : le recours au 49.3. Sébastien Lecornu s’était engagé en octobre à ne pas utiliser cette procédure sans vote, qui rompt les débats et qui nécessite que le gouvernement engage sa responsabilité devant l’Assemblée. Au risque d’être censuré.

 

Changement de règles ?

 

Après, faute de temps, l’absence de vote, en première lecture, par l’Assemblée le 12 novembre de la partie dépenses du texte (la partie recettes avait été adoptée le 5 novembre), le PLFSS (avec ses amendements) a été transmis pour examen au Sénat qui doit se prononcer le 26 novembre.

 

Après le rejet massif en première lecture le 21 novembre de sa partie recettes par les députés (une voix pour, 404 contre et 84 abstentions), le PLF a lui été transmis dans sa version initiale (donc sans les amendements adoptés) au Sénat qui, le 27 novembre, en débutera l’examen.

 

Inédit, le 24 novembre, le Premier ministre a demandé que l’Assemblée, à la reprise des débats sur le projet de loi de finances mi-décembre, se prononce budgétairement d’abord sur des priorités absolues pour 2026 : le déficit, la réforme de l’État, l’énergie, l’agriculture, la sécurité intérieure et extérieure (autrement dit le budget des Armées).

 

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L’emploi et les salaires demeurent les préoccupations premières des travailleurs et comment s’en étonner dans un contexte d’apathie du marché du travail, d’un chômage toujours haut et d’une situation salariale atone. L’austérité budgétaire est cependant toujours prônée pour 2026 ; l’Assurance chômage reste dans le viseur ; le Smic est menacé une fois de plus d’absence de coup de pouce ; les travailleurs sont stigmatisés dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale, alors que cette fraude leur est très faiblement imputable…

Le 5 décembre, lors de la Conférence Travail-Emploi-Retraites, FO a rappelé ses revendications : pour des salaires attractifs, un emploi protégé et développé, un système de retraite par répartition préservé, pour la formation, pour des services publics forts, pour un débat sur les exonérations de cotisations accordées aux entreprises, et pour une politique de réindustrialisation capable de reconstituer la souveraineté productive du pays.

 

L’Assemblée nationale a adopté le 9 décembre la partie dépenses du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), texte portant la mesure de suspension/décalage de la réforme des retraites. Puis, les députés ont approuvé le même soir l’ensemble du texte à une courte majorité. De son côté, le projet de loi de finances (PLF) est actuellement débattu au Sénat, jusqu’au 15 décembre. Si l’examen parlementaire des projets budgétaires est forcément source de modifications des versions initiales proposées par un gouvernement, cette année est marquée par des retournements de situation, notamment à l’initiative du gouvernement Lecornu, lequel ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée.

 

Des mesures au parcours singulier

 

Ainsi le 8 décembre, veille du vote en deuxième lecture du PLFSS, le gouvernement avait annoncé qu’il déposait un amendement portant sur l’Ondam 2026, soit l’objectif de dépenses de l’Assurance maladie. Il a ainsi proposé de desserrer l’étau et d’adopter une trajectoire de dépenses en hausse de 3 % et non plus de 1,6 % comme prévu initialement.

L’Assemblée a approuvé.

Le gouvernement avait ces derniers jours annoncé l’abandon du doublement des franchises médicales ainsi que du gel des pensions de retraite et des minima sociaux.

 

Au fil de cette deuxième lecture du PLFSS, les députés s’étaient prononcés, entre autres, en faveur d’une limitation de la durée des arrêts de travail (bien que moins sévèrement que le projet initial).

L’Assemblée avait adopté aussi le projet gouvernemental de taxation exceptionnelle des complémentaires santé, mesure visant une recette d’un milliard d’euros, mais qui menace d’avoir des conséquences sur les tarifs des contrats payés par les assurés.

