Organisations
Les Honeywell en sursis...
Après des années de profits, le groupe américain Honeywell a laissé son site de Condé-sur-Noireau se dégrader. Il annonce aujourd’hui sa fermeture et l’ouverture d’une usine similaire en Roumanie.
« C'est trop facile d'acheter un site, de le laisser crever à petit feu, de gratter ce qu’il y a et de nous laisser sur le carreau ». La colère d’Olivier Gauguin, secrétaire FO du comité d’entreprise, résume le sentiment des 323 salariés de l’usine Honeywell de Condé-sur-Noireau (Calvados) depuis l’annonce, le 19 octobre, de sa fermeture.
Spécialisé dans la fabrication de plaquettes de frein automobile, le site condéen devrait fermer en juin 2013.
L’équipementier américain Honeywell a annoncé dans la foulée l’ouverture d’un nouveau site en Roumanie, qui produira également des garnitures de freins... « Avec une technologie dont ne dispose pas le site de Condé », souligne le groupe, qui se défend de toute délocalisation. Le syndicat FO, majoritaire, avait senti le vent venir et s’en était alarmé il y a un mois auprès des élus et des pouvoirs publics, soupçonnant « au mieux » un plan social, au pire une fermeture. Honeywell a choisi le pire des scénarios, qu’il justifie ainsi par la voix de François Serizay, directeur des relations sociales du sitecondéen : « Les pertes sont récurrentes, la technologie utilisée est obsolète, le bâtiment, qui a été érigé dans les années 1960, a vieilli, le carnet de commandes se réduit... »
À qui la faute ?
« Le groupe a sciemment laissé le site à l’abandon », dénonce FO qui a appelé les salariés à manifester devant la préfecture de Caen le 25 octobre, jour d’une table ronde en présence du préfet, des élus, des syndicats et des dirigeants d’Honeywell.
Ces derniers ont fait valoir que pour maintenir le site, « il nous faudrait des clients, des produits fabriqués avec une autre technologie et combler un passif très important ». Comment un groupe bénéficiaire, qui pèse 33 milliards de dollars de chiffre d’affaires, a-t-il pu laisser un de ses sites se dégrader au point d’en appeler aujourd’hui aux pouvoirs publics pour pallier ses carences, tout en se disant dubitatif sur leur capacité « à apporter une solution viable à ce site littéralement économiquement sinistré » !
Toujours est-il que la table ronde a permis de reporter d’un mois l’ouverture de la procédure du plan social. « Dans ce délai, nous allons, avec un groupe de travail, examiner si un projet alternatif peut être défini et permettre le maintien de l’industrialisation de Condé-sur-Noireau », a précisé le préfet du Calvados, Didier Lallement.
Le site condéen, qui appartenait à l’origine au groupe Ferodo, a été construit en 1961. Rachetée par Valeo en 1980, puis par Honeywell en 1990, l’usine, qui a employé jusqu’à 2 500 personnes dans les années 1970, a un lourd passé. « Elle est le symbole historique du scandale de l’amiante qui a empoisonné des générations de travailleurs », rappelle Yann Thomas, délégué FO.
D’où l’amertume et la colère de toute une population face à un groupe qui fait des profits et annonce froidement sa désertion.