Branche Accidents du travail – maladies professionnelles : une enquête alarmante de l’INRS
L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) a publié il y a quelques temps une enquête préoccupante sur les malaises mortels survenant sur le lieu de travail. Les résultats sont glaçants : entre 2012 et 2022, sur les 1 403 accidents mortels analysés, 143 (soit environ 10 %) étaient liés à un malaise.
I. Un profil type des victimes qui interpelle :
L’enquête met en lumière plusieurs tendances marquantes :
- 93 % des victimes sont des hommes ;
- L’âge médian des travailleurs concernés est de 51 ans.
Les tranches d’âge les plus touchées sont :
- 40-49 ans (32 %)
- 50-59 ans (50 %)
- Plus de 90 % des victimes travaillaient dans des entreprises de moins de 250 salariés.
Les trois professions les plus touchées sont :
- Conducteurs de camions et poids lourds (20 %)
- Professionnels qualifiés du bâtiment (gros œuvre) (5,6 %)
- Électriciens du bâtiment (2,8 %)
II. Une cause principale : l’infarctus du myocarde
La majorité des décès est due à une mort subite de l’adulte, dont le principal mécanisme est l’infarctus du myocarde. Fait préoccupant : nombre de ces décès auraient pu être évités avec une meilleure formation des collègues et des services de management aux gestes de premiers secours et à la reconnaissance des signes précurseurs.
En 2023, 150 nouveaux malaises mortels ont encore été recensés. Face à cette réalité, notre organisation syndicale insiste sur la nécessité de faire des recommandations de l’INRS une priorité afin de prévenir ces drames évitables.
III. Les recommandations de l’INRS :
L’INRS, en collaboration avec les contrôleurs de sécurité des CARSAT, propose plusieurs axes d’amélioration :
1/ Renforcer l’évaluation des risques professionnels :
Certains facteurs de risque, tels que les risques psychosociaux, les horaires atypiques, les postures sédentaires ou encore les expositions combinées (froid, bruit…), sont insuffisamment pris
en compte tant dans leur évaluation que dans leur prévention, alors qu’ils sont reconnus comme des éléments déclencheurs de mort subite des travailleurs.
2/ Optimiser l’organisation des secours :
L’étude révèle que 80 % des victimes sont décédées sur leur lieu de travail et que trois sur quatre étaient seules au moment du malaise. Pire encore, 16 % des victimes décédées seules avaient
été mises à l’écart pour se reposer après l’apparition des premiers symptômes. Il est donc crucial de former les travailleurs et les managers à la prise en charge rapide des malaises et à l’organisation des secours.
3/ Améliorer le suivi médical des travailleurs :
L’INRS recommande d’exploiter la visite médicale de mi-carrière pour évaluer le risque cardiovasculaire du salarié et mesurer l’impact de ses conditions de travail sur sa santé.
4/ Mettre en place un accompagnement psychologique :
Les témoins de malaises mortels doivent pouvoir bénéficier d’un soutien psychologique pour surmonter cet événement traumatisant.
5/ Développer une politique publique de prévention :
Par ailleurs, mettre en place une campagne d’information genrée pour mieux sensibiliser la population aux risques cardiovasculaires, à la reconnaissance des symptômes et aux gestes d’urgence semble être une nécessité.
Ces mesures sont essentielles pour éviter que de nouvelles tragédies ne surviennent et faire de la prévention une priorité, dans le monde du travail.
Retour sur le Conseil national d’orientation des conditions de travail (CNOCT)
Le 3 février 2025, le Conseil national d'orientation des conditions de travail (CNOCT) s'est réuni sous la présidence d'Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail et de l'Emploi. Cette séance a été principalement consacrée à la prévention des accidents du travail graves et mortels, dans la continuité du quatrième plan santé au travail (PST4) et du Plan de prévention des accidents du travail graves et mortels (PATGM).
Au cours de la rencontre, la ministre a présenté les avancées majeures, notamment la formation d'un million d'élèves et apprentis à la santé et sécurité au travail, l'intensification des campagnes de sensibilisation et le renforcement des réglementations face aux risques liés aux fortes chaleurs.
La réunion a été introduite par la présentation du bilan de la Charte sociale Paris 2024 par Dominique Carlac'h et Bernard Thibault. Cette initiative, mise en place durant les Jeux Olympiques de Paris 2024, a notamment réduit par quatre le taux d'accidents sur les chantiers.
S'inspirant de ce succès, Astrid Panosyan-Bouvet a détaillé de nouvelles mesures qu’elle souhaite mettre en place :
• Création d'un groupe de contact : Ce groupe, intégré au Comité national de prévention et de santé au travail, renforcera le dialogue social dans les secteurs à forte sinistralité, comme le BTP et l'intérim.
• Mobilisation des donneurs d'ordre publics : Une directive, conçue avec le ministère de l'Économie, incitera les donneurs d'ordre à valoriser les entreprises engagées dans la prévention.
• Amélioration de la coordination judiciaire : Une collaboration avec le ministère de la Justice permettra une meilleure gestion des suites des accidents graves.
• Analyse approfondie des accidents : Une équipe spécialisée, composée de préventeurs et d'agents de contrôle, étudiera les causes récurrentes des accidents pour proposer des améliorations réglementaires.
• Accompagnement renforcé des employeurs : Les services de santé au travail soutiendront les entreprises dans l'élaboration de leur document unique d'évaluation des risques.
• Renforcement de la formation : Toutes les certifications professionnelles devront intégrer des compétences en santé et sécurité au travail.
En conclusion, la ministre a annoncé la tenue prochaine des "Rendez-vous du travail", une conférence nationale consacrée au bien-être au travail, affirmant que ces initiatives sont essentielles pour prévenir des drames professionnels évitables.
Plus d'infos:
- https://travail-emploi.gouv.fr/conseil-national-dorientation-des-conditions-de-travail-cnoct-du-3-fevrier-2025
- https://www.editions-tissot.fr/actualite/sante-securite/telechargement/rapport-annuel-2023-de-lassurance-maladie-risques-professionnels-decembre-2024
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