 La saison du feuilleton budgétaire se poursuit avec ses épisodes à rebondissements, tant concernant le projet de loi de finances (PLF) que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

 

Ce dernier texte (portant la mesure de suspension/décalage de la réforme des retraites) avait été adopté, à treize voix près, à l’Assemblée le 9 décembre, puis transmis au Sénat qui l’a rejeté d’emblée le 12.

De retour devant les députés le 16 décembre, le texte a été adopté lors d’un ultime vote.

À quinze voix près.

 

Bien que très amendé, le texte porte encore des mesures sévères, telle la limitation de la durée initiale des arrêts maladie (à un mois), la taxation supplémentaire des complémentaires santé ou encore un Ondam (évolution des dépenses de l’Assurance maladie) réhaussé à 3% mais toujours inférieur aux besoins. Le PLF, lui, est loin d’avoir achevé son parcours, chaotique et à l’issue incertaine.

 

Après un rejet des députés en première lecture, le texte avait été transmis au Sénat qui l’a adopté le 15 décembre, avec des modifications.

Ce qui aboutit à un examen en commission mixte paritaire (CMP, formée de sept députés et de sept sénateurs), chargée de tenter de trouver un texte commun aux deux chambres. Cette CMP se tient le 19 décembre, voire aussi le 20.

 

En cas d’accord, le texte devra encore être soumis au Sénat et à l’Assemblée, où le gouvernement pourrait opter soit pour un vote des députés (au risque d’un rejet du texte), soit pour une adoption via l’article 49.3 (le gouvernement s’était engagé à ne pas l’utiliser), donc sans vote, mais au risque d’une censure. Sans texte commun sortant de la CMP, le gouvernement s’orienterait vers une loi spéciale (soit la reconduction momentanée en 2026 des crédits de 2025, en attendant l’adoption d’un PLF).

 

L’examen du projet d’une telle loi devrait avoir lieu le 22 décembre.

 

En cas de rejet du texte issu de la CMP par l’une des assemblées, cet examen se tiendrait le 23 décembre.

 

Des mesures austères toujours vivaces

 

Ce 18 décembre (date de bouclage de notre édition), l’issue du PLF 2026 (loi devant être promulguée d’ici le 31 décembre) était donc incertaine. Présenté en octobre, le projet budgétaire global du gouvernement s’était largement inspiré de l’austère plan Bayrou, avec l’objectif de ramener le déficit public à 4,7% du PIB (contre 5,4% en 2025), avec un « effort » autour de 30 milliards d’euros sur les finances publiques, principalement par une baisse des dépenses (17 milliards d’euros). Depuis, l’objectif de déficit a été revu, à 5%.

 

Le 15 décembre, le gouvernement a sonné l’alerte : les mesures décidées jusque-là par le Parlement conduiraient à un déficit de 5,3% du PIB. Cela ne signifie pas que toutes les mesures de baisse des dépenses ont été abandonnées. Quant aux recettes, l’apport supplémentaire prévu initialement était déjà limité. Il le demeure. Il a même, pour l’instant, été réduit par le Sénat.

 

Reste donc à connaître le sort final des mesures austères envisagées, entre autres le gel des dépenses de la sphère publique, les suppressions d’emplois publics et le gel des salaires indiciaires des agents; le gel du barème de l’impôt sur le revenu, la suppression de l’abattement fiscal de 10% pour les retraités…

 

Reste aussi à connaître le sort de mesures limitées, telle celle s’adressant aux ménages aux très hauts revenus (au-delà de 250000 euros pour une personne), soit une surtaxation des revenus (à 20%) prévue encore l’an prochain. Reste à savoir aussi ce que deviendront des mesures, tout aussi limitées, visant les entreprises.

 

Ainsi, par exemple, la baisse de l’impôt de production CVAE et son extinction avancée à 2028, ou encore la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, prolongée d’un an mais dont le rendement initial envisagé par le gouvernement a été réduit de moitié, à quatre milliards d’euros, puis a été remonté à six par l’Assemblée avant que le Sénat supprime tout simplement la mesure

 

NDLR: Dernière heure...la CMP n'a trouvé aucun accord...à suivre !